Publié le 25 mai 2010Lecture 5 min
Place de la scintigraphie « de stress » dans la maladie coronaire
M. FARAGGI, F. HUGONNET, Médecine Nucléaire, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris, France
La scintigraphie myocardique conventionnelle (SPECT) après test de stimulation est la plus ancienne méthode d’évaluation de la perfusion myocardique et peut être pratiquée avec tous les tests de stimulation. Des traceurs fluorés sont actuellement à l’étude et permettront à terme de transposer les techniques SPECT en imagerie par tomographie à émission de positons (TEP) de manière similaire.
Les 3 grands enseignements des études cliniques des 10 dernières années
Le risque thrombotique et le risque ischémique liés à une plaque d’athérome sont le plus souvent décorrélés
Les infarctus surviennent le plus souvent sur des plaques instables (thrombogènes) mais peu ou pas sténosantes (donc non nécessairement ischémiantes). Or, si l’on sait très bien évaluer l’ischémie myocardique et ses conséquences, nous ne savons pas évaluer le risque thrombotique. Naturellement, une lésion serrée du tronc commun, des lésions tritronculaires sévères ou une sténose très proximale de l’IVA, soit s’accompagnent d’un sur-risque de thrombose, soit, à risque égal, rendent létale la survenue de cette thrombose nécessitant le plus souvent une revascularisation. Plus déroutant, l’athérome évolue cycliquement par poussée mais une plaque « morphologiquement » instable peut ne jamais thromboser, certaines cicatrisant sans événements (et se calcifiant), d’autres pas(1).
Le patient vulnérable
Si l’on admet que l’athérome est une maladie diffuse et cyclique, il existe une probabilité importante pour que la plaque (coronaire ou autre) que l’on observe ne soit pas nécessairement celle qui sera responsable d’un événement futur. En revanche, le risque de survenue d’un événement vasculaire quelconque sera proportionnel au nombre de plaques évolutives. Ceci définit alors le statut de patient vulnérable(2) indépendamment de l’organe considéré. Outre les états dits « procoagulants » et les facteurs de risque cardiovasculaire conventionnels, on connaît d’autres descripteurs de vulnérabilité, au premier rang desquels s’inscrit l’inflammation. L’inflammation des plaques peut être mise en évidence par tomographie d’émission de positons au 18FDG (figure 1), qui atteste également du caractère diffus de la maladie et augmente d’ailleurs notablement le risque d’événements récents(3). Les grandes études cliniques issues des registres du CASS ou des études de type 4S ont bien démontré que le plus puissant prédicteur d’un événement vasculaire est d’en avoir déjà fait un. En dépistage secondaire, tous les patients sont donc « vulnérables ».
Figure. TEP au 18FDG d’un patient vulnérable polyartériel. Haut : captation diffuse des plaques d’athérome traduisant l’inflammation de ces plaques au niveau de l’aorte thoracique (gauche), abdominale (milieu) et des axes ilio-fémoraux (droite). Bas : coupes TDM correspondantes visualisant des plaques calcifiées non inflammatoires s’intercalant entre les plaques inflammatoires au niveau de l’aorte.
A contrario, en dépistage primaire, il reste à définir un panel de critères mixtes, cliniques (scores ?), biologiques (CRP ?) et d’imagerie (score calcique ?) qui puisse sérier les patients vulnérables. Le concept même de vulnérabilité rend illusoire le traitement exhaustif et multifocal des lésions artérielles. Le patient vulnérable stable (et donc hors syndrome coronaire aigu) est donc avant tout un candidat au traitement médical, ce que justifie l’étude Courage.
Le traitement bêtabloquant n’est pas une euthanasie passive
On le suspectait sur la base de nombreuses études, mais Courage(4) en ce sens a définitivement consolidé ce point puisqu’en mortalité et morbidité, le traitement médical fait au moins jeu égal avec l’angioplastie. Les patients stables bénéficiant le plus de la revascularisation ont été ceux ayant une ischémie étendue documentée sous traitement.
Quelles sont les conséquences de ces concepts sur l’imagerie non invasive de la maladie coronaire ?
La faillite de l’anatomie coronaire ?
En dépistage primaire, la littérature semble nous montrer qu’hors syndromes aigus, la logique est au bilan de vulnérabilité et au traitement médical plutôt qu’à la revascularisation d’emblée (donc excluant de prime abord les examens anatomiques) et à des stratégies graduées ou basées sur les symptômes. S’il faut rattacher des symptômes atypiques et des facteurs de risque à un angor, toutes les imageries non invasives basées soit sur des études de réserve coronaire, (dipyridamole, adénosine), soit sur l’induction d’une ischémie (effort, dobutamine), soit les deux à la fois (test dit mixte dipyridamole + effort en scintigraphie) sont à peu près équivalentes.
• En faveur de la scintigraphie on retiendra justement la possibilité de tests mixtes (pour les patients incapables de réaliser un effort satisfaisant), une grande capacité d’absorption (surtout avec les nouvelles caméras CZT, plus rapides et sensibles), des conditions de surveillance et donc de sécurité optimales. Il convient alors de suspendre tout traitement antiangineux intercurrent et d’informer avec insistance le patient du risque de faux négatif auquel expose la prise inconsidérée d’aliments interférant avec le métabolisme de l’adénosine (thé, café, chocolat, chicorée, banane, cola).
• Dans le cadre de tests non invasifs non réalisables ou non contributifs, la valeur prédictive négative du coroscanner est un atout pour un diagnostic d’élimination mais n’évaluera ni l’étendue de l’ischémie (plus puissant facteur pronostique de la maladie coronaire), ni le risque de thrombose. Sur la table de coronarographie, s’il existe une discussion sur le caractère hémodynamiquement significatif d’une lésion qui n’aurait pas été évaluée précédemment, une mesure de FFR est précieuse, mais ne répond pas à l’hypothèse d’une stratégie médicamenteuse dont elle ne peut évaluer l’efficacité(5).
Le retour de l’épreuve d’effort ?
Si dans une stratégie médicale (donc sténose en place) on souhaite évaluer l’efficacité du traitement bêtabloquant, il ne sert à rien d’évaluer la réserve coronaire dont on sait a priori qu’elle sera diminuée. Dipyridamole et adénosine sont donc à proscrire. En revanche, un effort (même sous-maximal) mais poussé au maximum des capacités physiques du patient renseignera sur l’absence ou sur l’étendue de l’ischémie dans des conditions de vie quotidienne réaliste du patient. Dans cette circonstance (en hausse depuis Courage), l’interprétation d’un test à la dobutamine est délicat. Si l’on place alors l’effort sous traitement (ou à défaut le test mixte) comme stimulus de choix, l’exploration en dépistage secondaire du coronarien stable se recentre sur la scintigraphie et l’échographie.
En pratique
L’imagerie doit être guidée par la stratégie de prise en charge et non l’inverse. En dépistage primaire, la logique est d’explorer fonctionnellement et de manière non invasive les patients vulnérables et la scintigraphie (qui n’est certes plus toute seule) garde toute sa valeur.
En dépistage secondaire, et chez les patients stables, les stratégies médicales devraient s’amplifier et donc déprivilégier les explorations coronaires purement anatomiques au profit des épreuves d’effort sous traitement, replaçant ainsi la scintigraphie au centre du débat.
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