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Cardiologie générale

Publié le 05 mai 2009Lecture 10 min

ACC 2009 - Mes points forts

J.-P. KEVORKIAN, Hôpital Lariboisière, Paris

Il est évidemment impossible de rapporter tout ce qui s’est dit au cours du congrès de l’ACC entre le 29 et 31 mars 2009 à Orlando (Floride, USA). De toute façon, ce serait insipide, donc inutile. Même si l’on s’en tient aux grands essais thérapeutiques, le sujet à traiter reste particulièrement conséquent. Avec trente et une études présentées en trois jours par « paquets » de cinq, la somme d’informations est encore considérable. Alors évidemment, il faut faire une sélection. Celle qui suit est nécessairement « partiale » et par conséquent imparfaite. Par ailleurs, sans le retentissement d’essais thérapeutiques de grande envergure (au moins par le nombre des inclusions), une multitude de « petits » travaux très originaux nous en apprennent un peu plus et donnent également envie d’aller plus loin. Dans le concentré d’études qui suit le chapitre des « grandes études », intitulé « à prendre ou à laisser », chacun retiendra ce qu’il veut. Les commentaires engagent seulement l’auteur et ne peuvent être tenus pour des avis indiscutables.

Les grandes études de l’ACC 2009 STICH, PRIMA, OMEGA, AURORA, ACTIVE-A et les autres   STICH (Surgical and Medical Treatment for Congestive Heart Failure and Coronary Artery Disease) Jones R.H et coll. Comparaison de deux techniques chirurgicales pour le traitement des cardiopathies ischémiques avec dysfonction systolique sévère, symptomatique La réduction chirurgicale du volume ventriculaire gauche en complément d’une revascularisation myocardique chirurgicale n’a pas d’incidence notable sur la mortalité et les hospitalisations de causes cardiaques des cardiopathies ischémiques compliquées de dysfonction systolique sévère. C’est la conclusion de l’étude STICH, multicentrique, internationale, qui permet d’évaluer de façon prospective, randomisée et ouverte, la revascularisation myocardique chirurgicale seule ou complétée d’une réduction du volume ventriculaire chez 1000 coronariens âgés en moyenne de 62 ans, bi ou tritronculaires (80 % des cas), avec une fonction systolique très altérée (FEVG moyenne 28 %), au stade NYHA II à IV, malgré un traitement médical conventionnel jugé satisfaisant (plus de 75 % des patients). Au terme des 5 années de suivi, le taux (élévé) d’évènements du critère principal (mortalité, hospitalisations) n’est pas significativement différent entre les deux thérapeutiques chirurgicales (58 % d’évènements dans le groupe revascularisation-réduction contre 59 % dans le groupe revascularisation seule, p = 0,9) (figure 1). On attend avec impatience les résultats d’un autre bras thérapeutique de l’étude STICH : la comparaison prospective et randomisée entre le traitement médical seul et le traitement médical complété par la revascularisation myocardique chirurgicale. Figure 1. Étude STICH. Mortalité et hospitalisations de causes cardiaques. OMEGA (Randomized Trial of Omega-3 Fatty Acids on Top of Modern Therapy after Acute Myocardial Infarction : The OMEGA-Trial) Senges J et coll. Pas de prévention de la mort subite post-IDM par les AG-W-3 Dans l’année qui suit un syndrome coronarien aigu (SCA) avec ou sans sus-décalage de ST, l’administration continue d’acides gras omega-3 (AG-W-3, 1 g/j), en association avec le traitement conventionnel, ne permet pas de diminuer le taux de mort subite. C’est la conclusion de l’étude allemande OMEGA, prospective, en double insu, multicentrique, contre placebo (huile d’olive, 1 g/j) qui porte sur 3 827 coronariens traités très correctement (angioplastie dans 78 % des cas, traitement médical optimal dans plus de 90 % des cas). Le traitement medical quasiment parfait explique probablement le faible nombre de mort subite dans l’année de suivi (1,5 % dans les deux groupes, p = 0,84). Selon les auteurs, c’est peut-être la raison de l’échec relatif des AG-W-3. AURORA (Effect of Rosuvastatin versus Placebo on Cardiovascular Outcomes in Patients with End-Stage Renal Disease on Hemodialysis) Fellstrom B