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Explorations-Imagerie

Publié le 06 avr 2010Lecture 8 min

Marqueurs et facteurs de risque

F. DIEVART, Dunkerque

Étudier le risque est un problème complexe utilisant les probabilités et les statistiques et donc des paramètres et des modèles. Si la causalité implique une certitude (par exemple, la tuberculose est due à un agent pathogène, le bacille de Koch), le risque n’est pas une certitude. Le risque implique une probabilité, c’est-à-dire une notion statistique donc quantifiable, ou une conjecture (qui est une notion empirique), voire une circonstance.

Le recours nécessaire aux probabilités L’étude de Framingham et les études épidémiologiques des cinquante dernières années nous ont appris que la maladie athérothrombotique est une maladie multifactorielle. Une maladie « multifactorielle » est due à un complexe de facteurs dont chaque élément représente une part de la cause, c’est-à-dire « un facteur de risque ». Le facteur de risque n’est pas la cause, mais il la contient. En épidémiologie, un facteur de risque est un paramètre, une pratique ou une caractéristique modifiable par l’homme et dont la modification s’accompagne d’une modification de la probabilité de la maladie à laquelle il est corrélé. Un marqueur de risque est un paramètre non modifiable de l’environnement ou une caractéristique non modifiable d’un individu (comme l’âge) dont la présence s’accompagne d’une augmentation de la probabilité d’apparition d’un trouble sanitaire, d’une maladie. Ce peut être aussi être un facteur modifiable mais dont la modification n’influe pas sur la probabilité d’apparition du trouble. Une étape importante dans la recherche de marqueurs ou facteurs de risque est l’étude de la corrélation entre ce marqueur et la survenue de la maladie. En probabilités et en statistique, étudier la corrélation entre deux ou plusieurs variables aléatoires ou statistiques numériques, c’est étudier l’intensité de la liaison qui peut exister entre ces variables. Les variables mesurées peuvent être de plusieurs natures : - elles peuvent être qualitatives ou nominales. Dans ce cas, elles peuvent être à deux classes (présente ou absente) ou à plusieurs classes. Elles peuvent être ordonnées (par exemple selon un mode croissant) ou non (par exemple, la localisation d’un infarctus du myocarde) ; - elles peuvent aussi être quantitatives, et être continues ou discontinues. En fonction de l’échantillon ou des groupes de patients et du type de variable, les tests statistiques pour évaluer la corrélation seront différents. Une erreur courante est de croire qu’un coefficient de corrélation élevé induit une relation de causalité entre les deux phénomènes mesurés. En réalité, les deux phénomènes peuvent être corrélés à un même phénomène-source : une troisième variable non mesurée, et dont dépendent les deux autres. Il peut par exemple être mis en évidence une forte corrélation entre la vente de lunettes de soleil dans une station balnéaire et le nombre de coup de soleil dans cette même station. Cependant, aucun des deux phénomènes n’est la cause de l’autre. Ils sont tous deux dépendants d’un autre facteur causal qui influe sur eux, un fort ensoleillement. Marqueur de risque Un marqueur de risque est un paramètre quantifiable qui est corrélé à la survenue d’un trouble sanitaire. Pour qu’un paramètre soit reconnu comme un marqueur de risque, il faut des études épidémiologiques montrant que la relation entre le paramètre et la maladie répond à certains critères : - l’association doit être forte : elle est exprimée par le risque relatif observé chez les sujets exposés par rapport aux non exposés. Pour les variables continues, l’association doit être graduelle : le risque de développer la maladie se modifie parallèlement au niveau du marqueur de risque ; - il y a une cohérence dans le temps : le marqueur de risque précède la maladie et non l’inverse. Ainsi, des études prospectives sont nécessaires pour valider l’association ; - les différentes études doivent être cohérentes ou concordantes. L’association est