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Explorations-Imagerie

Publié le 06 avr 2010Lecture 6 min

Pourquoi et comment j'utilise une grille de calcul du risque

F. DIÉVART, Clinique Villette, Dunkerque

J’utilise très régulièrement une grille de calcul de risque pour de multiples raisons. Et je choisis mon outil d’évaluation en fonction de l’objectif que je m’assigne.

Guider la prise en charge La première raison pour utiliser une méthode d’évaluation du risque est de disposer d’une appréciation du risque qui soit plus précise que mon simple jugement. Prenons un exemple, soit 4 patients différents, de sexe masculin, dont je ne connais que deux caractéristiques, l’âge et la pression artérielle systolique (PAS). Comment savoir lequel est le plus à risque d’AVC ? Prenons donc un patient de 50 ans, ayant une PAS à 180 mmHg, un patient de 60 ans, ayant une PAS à 160 mmHg, un patient de 70 ans ayant une PAS à 130 mmHg et un patient de 80 ans ayant une PAS à 120 mmHg : lequel a le risque le plus élevé de décéder d’un AVC ? Comparativement à un homme de moins de 50 ans, dont la PAS est à 120 mmHg, la réponse est : - l’homme de 50 ans avec une PAS à 180 mmHg a un risque de décéder d’un AVC multiplié par 20 ; - l’homme de 60 ans avec une PAS à 160 mmHg a un risque de décéder d’un AVC multiplié par 20 ; - l’homme de 70 ans avec une PAS à 130 mmHg a un risque de décéder d’un AVC multiplié par 20 ; - l’homme de 80 ans avec une PAS à 120 mmHg a un risque de décéder d’un AVC multiplié par 64 (figure 10). Figure 10. Taux de mortalité par AVC par décennie d’âge en fonction de la PAS, par âge au début de la décennie. Qui l’aurait dit sans se tromper ? Ainsi, l’estimation du risque montre que le niveau de risque absolu des trois premiers patients est le même, alors que le patient qui a la pression artérielle systolique la plus basse a le risque le plus élevé. Il n’est donc pas possible d’estimer le risque avec une précision suffisante sans recourir à une aide validée. Ainsi, même si l’approche du risque par estimation intellectuelle pure ou intuitive peut être proche de la réalité dans certains cas, dans de nombreux autres elle va être erronée car le poids donné à certains paramètres dans cette appréciation ne sera pas le bon. Deuxième élément à prendre en compte : le poids des facteurs modifiables. S’il est vrai, dans l’exemple précédent, que c’est le patient de plus de 80 ans qui a le risque le plus élevé de décéder d’un AVC, il est vraisemblable que son risque soit essentiellement porté par l’âge qui est un facteur non modifiable et qu’aucune mesure préventive ne pourra diminuer ce risque spécifique. En revanche, si les trois sujets plus jeunes ont un excès de risque, pour celui de 50 ans et celui de 60 ans, cet excès est essentiellement porté par la valeur de la pression artérielle. En diminuant celle-ci, il a été démontré qu’il est possible de diminuer le risque. C’est donc chez des patients plus jeunes et de moindre risque qu’une stratégie préventive va être mise en place. Voilà donc les deux premières raisons pour laquelle j’utilise régulièrement une grille d’évaluation du risque : apprécier de façon plus précise que par l’intuition le niveau de risque et juger de la part des facteurs modifiables dans le niveau de risque afin d’adapter la prise en charge. Un outil pédagogique La troisième raison d’utiliser une évaluation du risque est pédagogique. L’objectif est de montrer au patient comment une action sur certains paramètres peut modifier son risque. Pour cela, je n’utilise pas la grille de risque proposée dans les recommandations européennes (la grille SCORE), ni la grille de sommation des marqueurs de risque proposée dans les diverses recommandations françaises. J’utilise un logiciel reposant sur la grille de Framingham (le logiciel Predirisk) qui est dans mon ordinateur, posé sur mon bureau de consultation. Cette grille prend en compte comme variables continues, l’âge, la pression artérielle systolique, la cholestérolémie totale, la cholestérolémie HDL et comme variables qualitatives, la présence d’un diabète, d’un tabagisme, d’une hypertrophie ventriculaire gauche et d’une hérédité cardiovasculaire. Je n’utilise pas la grille SCORE car elle donne un niveau de risque reposant sur la mortalité cardiaque. Dans cette approche, le risque est jugé élevé lorsque la mortalité cardiaque est > 5 % à 10 ans. Ce niveau de risque est