Publié le 01 mai 2007Lecture 6 min
Actualités dans la thrombose
G. LAMBERT, Paris, d'après P.-G. STEG (Paris) et J.-P. BASSAND (Besançon)
Les Journées de la SFC
Depuis quelques années, les stratégies diagnostiques et thérapeutiques de la maladie thromboembolique veineuse (MTEV) se sont transformées grâce à l’évaluation de nouvelles techniques d’exploration et l’arrivée de nouveaux anticoagulants. Le fondaparinux s’est imposé comme un anticoagulant de premier plan dans la prise en charge de la maladie thromboembolique et du syndrome coronarien aigu.
Maladie thrombo-embolique veineuse en pratique cardiologique quotidienne
D'après D. Mottier, Brest
Il n’y a pas d’examen idéal pour faire le diagnostic d’embolie pulmonaire (EP) et c’est la clinique qui demeure au centre de la démarche. En effet, la scintigraphie pulmonaire seule ne permet pratiquement jamais de conclure, sauf lorsqu’elle est parfaitement normale. Au-delà de la scintigraphie, les autres examens performants dans le diagnostic d’embolie pulmonaire sont le dosage des D-dimères, l’écho-Doppler à la recherche d’une thrombose veineuse profonde (TVP), en particulier au-dessus de la veine poplitée, et l’angioscanner. La négativité de ce dernier permet le plus souvent d’éliminer une EP.
Après un premier épisode, la durée du traitement anticoagulant dépend des facteurs de risque : elle est de 3 mois lorsqu’il existe un facteur de risque réversible, de 6 à 12 mois lorsque la maladie est idiopathique ou en cas de thrombophilie, voire au-delà de 12 mois en cas de syndrome des antiphospholipides. Dans un contexte de cancer, les patients doivent être traités par une héparine de bas poids moléculaire tant que dure l’exposition au facteur de risque. En revanche, les thrombophilies constitutionnelles (mutations facteurs V et II) sont des facteurs de risque pour le premier épisode, mais non pour la récidive.
EP et TVP étant deux expressions de la même maladie, leur caractère récidivant est identique, mais la mortalité est 5 fois plus importante dans l’EP.
Les nouveaux anticoagulants
Les nouveaux anticoagulants sont des pentasaccharides qui ressemblent au site actif de liaison de l’héparine à l’antithrombine. Une molécule est actuellement commercialisée : le fondaparinux ; l’idraparinux est en cours de développement.
Le fondaprinux se fixe sur l’antithrombine et renforce son activité physiologique anticoagulante. Le fondaparinux en une seule injection sous cutanée par jour (7,5 mg pour les patients entre 50 et 100 kg ; 5 mg pour les patients de moins de 50 kg et 10 mg pour les patients de plus de 100 kg) a été comparé à l’énoxaparine dans le traitement de la TVP isolée (étude Matisse TVP : Ann Intern Med 2004 ; 140 :867-873) et à l’HNF dans le traitement de l’embolie pulmonaire (étude Matisse EP - N Engl J Med. 2003 ; 349(18) : 1695-702). Cette seconde étude a démontré la non-infériorité du fondaparinux sur l’HNF avec une différence sur l’incidence des ETE (critère principal) de -1,2 % en faveur du fondaparinux. En plus d’une efficacité comparable, le fondaparinux présente l’avantage de s’administrer en une injection par jour, à dose fixe et sans surveillance biologique. En prévention des événements thromboemboliques dans les situations médicales aiguës, l’efficacité du fondaparinux a été montrée par l’essai ARTEMIS (BMJ 2006 ; 332 (7537) : 325-9).
Les thrombopénies immunes sous héparine : une réalité
D'après Y. GRUEL, Tours
Les thrombopénies immunes induites par l’héparine (TIH) s’accompagnent de thrombose dans un cas sur deux. Les TIH sont liées à la production d’anticorps (Ac) dirigés contre le facteur plaquettaire 4 (FP4) modifié par l’héparine. Ces Ac interagissent avec le complexe FP4-héparine et se fixent aux plaquettes par leur fragment Fc. C’est cette liaison qui induit une activation cellulaire intense en grande partie responsable des thromboses. Il faut cependant des concentrations optimales de FP4 et d’héparine pour induire la formation de ces complexes.
Il a été montré, dans un contexte de chirurgie orthopédique, que les TIH sont beaucoup plus fréquentes sous héparine non fractionnée (HNF) que sous HBPM. Cependant, ces thrombopénies existent aussi avec les HBPM, mais avec un risque 40 fois plus faible qu’avec les HNF.
L’équipe de P. Prandoni a montré que chez des patients traités de façon curative ou préventive par HNF ou HBPM pendant une durée médiane de 8 jours et à différentes doses, l’incidence des TIH allait jusqu’à 0,8 % de TIH sous HBPM.
