Publié le 03 oct 2006Lecture 6 min
Obésité et hypertension
M. AZIZI, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris,
ESH
Physiopathologie
La physiopathologie de l’association obésité-hypertension est une relation complexe impliquant une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux (R. Fagard, Belgique). Chez les patients obèses, l’HTA résulte d’une vasoconstriction et d’une rétention sodée, mais les mécanismes précisément impliqués sont mal connus.
Un certain nombre de mécanismes ont été proposés :
• activation du système nerveux sympathique,
• activation du SRA,
• insulinorésistance et hyperinsulinémie,
• augmentation de la leptine,
• augmentation des acides gras non estérifiés,
• dysfonction endothéliale,
• réabsorption sodée excessive et resetting de la courbe pression-natriurèse à un niveau tensionnel plus élevé,
• apnée du sommeil.
La compression des reins par la graisse intraabdominale ou par le dépôt de graisse dans la capsule rénale pourraient aussi favoriser l’élévation de la pression intrarénale aboutissant à une réabsorption hydrosodée et une élévation de la PA.
• J. Jordan (Allemagne) note que la plupart des hypertendus ont un surpoids ou sont obèses, et que l’obésité induit ou aggrave une HTA. Cette association apparaît plus marquée chez les sujets jeunes. De plus, l’obésité abdominale et intraviscérale déterminent le niveau de gravité du syndrome métabolique.
• A. Sharma (Canada) considère que la force de l’association obésité-HTA est d’autant plus grande si l’obésité est abdominale. En effet, les données de l’enquête de Framingham montrent que le périmètre abdominal est associé plus fortement avec la PA que l’index pondéral.
Rôle du tissu adipeux dans l’HTA
• S. Engeli (Allemagne) a résumé le rôle du tissu adipeux dans l’HTA. En effet, un certain nombre de facteurs dérivés du tissu adipeux (adipokines) pourraient être impliqués dans le développement de l’HTA.
Ainsi, la leptine augmente l’activité du système nerveux sympathique rénal, pouvant ainsi favoriser une rétention hydrosodée.
Parmi d’autres facteurs, l’angiotensinogène sécrété par les adipocytes augmente les concentrations d’angiotensinogène circulant au cours de l’obésité. Cette augmentation du substrat de la rénine pourrait favoriser une activation du SRA et une élévation de la PA. De façon intéressante, la perte de poids est associée à une réduction des concentrations d’angiotensinogène systémiques et de celles du tissu adipeux.
Enfin, la dégradation de la forme asymétrique de diméthylarginine (ADMA) par les adipocytes, qui joue un rôle important dans la protection de NO, est réduite au cours de l’obésité. Cette anomalie biologique pourrait favoriser une dysfonction endothéliale, favorisant elle-même l’apparition d’une HTA.
Leptine : un rôle central
• F. Galleti (Italie) a montré, dans une étude incluant 360 hommes qui n’avaient pas de syndrome métabolique à l’inclusion et qui ont été réexaminés après 8 ans, qu’une concentration élevée de leptine est significativement associée au risque de développement d’un syndrome métabolique (obésité abdominale, HTA et intolérance au glucose). Ces éléments ont été confirmés par l’étude de Stradzullo (Italie) qui montre que les concentrations élevées de leptine chez 412 hommes inclus dans la Olivetti Heart Study, sont associées avec un risque accru de développer une HTA après 8 ans de suivi et ce, indépendamment de l’âge et du périmètre abdominal. Cet effet pourrait être remédié par une augmentation de la réabsorption de sodium au niveau tubulaire proximal.
• Enfin, dans une étude incluant 290 patients ayant une HTA, Ito et coll. ont montré que des concentrations basses d’adiponectine sont associées aux complications de l’HTA, en particulier de l’hypertrophie ventriculaire gauche. Les patients ayant les concentrations les plus basses, avaient une PA diastolique plus élevée, une augmentation de la vélocité de l’onde de pouls ainsi qu’une augmentation des marqueurs de l’inflammation comme la CRP et l’interleukine 15.
Aspects thérapeutiques
Ces aspects ont été abordés par A. Sharma (Canada). Une activation du système nerveux sympathique et du système rénine-angiotensine pourrait contribuer au développement de l’HTA chez l’obèse. Ainsi le blocage du SRA pourrait avoir, au-delà de la réduction tensionnelle, des effets métaboliques bénéfiques. Les IEC et les antagonistes de l’angiotensine II réduisent effectivement la PA chez les patients obèses, et réduisent l’incidence de l’apparition de nouveaux cas de diabète de type 2.