estimé similaire à celui donné par la grille de Framingham, pour laquelle un risque élevé d’infarctus du myocarde est un risque > 20 % à 10 ans. Et, curieusement, j’ai remarqué que, lorsqu’on dit à un patient, « votre risque de décéder d’un problème cardiaque dans les 10 ans est de 5 % », il paraissait moins concerné que lorsqu’on lui dit que son « risque d’infarctus du myocarde est de 20 % à 10 ans ». Cela rappelle le problème du permis à point : il y a eu une fronde populaire lorsqu’avait été fixé un nombre de points par permis à 6, en en retirant 1 par infraction, fronde qui s’est apaisée, lorsque le nombre de points par permis a été augmenté à 12 en en retirant… 2 par infraction. Pour paraphraser un journaliste, faut-il en conclure que les trois quarts des gens sont plus bêtes que la moyenne ? Quoi qu’il en soit de ces digressions, utiliser un risque à 20 % parait plus efficace qu’utiliser un risque à 5 %. En utilisant le logiciel d’évaluation du risque choisi, j’y entre les paramètres du patient et sur l’écran en haut à droite s’affiche le risque idéal et le risque du patient. En fonction des données affichées, j’oriente alors mon discours vers ce qui me parait être le plus pédagogique. Ceci me permet de dire à un patient par exemple : si l’on prend 100 personnes de votre âge et de votre sexe, 4 vont avoir un infarctus dans les 10 ans, par le simple fait qu’ils sont hommes et ont cet âge-là. Pour vous, comme vous le voyez, ce niveau de risque est de 16 %, soit 4 fois le risque de votre âge. Or, qu’est ce qui est à l’origine de ce risque : le cholestérol, la tension et le tabac. Et je modifie devant lui les curseurs : je retire le tabac, je diminue le cholestérol et je descends la pression artérielle à 130 : regardez, l’excès de risque est parti. Vous voyez donc qu’en arrêtant de fumer, en modifiant certaines habitudes diététiques et en prenant un traitement pour la tension, il est possible de diminuer le risque cardiaque. À un autre patient, je peux aussi dire, le risque idéal pour l’âge est de 4 %, et votre risque est de 10 %. Or, l’excès de risque est porté par un élément sur lequel on ne peut agir, l’hérédité. Mais voyez bien que dans ce cas, il est important de faire très attention à votre alimentation car, si le cholestérol augmente, vous augmentez encore plus votre risque… Il est aussi possible qu’en ayant une activité physique régulière, vous puissiez augmenter votre bon cholestérol et diminuer votre risque. Ainsi, dans ma pratique, pour palier les défauts d’estimation du risque absolu dans une population française, je prends surtout en compte le risque relatif : la différence entre le risque calculé pour un patient et le risque idéal, donnée par un même moyen de calcul du risque. Pour guider ma stratégie, j’évalue l’importance des facteurs modifiables dans ce qui fait l’excès de risque et ce, afin de guider ma prise en charge et d’informer mes patients sur les enjeux de la démarche qui sera adoptée. Dans le choix des cibles, notamment en matière de LDL-cholestérol, je prends toutefois en compte les propositions des recommandations françaises sur les dyslipidémies. J’indique la cible au médecin traitant dans ma correspondance, et ce, en fonction du nombre de facteurs de risque, tel que proposé dans les recommandations afin que nous adoptions un langage commun. J’indique aussi cette cible au patient, tout en lui précisant que, s’il est possible d’aller encore plus bas, notamment par la diététique, il faut essayer. Enfin, dès qu’il y a un diabète de type 2, le bénéfice de l’abaissement du LDL-cholestérol étant majeur dans cette population, j’utilise des cibles systématiquement plus basses que celles des recommandations et pour y parvenir, des posologies élevées de statine si nécessaire. En pratique J’utilise différents moyens d’estimation du risque en fonction des objectifs que je cherche à atteindre, sans obligatoirement suivre à la lettre les propositions des recommandations. Les recommandations sont un compromis dont il faut connaître l’emploi, les avantages et limites et le médecin est libre de sa pratique dès lors qu’il peut argumenter ses choix. Conflits d’intérêts : Honoraires comme orateur ou consultant pour : Abbott, Astra-Zeneca, BMS, Boehringer-Ingelheim, IPSEN, Menarini, MSD, Novartis, Pfizer, Roche-diagnostics, sanofi-aventis france, Servier, Takeda

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