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Cardiologie générale

Publié le 24 oct 2006Lecture 7 min

Pathologie vasculaire - Une maladie globale

S. KOWNATOR, Thionville


ESC et WWC
Les grands congrès internationaux sont l’occasion de prendre connaissance en direct des résultats des grandes études, commentés par des experts de renom. C’est aussi l’opportunité de découvrir les résultats de travaux menés par les équipes les plus renommées, sélectionnés pour leur qualité et leur pertinence. C’est enfin le lieu d’un immense EPU permettant de faire le point sur l’état de l’art dans tous les domaines de la discipline. La pathologie vasculaire n’a pas fait exception dans ce congrès de Barcelone où elle a été déclinée sur tous les modes.

Les grandes études   SPARCL Cette étude (the Stroke Prevention by Aggressive Reduction in Cholesterol Levels study), presentée lors d’une session Hot Line (P. Amarenco, Paris) est la première consacrée spécifiquement à la prévention secondaire des AVC et/ou AIT par statine. Plusieurs travaux ont montré, bien sûr sous statine, une réduction significative du taux de survenue d’AVC dans diverses populations, en particulier chez des coronariens. Pour autant, les seules données dont nous disposions jusqu’à présent concernant la prévention secondaire des AVC étaient issues d’un sous-groupe de l’étude HPS (Heart Protection Study) et n’étaient pas en faveur d’un traitement par statine. Il faut dire que ce sous-groupe n’était pas très important et qu’il comportait des AVC dont l’ancienneté allait jusqu’à plus de 4 ans avec donc un risque spontané de récidive très limité. L’étude SPARCL a inclus 4 731 patients, sans insuffisance coronaire, ayant présenté un AVC ou un AIT de 1 à 6 mois avant l’entrée dans l’étude et ayant un LDL-cholestérol compris entre 1,00 et 1,90 g/l. Ces patients ont été randomisés en deux groupes recevant soit atorvastatine 80 mg soit un placebo. L’objectif primaire de l’étude était la survenue d’un AVC fatal ou non. À 5 ans sur le critère primaire, on constate une réduction de 16 % (0,71 - 0,99 ; p = 0,03) en faveur du groupe atorvastatine avec un  niveau moyen de LDL-cholestérol à 0,73 g/l dans le groupe atorvastatine, et 1,29 g/l dans le groupe placebo. Ce résultat significatif est tempéré par la survenue d’un nombre plus élevé d’AVC hémorragiques dans le groupe atorvastatine (55 vs 33) et par l’absence de différence entre les deux groupes sur le critère secondaire de la mortalité globale. Sur ce point, on peut dire d’emblée que la puissance de l’étude ne permet pas de statuer. En ce qui concerne les AVC hémorragiques, les commentaires effectués par P. Amarenco permettent de tempérer le résultat brut des chiffres. Il faut tout d’abord considérer un taux non négligeable de patients sous statine dans le groupe placebo au terme de l’étude, avec une différence nette entre des patients sous statine de 78,1 % au terme de l’étude. Cela a conduit à une analyse « on treatment ». Cette analyse particulièrement intéressante montre que si l’on considère les sujets chez lesquels une réduction > 50 % du LDL est obtenue, on n’observe plus aucune différence en termes de survenue d’AVC hémorragiques entre les deux groupes. En outre, chez ces patients une réduction de 31 % est obtenue sur le critère primaire dans le groupe atorvastatine. Il faut enfin souligner, autre critère secondaire prédéfini, une réduction de 42 %  (0,46 - 0,73 ; p <  0,001) des événements coronariens dans le groupe atorvastatine. Voici donc une étape supplémentaire dans l’histoire des statines et des maladies cardiovasculaires avec cependant des points d’interrogations qui persistent concernant en particulier la durée optimale d’un traitement à forte dose après un événement aigu.   WAVE L’objectif de cette étude (the Warfarin and Antiplatelet Vascular Evaluation trial), présentée lors d’une session Hot Line par S. Anand) était de déterminer si une anticoagulation modérée (INR 2 à 3) par warfarine, en plus d’un antiagrégant plaquettaire, apporte un bénéfice comparativement à une antiagrégation plaquettaire seule sur la survenue de décès cardiovasculaires, d’infarctus, d’AVC ou d’ischémie sévère coronarienne ou périphérique. Cette étude avait également pour but de préciser le risque hémorragique d’une telle association. Au total, 2 161 patients ont été randomisés en deux groupes, l’un sous warfarine + antiagrégant, l’autre sous antiagrégant seul. Les traitements antiagrégants autorisés dans l’étude étaient l’aspirine à la dose de 81 mg (92,3 %), la ticlopidine et le clopidogrel. Les patients inclus étaient âgés de 35 à 85 ans (âge moyen 64 ans) et présentaient soit une artériopathie des membres inférieurs symptomatique avec un IPS < 0,9, soit une maladie artérielle asymptomatique avec un IPS < 0,9, soit encore une sténose carotidienne > 50 %, soit enfin des antécédents de chirurgie vasculaire ou d’angioplastie. À la fin de la période de suivi (43 mois), aucune différence n’apparaît entre les deux groupes sur la survenue du critère primaire. En revanche, on constate une nette augmentation des événements hémorragiques dans le groupe warfarine/antiagrégant avec un risque d’hémorragie sévère multiplié par 3,41 (p < 0,001). Commentant l’échec de cette étude F. Verheugt (Nijmegenn, Hollande) essaie d’en expliquer les raisons. Il souligne en particulier le risque faible de la population incluse et donc la difficulté de pouvoir observer une différence sur la survenue d’événements. Il est vrai que dans WAVE le nombre d’événements et la mortalité étaient relativement plus faibles que dans la population des patients à haut risque vasculaire. Pour autant, le risque hémorragique correspond à celui observé dans d’autres études de sorte qu’actuellement on peut considérer, qu’hormis des circonstances particulières, il n’y a pas d’indication des AVK dans l’artériopathie périphérique.   