et coll. Rosuvastatine et prévention cardiovasculaire en hémodialyse Dans la population des hémodialysés chroniques jugés classiquement à risque cardiovasculaire particulièrement élevé, 10 mg quotidiens de rosuvastatine ne prévient pas significativement les évènements cardiovasculaires mortels et non mortels au terme de près de trois années de suivi malgré une diminution significative et importante du taux de LDLc (- 43 % contre 1,9 % dans le groupe placebo). Dans l’étude AURORA, prospective, randomisée, multicentrique, internationale, contre placebo, qui porte sur 2 776 hémodialysés chroniques (depuis 12 ans en moyenne), âgés en moyenne de 64 ans avec un taux de LDLc moyen initial à 1 g/l, le taux d’évènements cardiovasculaires mortels et non mortels annuels est de 9,2 % dans le groupe rosuvastatine et 9,5 % dans le groupe placebo (p = 0,59). Dans tous les cas, la rosuvastatine se révèle bien tolérée sans surcroît d’événements indésirables, notamment pas d’augmentation significative des AVC. Le taux d’évènements, bien que conséquent, resté inférieur aux prévisions et l’interruption fréquente de la rosuvastatine (la moitié des patients) expliquent peut-être l’échec relatif de la rosuvastatine. C’est également sans compter probablement sur l’altération sévère de ces patients au-delà des possibilités thérapeutiques actuelles (mortalité totale annuelle 13,5 % dans le groupe rosuvastatine, 14 % dans le groupe placebo, p = 0,51). PRIMA (Can Pro-Brain Natriuretic Peptide Guided Therapy of Heart Failure Improve Heart Failure Morbidity and Mortality ? Main Outcome of the PRIMA-Study) Eurlings L et coll. Pro-BNP inutile pour adapter le traitement de l’insuffisance cardiaque chronique Adapter le traitement de l’insuffisance cardiaque chronique en se guidant sur les taux plasmatiques de Pro-BNP n’apporterait rien de plus à l’évaluation clinique seule. Cette évaluation biologique ne permettrait pas d’améliorer le pronostic fonctionnel et vital. Est-ce bien sûr ? Faut-il vraiment s’arrêter à ce résultat brut ? Pas sûr. L’étude néerlandaise PRIMA, prospective, randomisée, en insu simple, multicentrique, porte sur 345 patients admis en hospitalisation pour de l’insuffisance cardiaque par dysfonction systolique VG (FEVG moyenne = 33 %), âgés en moyenne de 71 ans. Lors de l’inclusion, les taux plasmatiques moyens de Pro-BNP dans les deux groupes sont similaires et se situent aux environs de 8 000 pg/ml (8 034 pg/ml dans le groupe Pro-BNP contre 8 169 pg/ml dans le groupe clinique). À la sortie de l’hôpital, le taux moyen de Pro-BNP est de 2 958 pg/ml dans le groupe Pro-BNP contre 2 932 pg/ml dans le groupe clinique). Après un an de suivi, le pronostic des patients n’est pas différent selon la stratégie d’adaptation du traitement (figure 2). La mortalité n’est pas non plus différente entre les deux groupes (26,5 % dans le groupe Pro-BNP contre 33,3 % dans le groupe clinique). Figure 2. Mortalité de l’insuffisance cardiaque dans le sous-groupe des patients à la valeur cible de NT-ProBNP. Si l’on tient compte du niveau cible de Pro-BNP défini initialement dans le travail, jugé empiriquement représentatif d’un traitement conséquent de l’insuffisance cardiaque (diminution d’au moins 75 % du Pro-BNP), le pronostic du groupe Pro-BNP est significativement meilleur. Pour les patients à la cible (80 % à un an), la durée de survie (721 jours en moyenne) est significativement supérieure au groupe clinique (664 jours, p < 0,001). Le taux de mortalité est significativement plus faible dans le groupe Pro-BNP (10,9 % contre 33,3 %, p < 0,001). Dans ces conditions, il apparaît assez clairement que le pronostic de l’insuffisant cardiaque est quand même inversement proportionnel aux taux plasmatiques de Pro-BNP. Comme le soulignent les investigateurs, le traitement de l’insuffisance cardiaque est resté parfaitement conventionnel tout au long de l’étude. Les posologies maximales utilisées sont restées dans les strictes limites des recommandations. En clair, le traitement de l’insuffisance cardiaque n’a pas été directement guidé par le niveau de Pro-BNP. Si cela avait été réellement le cas, il