La sibutramine et l’orlistat
Les effets des médicaments réduisant le poids dépendent de la nature du traitement utilisé. Deux médicaments ont actuellement reçu leur autorisation de mise sur le marché. Il s’agit de l’orlistat (un inhibiteur de la lipase intestinale), et la sibutramine (un inhibiteur du recaptage de la 5-HT et de la noradrénaline). Le rimonabant (antagoniste des récepteurs CB1 cannabinoïdes centraux et périphériques) est en demande d’autorisation de mise sur le marché. La réduction de poids obtenue avec ces médicaments est à peu près équivalente et se maintient tant que les patients suivent les traitements. La prise d’orlistat est associée à une réduction significative de la PA à court terme, qui est proportionnelle à la baisse de poids. La baisse de PA observée sous sibutramine est plus variable, mais ce médicament pourrait réduire la PA chez les patients hypertendus, alors qu’il serait susceptible d’élever la PA chez des normotendus de 2 à 3 mmHg. Cet effet dissocié chez des patients normotendus pourrait être lié à l’activité sympathomimétique centrale de la sibutramine qui contre-balancerait les effets sympatholytiques périphériques.
À baisse de poids équivalente, K. Horvath (Autriche) a réalisé une comparaison systématique des résultats des essais rapportant les effets tensionnels de l’orlistat ou de la sibutramine.
L’orlistat semble avoir une efficacité supplémentaire en termes d’abaissement de la PA par rapport à la sibutramine. La sibutramine pourrait avoir d’autres effets CV telles que l’amélioration de la dysfonction endothéliale, et la réduction de l’inflammation.
L’essai SCOUT (Sibutramine Cardiovascular morbidity and mortality Outcomes) qui a inclus à ce jour 9 750 patients à haut risque CV, permettra de savoir d’ici quelques années si ce type d’approche thérapeutique réduit la morbidité et/ou la mortalité CV (voir : http.clinicaltrials.gov/ct/show/NCT00234832).
Le rimonabant
• F. Van Gaal (Belgique) a rapporté les effets tensionnels du rimonabant sur les PA systolique et diastolique chez des patients en surcharge pondérale ou obèses, avec ou sans comorbidité inclus dans 4 essais de phase III du programme rimonabant. Ces essais ont inclus 6 625 patients recevant soit du rimonabant à la dose de 5 ou 20 mg/jour soit un placebo après 4 semaines de diète hypocalorique. À l’inclusion dans les essais, 57 % des patients de l’étude RIO-DIABETE (étude spécifique chez les patients diabétiques) avaient une HTA alors que seuls 19 à 23 % des patients des autres études recevaient des traitements antihypertenseurs. La PA à l’inclusion dans les essais était de 124,6/78,5 mmHg. Après un an de traitement, la baisse de PA systolique était de – 0,8 mmHg pour la dose de 20 mg de rimonabant contre + 0,3 mmHg pour le placebo (p = 0,007). La réduction était de – 0,8 mmHg pour la PA diastolique contre – 0,3 mmHg pour le placebo (p = 0,029). La baisse de PA n’était pas significative avec la dose de 5 mg de rimonabant. Dans tous les essais, la réduction des PA systolique et diastolique observée sous rimonabant 20 mg était plus marquée chez les patients ayant une PA élevée à l’inclusion. La baisse de PA systolique chez les patients ayant une PA élevée à l’inclusion était de 6,5 mmHg pour le rimonabant 20 mg contre 4,7 mmHg pour le placebo (p = 0,005).
Ainsi la dose de 20 mg de rimonabant induit une réduction modeste mais significative de la PA systolique et diastolique chez les sujets en surpoids ou obèses.
Chirurgie bariatrique : pas d’effet sur la PA
En comparaison avec les données observées au cours des essais médicamenteux, les résultats de la chirurgie bariatrique sont singuliers. Après 8 ans de suivi dans la Swedish Obesity Study, si la réduction de 16 % du poids réduit de façon hautement significative l’incidence du diabète après 8 ans, elle ne s’accompagne d’aucun effet sur l’incidence de l’HTA.
Effets tensionnels des médicaments antidiabétiques
• P. Nilson (Suède) a montré que les sulfamides ont généralement un effet neutre sur la PA, mais certaines études ont rapporté une augmentation modérée de la PA par modification des résistances vasculaires périphériques. De façon similaire, l’insuline a généralement un effet neutre sur la PA, mais elle peut l’influencer négativement en augmentant le poids ou en induisant une rétention hydrosodée. La metformine a aussi un effet neutre sur la PA.
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