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Cardiologie générale

Publié le 12 jan 2010Lecture 11 min

Pour notre pratique au quotidien

E. FERRARI , CHU de Nice
Utilisation d’HBPM chez la femme enceinte porteuse d’une valve mécanique   La situation d’une femme enceinte porteuse d’une valve cardiaque mécanique, bien que rare, est probablement une des plus difficiles à gérer dans le domaine du traitement antithrombotique. Il existe différentes options thérapeutiques dans cette situation. Les auteurs ont colligé les complications thromboemboliques chez les femmes enceintes porteuses d’une prothèse valvulaire mécanique traitées par HBPM. Ces patientes devaient être prises en charge depuis le début de la grossesse par cette équipe où tous les dossiers étaient staffés par un cardiologue, un hématologiste et un obstétricien. Il s’agit en fait de la sous-étude d’une cohorte prospective réalisée de 1998 à 2008 où toutes les grossesses chez les patientes ayant des antécédents cardiaques ont été suivies et dont une partie a déjà été publiée (Siu S et al Circulation 2001). Parmi 870 grossesses chez des patientes ayant une pathologie cardiaque, 23 grossesses ont été colligées chez 17 femmes porteuses de valve(s) cardiaque(s) traitées par HBPM pendant toute la grossesse. Quinze valves étaient en position mitrale, 9 valves en position aortiques et une patiente était porteuse de 2 valves mécaniques à gauche. L’activité antiXa a été surveillée pendant toute la grossesse. L’objectif était de maintenir une activité antiXa entre 1 et 1,2 UI/ml 4 heures après l’injection d’une HBPM 2 fois par jour. Cette activité était monitorée toutes les 2 à 4 semaines et la dose d’HBPM était adaptée au résultat. Les dosages d’antiXa se sont retrouvés < 0,7 UI/ml dans 4 % des mesures mais jamais < 0,6 UI/ml. En revanche, une activité antiXa a été mesurée au-dessus de 1,2 UI/ml dans 23 % des cas et > 1,5 UI/ml dans 4,4 % des cas. En sus de l’HBPM toutes les patientes recevaient 81 mg d’aspirine/jour. L’héparine était arrêtée 18 à 24 heures avant l’accouchement qui était toujours programmé et l’anticoagulant était repris 4 à 12 heures après. Les auteurs ont comptabilisé 1 événement thromboembolique maternel grave qui s’est soldé par le décès de la mère et du bébé. Cette thrombose de valve (de dernière génération en position aortique) confirmée par l’autopsie avait été précédée d’un accident embolique cérébral qui avait fait pratiquer ETT et ETO ne visualisant pas de thrombose. Les mesures d’antiXa chez cette patiente étaient toujours restées entre 0,99 et 1,44 UI/mll. La dose d’HBPM avait été augmentée après l’AIT. Cinq autres mères (22 %) ont développé d’autres événements cardiaques durant la grossesse, a priori sans rapport avec une thrombose (2 OAP/3 arythmies). Dans 9 cas (43 %) des événements fœtaux ou néonataux sont survenus. Trois accouchements (13 %) se sont compliqués d’hémorragie du post-partum (malgré une activité antiXa < 1,2 UI/ml). La conclusion des auteurs est un peu « alambiquée » : « les HBPM prudemment monitorées pourraient représenter une stratégie acceptable dans cette situation. Cependant ce groupe de patients est à très haut risque de complications maternelles et fœtales et la survenue de thrombose de valve entraînant des décès maternels malgré un suivi de l’activité antiXa explique les limitations actuelles du traitement anticoagulant dans cette population ». Dans la littérature, on trouve très peu de données d’utilisation des HBPM chez la femme enceinte porteuse d’une valve mécanique. Dans une revue de la littérature (Oran B. Thromb Haemost 2004), 81 cas de femmes enceintes porteuses de valves mécaniques et traitées par HBPM sont rapportés. Le taux de thrombose de valve est de 8,6 % et le taux de complications thromboemboliques de 12,3 %. Rappelons que, sous AVK, les séries rapportent 3,9 % de complications thromboemboliques et 1,8 % de décès maternels (Chan et al. Arch Intern Med 2000). Une chose est sûre, l’anticoagulation des femmes enceintes est déjà chose difficile. La même anticoagulation chez une femme enceinte porteuse de valve mécanique est extrêmement complexe. La pharmacocinétique des HBPM chez la femme enceinte n’est pas clairement établie. Les recommandations de l’ACCP chez la femme enceinte prônent une activité antiXa au pic aux alentours de 1 UI/ml, mais cela ne protège pas d’une efficacité trop faible en résiduel. Cet article, s’il mérite citation, n’emporte pas la conviction quant au bienfait de l’utilisation de l’activité antiXa, ni d’ailleurs de celui des HBPM dans ce contexte.   