trouvée dans diverses études ayant inclus des populations différentes et des groupes vivant dans des conditions différentes ; - l’association doit être indépendante. L’association entre le marqueur et la maladie persiste même lorsque sont pris en compte les effets des autres marqueurs ou facteurs de risque (par le recours aux analyses multivariées) ; - l’association doit avoir un caractère plausible. L’association constatée est cohérente avec les résultats d’autres approches : sciences fondamentales, expérimentations animales ou in vitro, études cliniques. Facteur de risque Un marqueur peut devenir un facteur de risque si une condition supplémentaire est démontrée : la réversibilité. Si la modification du marqueur de risque permet de prévenir la maladie, ou plus exactement d’en réduire l’incidence, il s’agit de l’argument le plus fort en faveur d’une relation causale. La démonstration de cette réversibilité nécessite la réalisation d’essais cliniques d’intervention. Tant que la réversibilité n’est pas démontrée, il est prudent de qualifier un paramètre de marqueur plutôt que de facteur de risque pour deux raisons : - afin de respecter le sens des mots ; - afin de ne pas entretenir la collusion entre marqueur et facteur. En effet, qualifier un marqueur de facteur suppose que sa modification va influer sur le risque. Cette collusion désigne implicitement ce paramètre comme une cible pharmacologique, favorisant un enthousiasme thérapeutique qui peut être inutile, voire délétère. En pathologie cardiovasculaire, de très nombreux paramètres sont des marqueurs du risque ; certains sont modifiables et parmi ces derniers très peu sont des facteurs de risque. La relation qui lie le niveau du facteur au risque peut ne pas être symétrique ou isotrope. Ainsi, dans deux métaanalyses parues en 1990, il a été montré que, pour toute élévation de 5 mmHg de la pression artérielle diastolique, le risque d’infarctus du myocarde augmente de 25 % et celui d’AVC de 40 %. La synthèse des études d’intervention avait alors montré que, pour toute diminution de 5 mmHg de la pression artérielle, le risque d’infarctus du myocarde diminue de 14 % (la correction du risque était donc imparfaite) alors que celle du risque d’AVC diminuait de 40 % (la correction du risque était parfaite). Par analogie avec l’étude de la résistance des matériaux qui dit qu’un matériau est isotrope si ses propriétés mécaniques sont identiques dans toutes les directions, dans le cas des AVC, on dit que la relation qui lie AVC et pression artérielle est isotrope, la valeur de la pente de la relation, à la montée comme à la descente, est la même. En revanche, l’isotropie n’avait pas été démontrée pour le risque d’infarctus puisqu’à toute diminution de 5 mmHg de pression artérielle correspondait une diminution du risque d’infarctus du myocarde de 14 %, pour une réduction espérée de 25 %. La maladie athérothrombotique est une maladie multifactorielle. Une maladie «multifactorielle» est due à un complexe de facteurs dont chaque élément représente une part de la cause, c’est-à-dire « un facteur de risque » (Rothman, 1976). Le facteur de risque n’est pas la cause, mais il la contient. Représentation de la relation Lorsqu’une relation entre un paramètre et une incidence d’événements est représentée graphiquement, plusieurs méthodes peuvent être utilisées qui peuvent influer sur la perception que le spectateur en aura. Prenons un facteur de risque comme le LDL, pour lequel il est démontré que, pour toute augmentation de valeur de x mmol/l, l’incidence des infarctus du myocarde double en dix ans. Si le graphique est en coordonnées arithmétiques, c’est-à-dire que les valeurs de l’axe des abscisses et celles de l’axe des ordonnées progressent d’une valeur fixe et linéaire, l’aspect de la relation sera curvilinéaire. Cela donnera une double impression visuelle : d’une part, qu’il semble exister un seuil dans la relation, d’autre part, qu’au-delà d’une certaine valeur, le risque s’accroît considérablement. En effet, si pour une valeur x du paramètre, l’incidence de la maladie est de 1 %, pour