aurait probablement été nécessaire de dépasser certaines limites posologiques pour atteindre le taux de Pro-BNP le plus bas possible (obligeant à outrepasser les recommandations des sociétés savantes ce que les investigateurs ont formellement contre-indiqué). C’est une fois obtenu le taux de Pro-BNP le plus bas possible (en tenant compte évidemment de la clinique) qu’il est alors possible de se prononcer sur l’intérêt ou non d’utiliser le dosage du Pro-BNP pour guider le traitement de l’insuffisance cardiaque et transformer favorablement son pronostic. Tout cela remettrait peut-être en cause certains schémas thérapeutiques « figés » de l’insuffisance cardiaque. À prendre ou à laisser Alimentation et prévention cardiovasculaire : bourgogne, eau plate, thé, café, huile d’olive au menu Divers comportements alimentaires semblent posséder des vertus insoupçonnées. Selon un travail prospectif observationnel dijonnais (Cottin Y. et coll., résumé 1032-159), en post-infarctus, les diabétiques (de la région de Dijon) qui boivent raisonnablement du vin (du bourgogne donc) améliorent significativement leurs glycémies. Au moins deux conclusions simples sont évidentes : à Dijon, il y a donc des diabétiques qui se mettent à consommer le bon produit du terroir seulement après un infarctus ou bien il faut admettre qu’un diabétique dijonnais ne doit pas cesser sa consommation modérée de bourgogne après un infarctus sous peine d’un sérieux déséquilibre glycémique. On attend avec impatience des études randomisées, multicentriques, internationales sur le pronostic post-IDM des diabétiques consommateurs « modérés » de bourgogne. D’emblée, on peut supputer que le double insu est loin d’être acquis. Mais le vin (le bourgogne, on vous le dit, on vous le répète !) n’est pas le seul liquide aux vertus métaboliques. Le thé, le café et même l’eau minérale participent à la prévention cardiovasculaire. La consommation de thé améliore rapidement la compliance artérielle chez des sujets sains, (Alexopoulos N. et col. Résumé 1040-101). La consommation « modérée » de café noir (« turc » ?) prévient l’insuffisance cardiaque en post-infarctus (Chrysohoou C. et coll. résumé 1039-86) mais seulement chez les normotendus. Un bon litre quotidien d’eau « plate » limite efficacement l’inflammation artérielle des coronariens (Saihara K. et coll. résumé 1039-81). Bref, en prévention cardiovasculaire, l’eau chaude, tiède ou froide « teintée ou pas » est un concurrent sérieux au bourgogne. Sérieusement bousculé par les bienfaits cardiovasculaires de comportements alimentaires variés, le régime méditerranéen conserve pourtant ses défenseurs acharnés sur les bords de la mer Égée avec Loukianos S. Rallidis, Demosthenes B. Panagiotakos et leurs équipes. Le régime améliore la fonction endothéliale de l’obèse (résumé 1022-116), prévient les accidents cardiovasculaires (étude ATTICA, résumé 1048-75) ou la dysfonction systolique ventriculaire gauche en post-infarctus (1032-159). En bref, le régime méditerranéen, c’est tout en un, soit toute la prévention cardiovasculaire en un seul régime ! Patients très âgés Il ne faut pas vieillir ! Plus on est vieux, plus on présente de contre-indications aux gestes de revascularisations myocardiques en urgence et même quand on peut pratiquer une angioplastie on se désintéresse de vous (Forman D.E et coll. résumé 1032-132). Les carotides peuvent être traitées par angioplastie et implantation d’endoprothèses après 80 ans à peu de risques. Mais attention, pesez bien les indications, soyez soigneux et choisissez le bon matériel (Henry M et coll. résumé 1049-109) ! La fibrillation et le flutter auriculaire s’observent très souvent chez des sujets très âgés et souvent très malades aux USA. Si ce n’est pas dit par les américains, on le croirait à peine (Nacarelli G.V et coll. résumé 1011-52). Endoprothèses coronaires Passons rapidement sur les sempiternelles comparaisons d’endoprothèses actives (les fameux drug eluting stents ou DES, voire SES ou PES selon l’habillage au sirolimus ou au paclitaxel) contre endoprothèses nues (les fameux bare metal stents ou BMS). Aux USA, au Danemark et