Ostéporose et TVP/EP. Une étude de cohorte rétrospective Les auteurs ont exploré le risque de TVP/EP chez les femmes ostéoporotiques (n = 11 546) vs les non ostéoporotiques (n = 20 084). Il existe un risque significatif de TVP/EP chez les femmes ostéoporotiques vs non ostéoporotiques : incidence annuelle de TVP ou d’EP de 5,6/1 000 patientes vs 3,2, soit un RR de 1,75 [IC95 % 1,09-1,84]. Ce sur-risque n’est pas rattaché à un éventuel traitement de l’ostéoporose (biphosphonates/alendronate). Il pourrait simplement s’agir du fait que les sujets présentant une ostéoporose ont plus souvent des fractures avec l’immobilisation qui en est la conséquence et donc un plus haut risque de TVP secondaire, mais l’association est intéressante à noter.   HTAP et place des inhibiteurs des phosphodiestérases À propos d’un cas clinique qui n’est qu’un prétexte, les auteurs font une mise au point rapide sur l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) et en particulier de la place des inhibiteurs des phosphodiestérases. L’incidence de l’HTAP est encore mal évaluée puisque si en France les chiffres avancés sont de l’ordre de 2,4 cas par million d’habitants et par an (ce qui correspondrait environ à 150 nouveaux cas par an), cette même incidence est évaluée à 7,5 cas par million d’habitants en Écosse, soit trois fois supérieure. La schistosomiase et les hémoglobinopathies (pathologies mal connues en France) devraient, dans les prochaines années, être responsables d’une augmentation importante de cas dans le monde. Sur les données très discutables d’un registre américain exploité de 1982 à 2006, les auteurs avancent que la survie à 1 an serait actuellement de 85 %, taux à comparer à celui établi dans les années 1980 qui était de 68 %. Les inhibiteurs des phosphodiestérases actuellement commercialisés sont le sildénafil (Revatio) (en Europe et aux USA) ; le tadalafil (Adcirca) aux ETATS-UNIS, le vardénafil n’ayant pas encore été approuvé des deux côtés de l’Atlantique. En sus de la baisse des résistances pulmonaires, les inhibiteurs des phosphodiestérases pourraient améliorer la contractilité du ventricule droit. Dans l’HTAP, on retrouve en effet une activité phosphodiestérase anormalement élevée dans les myocytes du ventricule droit, et l’inhibition des phosphodiestérases 5 améliorerait la tonicité. Le bénéfice des inhibiteurs des phosphodiestérases a été évalué dans l’étude SUPER pour le sildénafil. Dans cette étude, 278 patients en stade II et III recevaient soit un placebo soit 20, 40 ou 80 mg de sildenafil 3 fois par jour pendant 12 semaines. Le critère distance du test de marche sur 6 mn s’est amélioré d’environ 45 mètres (340 mètres à l’état basal) sans différence significative entre les trois doses. Cela peut paraître dérisoire pour les non-spécialistes mais il s’agit d’un critère secondaire totalement admis (faute de mieux) dans l’HTAP. En revanche, la baisse des résistances pulmonaires a été proportionnelle à la dose : respectivement -171, -192 et -310 dyn/s/cm-5. À 1 an, l’amélioration du périmètre de marche a été maintenu avec la dose de 80 mg x 3. Le tadalafil a été évalué dans l’étude PHIRST selon un schéma différent : 405 patients en stade II et III, pour certains déjà sous bosentan (Tracleer), ont reçu un placebo ou des doses croissantes de tadalafil (2,5, 10, 20 ou 40 mg). Seule la dose de 40 mg de cet inhibiteur des phosphodiestérases a amélioré le périmètre de marche de 33 m. Il existait un effet plus important chez les patients qui n’étaient pas sous bosentan (44 m vs 22m). La posologie du sildénafil ne doit pas être modifiée lorsqu’il existe une insuffisance rénale ou hépatique modérée. En