Focus sur l’AOMI On le sait, l’artériopathie des membres inférieurs (AOMI) est un facteur de mauvais pronostic chez les patients présentant une atteinte artérielle dans un autre territoire. Plusieurs communications ont abordé ce sujet. Une équipe espagnole, multicentrique, s’est attachée à étudier l’impact d’une AOMI dans une cohorte de 1 392 sujets hospitalisés pour syndrome coronarien aigu [P1564, P2229, P2170, P3026]. Dans cette cohorte, la prévalence de l’AOMI semble importante. Alors que le diagnostic est connu chez 16,7 % des patients à l’admission, la mesure systématique de l’IPS permet d’identifier une AOMI (IPS < 0,9) chez 27,1 % de patients supplémentaires avec ainsi une prévalence de la maladie extrêmement importante atteignant 43,8 % ! Cela est d’autant plus étonnant que l’âge moyen des sujets est relativement faible (65,7 ans). Dans cette série, les patients présentant une AOMI étaient plus âgés (68,8 vs 63,3 ans ; p < 0,0001). Ils présentaient plus fréquemment une hypertension ou un diabète. Ils avaient surtout plus souvent des antécédents d’événements cardiovasculaires (coronariens : 50,8 vs 34,4 % ; p < 0,0001 ; cérébrovasculaires : 12,9 vs 4,7 % ; p < 0,0001). Durant la phase d’hospitalisation, les patients porteurs d’une AOMI ont présenté plus souvent des complications. Ainsi, le taux de mortalité hospitalière est de 1,8 vs 0,1 % (p < 0,0001), le taux de survenue d’une insuffisance cardiaque est de 15,6 vs 7,3 %  (p < 0,0001) ; enfin un AIT apparaît dans 1,5 vs 0,4 % (p = 0,04). Dans cette série, la prise en charge pendant la phase hospitalière n’a pas varié de manière nettement différente. Paradoxalement, à la sortie, les patients avec une AOMI étaient moins souvent sous traitement par statine (78,5 vs 84,5 % ; p = 0,005) et moins souvent sous bêtabloquants (66,9 vs 77,6 % ; p < 0,0001). Cette série de communications, venant d’une même équipe, renforce des notions bien connues : – l’AOMI est souvent méconnue, – la mesure de l’IPS permet facilement de faire le diagnostic, – les patients porteurs d’une AOMI sont à risque particulièrement élevé, – enfin, malgré ce surcroît de risque, ils sont souvent moins bien traités.    Mise au point sur la maladie artérielle périphérique Une session intitulée PAD for the cardiologist (M. Criqui, San Diego, S. Kownator, Thionville, G. Biamino, Leipzig, A. Hirsch, Minneapolis) avait été choisie comme session commune ESC/WHF, ce qui souligne l’intérêt de plus en plus marqué de la communauté cardiologique pour les artériopathies périphériques. Au cours de cette session, M. Criqui revenant sur les aspects épidémiologiques a rappelé que 8 millions de sujets aux États-Unis et probablement 20 millions en Europe sont porteurs d’une AOMI. Il a souligné la valeur prédictive de l’IPS en insistant sur la valeur pronostique péjorative d’un IPS très abaissé mais également sur celle d’un IPS > 1,4. Il a enfin rappelé les critères de définition de l’AOMI basés sur l’IPS (tableau).   Diagnostic Parmi les méthodes de diagnostic mises en exergue dans l’AOMI, l’IPS garde toujours la première place. Cette technique simple et peu coûteuse, est la pierre angulaire du dépistage des artériopathies et reste toujours aussi peu pratiquée. Au chapitre des méthodes d’imagerie, les ultrasons restent la technique de première intention. Malgré les progrès techniques importants, l’angio-IRM et l’angioscanner ne peuvent pas encore être considérés comme méthodes de références.   Traitement A. Hirsch, premier auteur des recommandations américaines récentes sur l’AOMI, a insisté sur le rôle de la prise en charge médicale de la maladie, en particulier par les mesures hygiéno-diététiques et les mesures de prévention pharmacologique du risque cardiovasculaire. Il a présenté l’étude CLEVER (Claudication: Exercise Versus Endoluminal Revascularization), actuellement en cours, qui vise à évaluer le bénéfice des différentes stratégies thérapeutiques disponibles, non pas de manière isolée sur un paramètre, mais en termes de résultat global pour le patient. Cette étude va comparer le traitement médical optimal, les méthodes interventionnelles, les programmes d’entraînement et la combinaison des différentes méthodes. Son but est d’évaluer sur 5 ans les bénéfices en termes de distance de marche, qualité de vie, survenue d’événements, prise en charge du risque et rapport coût/efficacité. Ce type d’étude ayant pour but une évaluation globale des stratégies disponibles est assez peu fréquent. Les résultats n’en seront que plus attendus, même si elle n’est réalisée que sur un échantillon peu important.   En pratique   Le programme de cette édition du congrès de l’ESC a permis de souligner, s’il était besoin, l’importance d’une vue globale de la maladie artérielle et d’insister sur la nécessité d’une stratégie de dépistage de l’AOMI grâce à des moyens simples et peu coûteux comme la mesure de l’IPS. Enfin, il a apporté des réponses ou des avancées en termes de stratégie thérapeutique dans le domaine de la maladie artérielle périphérique. Informations complémentaires : http://www.escardio.org – http://www.padcoalition.org

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