ailleurs, les résultats sont invariables. Les « DES » sont meilleures que les « BMS ». Les thromboses d’endoprothèses sont rares, graves et plus fréquentes avec les « PES » qu’avec les « SES » (Hayes K.R et coll. résumé 918-7, Thayssen P. et coll. résumé 2501-502). Et quand les autopsies livrent leurs secrets, il apparaît que la mortalité est près de six fois plus fréquentes avec les « DES » (28,3 % contre 4,9 % avec les « BMS », p < 0,0001) (Vorpahl M. et coll. 2501-507). Attention, malgré une observance correcte du traitement anti-agrégant plaquettaire, les afro-américains sont exposés à un surcroît de thromboses d’endoprothèses. Aucune explication n’est fournie mais il faut le savoir (Collins S.D et coll. résumé 2501-503). Après une angioplastie coronaire et l’implantation d’une endoprothèse active chez le diabétique, il semble inutile de prolonger la bithérapie anti-agrégante plaquettaire au-delà d’une année. Maintenir le clopidogrel au-delà de cette limite temporelle ne semble pas diminuer le taux de thrombose des endoprothèses, des IDM ou des décès (Seo J.S et coll. résumé 2501-27). Lemesle G. et coll. (résumé 2903-6) pensent que les thromboses d’endoprothèses actives ne sont pas liées à un « effet rebond » lié à l’arrêt du clopidogrel. Vous êtes coronarographistes, classiques ou jazzy, peu importe, mais imposez vos goûts musicaux à vos patients coronariens dans votre salle de cathétérisme équipée d’un lecteur CD ou de fichiers MP3. Vous préservez ainsi votre confort de travail et, paradoxalement, le bien-être de vos patients même s’ils sont rock, soul ou funk ! Ne les laissez pas vous imposer leurs préférences musicales, ça les angoisse à double titre ! D’une part, c’est toujours un peu anxiogène de choisir un morceau favori, d’autre part, ça les fait redouter un choix susceptible de déplaire à leur coronarographiste qui risque d’être perturbé et de mal faire (Dominick K. et coll. résumé 1010-17). Avec un coronarographiste hard rock ou techno, ça marche aussi la relaxation du coronarien en cours de dilatation ? Divers Les AINS et anti-cox 2 semblent bien augmenter le risque de mort subite selon les données d’un registre national américain (Folke F. et coll. résumé 1001-291). Par contre, malgré des informations récentes un peu alarmantes, l’association du clopidogrel et d’un inhibiteur de la pompe à protons ne semble pas particulièrement déterminée un surcroît d’évènements coronaires dans l’année suivant une angioplastie coronaire selon les données d’un autre registre du département de santé nord-américain, le NHLBI (Ramirez J.F et coll. 2903-7). Au cours des quinze dernières années, le fait de raccourcir les durées d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque a trois conséquences majeurs : réduire la mortalité intra-hospitalière, diminuer la mortalité extra-hospitalière à 30 jours et surtout augmenter le taux des réhospitalisations à 30 jours (Bueno H. et coll. 1001-301). Les « mauvaises langues » diront que les deux premiers bénéfices sont artificiellement obtenus en raison du taux élevé de réhospitalisations. Les défibrillateurs automatiques implantables ou DAI et la stimulation biventriculaire sont nettement sous-utilisés. Ces deux techniques n’ont pas réellement la côte dans le traitement de l’insuffisance cardiaque sévère surtout quand il s’agit d’une femme (Sims D.B et coll. résumé 1051-178). Il faut penser au SAS (syndrome d’apnée du sommeil) tout le temps : chez le coronarien stable, en post-IDM, en cas de RAC (rétrécissement aortique calcifié) et de grosse oreillette même si on ne sait pas toujours ce qu’il faut en faire (Prinz C. et coll. résumés 1041-151 et 1052-213, Konecny T. et coll. résumés 1010-14 et 1018-236). Incontestablement, il faut « refroidir » les arrêts cardio-circulatoires secondaires à un syndrome coronaire aigu. Dans cette circonstance, l’hypothermie dite thérapeutique (notamment le protocole Cool It) permet une meilleure récupération neurologique et cardiaque (Kudagi V.S et coll. résumé 1050-145, Swanson L.A et coll. résumés 2502-568, 2904-10 et 1050-136).

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