Selon un travail de T. Warkentin sur le sérum de 3 000 patients ayant reçu de l’énoxaparine ou du fondaparinux, le pourcentage de patients développant des Ac était identique dans les deux groupes. Toutefois, en présence du fondaparinux, ces Ac ne se fixent pas au FP4 in vitro : ils sont en quelque sorte inactifs et les tests d’activation plaquettaire sous fondaparinux sont négatifs. Le danaparoïde et l’hirudine sont les deux traitements de la TIH, mais ce sont des médicaments difficiles à manier. L’évaluation du fondaparinux dans cette indication est nécessaire avant de pouvoir le recommander dans cette indication.
Syndromes coronariens aigus : le programme OASIS
D'après P.-G. Steg, Paris
Le protocole de l’étude OASIS (Organization to Assess Strategies for Ischemic Syndromes) 5 (New Engl J Med 2006 ; 354 : 1464-76) a inclus 20 000 patients présentant un syndrome coronaire aigu (SCA) sans sus-décalage de ST, mais avec 2 des 3 critères de risque suivants :
- âge < 60 ans,
- sous-décalage de ST,
- élévation des marqueurs biologiques de nécrose.
Tous les patients recevaient les traitements (médicamenteux et angioplastie si indiquée) selon les recommandations puis étaient tirés au sort en deux groupes recevant soit de l’énoxaparine 1 mg/kg s/c 2 fois/j, soit 2,5 mg de fondaparinux en une seule injection par jour. Le critère d’efficacité était défini par la combinaison des décès, des récidives d’IDM et des ischémies réfractaires à 9 jours. Au 9e jour, la non-infériorité du fondaparinux en termes d’efficacité a été confirmée comparativement à l’énoxaparine mais avec une réduction significative de moitié des hémorragies majeures dans le groupe fondaparinux. L’apport majeur de cette étude a été également de constater une réduction significative de la mortalité dès 30 jours (diminution de 17 % de la mortalité) ; cette différence se maintenant encore à 6 mois. Il existe un lien entre la diminution des hémorragies et la baisse de la mortalité comme l’a confirmé le groupe d’étude TIMI, en montrant que l’anémie est un facteur de risque de surmortalité au cours du SCA. Prévenir les hémorragies est donc fondamental d’autant que les transfusions n’améliorent pas le pronostic mais seraient possiblement délétères. Dans le sous-groupe des 6 000 patients d’OASIS 5 qui ont eu une revascularisation percutanée au cours de l’essai, il a été mis en évidence plus de thrombi sur cathéter dans le groupe fondaparinux que dans le groupe énoxaparine (29 vs 8, soit 0,9 vs 0,4 %). Cette complication ne s’est pas traduite clinique par un surcroît d’évènements et donc ne modifie pas le ratio bénéfice-risque d’Arixtra® comparativement à l’énoxaparine.
L’essai OASIS 6 a inclus 12 000 patients ayant un IDM avec sus-décalage de ST. les patients du groupe fondaparinux comparé au traitement habituel, ont bénéficié d’une réduction de la mortalité de 14 % au 30e jour.
Nouvelles recommandations dans les SCA : place des nouvelles molécules
D'après J.-P. Bassand, Besançon
Les résultats des études (OASIS 5 et ACUITY) sont de nature à modifier les prochaines recommandations européennes de prise en charge des SCA sans sus-décalage de ST. En 2002, au moment des précédentes recommandations, les agents antithrombotiques étaient les HNF et les HBPM. Dans ces nouvelles recommandations, le ratio bénéfice/risque est pris en compte pour la première fois et interviendra dans le niveau de la recommandation. Ainsi, le risque d’hémorragie est mis en perspective au regard du bénéfice supposé. Le nombre de patients à traiter pour éviter un événement cardiovasculaire sera mentionné au même titre que le nombre de patients à traiter pour induire une complication hémorragique. Les essais analysés pour ce travail ont été évalués avec soin, en particulier sur le plan méthodologique.
Le fondaparinux pourrait être bientôt indiqué dans la prise en charge du SCA sans sus-décalage de ST du fait de la non infériorité démontrée de son efficacité par rapport aux HBPM, mais surtout du fait de la réduction significative de la mortalité observée avec le fondaparinux. Ces recommandations mettront également l’accent, au regard d’OASIS 5, sur la nécessité de prévenir les hémorragies. Il est important d’en connaître les facteurs prédictifs : âge, sexe féminin, petit poids corporel, insuffisance rénale, traitement par GPIIb/IIIa.
Enfin, dans OASIS 5, il a été également montré que la tolérance d’Arixtra® n’était pas affectée si en per-procédural on ajoutait de l’HNF au fondaparinux.
Les recommandations préconisent donc, avant l’instauration de tout traitement anticoagulant, de stratifier les patients non plus seulement selon le risque ischémique mais de tenir compte également du risque hémorragique présenté par ce même patient.
D'après un symposium des laboratoires GSK
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