revanche, celle du tadalafil doit être réduite à 20 mg. Il faut rappeler que ces inhibiteurs des phosphodiestérases sont métabolisés par le cytochrome P450 (isoform 3A4) ; leur clairance est modifiée par certains traitements, en particulier les antiviraux (ce qui n’est pas rare dans l’HTAP) ou l’érythromycine. Il faut aussi noter que le bosentan diminue d’environ 50 % les taux plasmatiques du sildénafil (probablement moins avec le tadalafil), ce qui est dommage étant donné le coût de ces deux traitements. En termes de coût, il est bon de savoir que le bosentan coûte environ 40 000 dollars par an et le sildénafil 13 000 dollars par an (la proportion reste la même en euro). Les effets indésirables du sildénafil sont essentiellement céphalées, dyspepsie et épistaxis. Le risque d’hypotension artérielle est bien connu en cardiologie avec le sildénafil lorsqu’il est associé aux nitrés. Il existe un autre effet indésirable important à connaître : les troubles de la vision, qui peuvent être de deux sortes : – des dyschromatopsies, altération de la vision des couleurs ou élévation de la sensibilité à la lumière, qui seraient dus à un effet direct de l’inhibition des phosphodiestérases au niveau de la rétine ; – il existe un risque beaucoup plus grave de névrite optique rétrobulbaire qu’il faut connaître pour ne pas « errer » devant une perte de la vision chez un patient traité par sildénafil. Les traitements combinés qui associent deux, voire trois traitements de fond sont de plus en plus fréquents dans l’HTAP. Le sildénafil aurait des effets additifs avec l’iloprost inhalé, le téprostinil (Remodulin®), l’époprosténol (Flolan®). En revanche, les effets de l’association sildénafil et bosentan (Tracleer) sont mal connus.   Les relais des AVK chez les patients ambulatoires Le problème des relais des AVK reste compliqué dans notre pratique quotidienne. Des études récentes (Kovacs MJ Circulation 2004) portant sur de petites cohortes avaient mis l’accent sur la « gravité » de ces relais ; en effet, malgré un soin particulier apporté au switch, une incidence d’événements thrombotiques de près de 4 % et un taux d’hémorragies de près de 7 % ont été rapportés (à 3 mois). Dans cette étude, 1 262 patients devant switcher leur traitement AVK ont été colligés. Le switch était très soigneux. L’AVK était stoppé à J-5 (5 jours avant le geste à risque). Pendant 24 h si l’AVK était l’acénocoumarol ou 48 h si l’AVK était la warfarine, aucun traitement n’était donné (le temps de laisser diminuer l’INR). À ce stade, un traitement HBPM était débuté selon deux protocoles différents, eux-mêmes fonction du risque thrombotique considéré. Dans le haut risque, les patients de 70 kg recevaient 0,6 ml x 2 d’énoxaparine. À J-1, la dernière HBPM est faite au moins 12 h avant la procédure à risque. À J0, l’INR est vérifié (le geste est éventuellement reporté si l’INR est encore > 1,5). À J+1/J+2, l’AVK est repris à une posologie supérieure de 50 % de la dose standard du patient. L’HBPM est reprise au moins 12 h après la procédure. À J+3/J+5, l’AVK et l’HBPM sont continués. À J+6, l’INR est vérifié et l’HBPM stoppée si l’INR est thérapeutique. Les procédures intéressées dites à haut risque sont, en particulier, dans 33 % des cas une chirurgie abdominale, dans 23 % des cas une chirurgie orthopédique, dans 11 % des cas une chirurgie ORL. Les procédures à bas risque sont une endoscopie dans 35 % des cas, une chirurgie cutanée ou une cystoscopie dans 17 et 14 % des cas. L’âge moyen des patients est de 71 ans. L’indication des AVK était une FA dans 52 % des cas ; une maladie thromboembolique veineuse dans 16 % des cas, une valve mécanique dans 15 % des cas. À J30 : on note 5 (soit 0,4 %) événements thromboemboliques ; 15 (soit 1,2 %) saignements majeurs et 53 (soit 4,2 %) saignements mineurs. Ces chiffres sont bien moins inquiétants que ceux de l’étude de Kovacs où le relais des AVK était pourtant très similaire. Rappelons qu’en France, l’HAS a publié en avril 2009 des recommandations sur les surdosages qui comportent aussi un chapitre sur les relais.

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