la valeur 2 x elle sera de 2 %, pour 3 x, de 4 % puisqu’elle double à chaque augmentation d’une valeur de x, etc. Dans les faibles valeurs de x, la relation paraitra plate donnant l’impression d’un effet seuil : passer de 1 à 2 et de 2 à 4, selon l’échelle prise, peut donner un aspect relativement plat à une courbe. En revanche, au-delà d’une certaine valeur de x, par exemple, celle qui fait passer l’incidence de 32 à 64 %, l’aspect sera celui d’une pente très forte et donnera l’impression qu’à cette valeur de x correspond une augmentation majeure du risque. Si la relation est exprimée en coordonnées semi-logarithmique, les abscisses représentant les valeurs de x seront exprimées avec une progression arithmétique (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7…), mais les ordonnées représentant les valeurs de l’incidence seront exprimées en progression géométrique selon une échelle logarithmique (0,25, 0,50, 1, 2, 4, 8, 16, 32, 64…). Dans cette représentation, la relation prendra l’aspect d’une droite et la notion de seuil et/ou de valeurs normales s’estompera, le 1 pouvant être mis en regard de n’importe quelle valeur de x. Pourquoi ces notions sont-elles importantes ? Pour deux raisons. En premier, il est indispensable, lorsque l’on voit un graphique, de regarder l’échelle et le type de représentation utilisés pour les axes des abscisses et des ordonnées. En second, car sans cette précaution, il est tout à fait possible d’arriver à des raisonnements et des conclusions erronés en se basant sur une analyse visuelle d’une relation entre deux éléments. L’exemple en avait été montré par Tunstall Pedoe en 1999. Il avait alors montré que, pour indiquer que la ménopause est un « facteur » de risque cardiovasculaire, les graphiques utilisés pour montrer la relation entre l’âge des femmes et le risque d’infarctus du myocarde étaient le plus souvent en coordonnées arithmétiques avec un point d’inflexion (l’endroit où la courbe semble tout d’un coup progresser plus rapidement) situé vers l’âge de la ménopause. Au discours précisant que la ménopause est un « facteur » de risque s’ajoutait une information visuelle renforçant le message. Dans l’article qu’il avait alors publié dans le Lancet, Tunstall Pedoe avait exprimé la relation entre l’âge des femmes et l’incidence des maladies cardiovasculaires de façon semi-logarithmique : tout à coup, la relation devenait linéaire, sans inflexion particulière à un âge particulier. Il avait sur le même graphique reproduit la relation entre l’âge des hommes et l’incidence des maladies cardiovasculaires. Son graphique montrait que, tant pour l’homme que pour la femme, il y avait une relation linéaire entre l’âge et l’incidence des maladies cardiovasculaires, le risque de ces maladies augmente proportionnellement à l’âge, avec une pente de relation similaire, la différence entre l’homme et la femme n’était pas dans la valeur de la pente, ou dans une modification de la valeur de la pente à partir d’un certain âge, mais dans la position de la pente, plus à gauche chez l’homme, et donc marqueur, pour un âge identique, d’un risque cardiovasculaire plus élevé. À une époque aussi, la relation entre pression artérielle et incidence des infarctus du myocarde était souvent présentée en coordonnées arithmétiques, montrant un aspect curvilinéaire dont l’inflexion semblait se faire pour une valeur de 140 mmHg de PAS. Les représentations actuelles sont le plus souvent en coordonnées semi-logarithmiques, montrant alors des droites : pour chaque élévation d’une valeur donnée et fixe de la pression artérielle, l’incidence des maladies cardiovasculaires s’accroît d’une même valeur (figure 4). Figure 4. Risque cardiovasculaire en fonction de la PAS (suivi de 38 ans des sujets de la cohorte de Framingham, âgés de 35 à 64 ans). En pratique Afin de ne pas donner prise à ceux qui pensent que l’on peut faire dire ce que l’on veut aux statistiques, qui sont le fondement de la cardiologie contemporaine, il faut respecter le sens des mots et être vigilant.

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