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Valvulopathies

Publié le 05 fév 2008Lecture 7 min

Prévention de l'endocardite infectieuse : les recommandations américaines sont une évolution majeure

A. DZUDIE et F. DELAHAYE, CHU de Lyon

Les recommandations de l’American Heart Association (AHA) sur la prévention de l’endocardite infectieuse (EI) viennent d’être publiées. L’argumentaire des Américains ressemble beaucoup à celui des Français en 2002, qui furent les premiers à restreindre les indications de l’antibioprophylaxie. Ce groupe de travail va plus loin que les Français en ce sens qu’il ne propose pas de prophylaxie optionnelle en cas de cardiopathie du groupe B ou de geste sur les systèmes gastro-intestinal et génito-urinaire.

Valves aortique et mitrale. Le texte, consacré exclusivement à la prévention, tout récent, est long de 18 pages et comporte 153 références(1). Les recommandations françaises sont seulement citées… C’est la dixième édition de recommandations sur la prévention de l’EI par l’AHA. Les présentes recommandations sont approuvées par l’American Dental Association, l’Infectious Diseases Society of America et la Pediatric Infectious Diseases Society.   Pourquoi une révision ? Les cinq principes fondamentaux des neuf textes américains précédents sont les suivants : – l’EI est une maladie rare mais grave, menaçant la vie, et la prévention est préférable au traitement d’une infection établie ; – certaines maladies cardiaques prédisposent à l’EI ; – des bactériémies de micro-organismes connus pour causer des EI surviennent communément lors de gestes dentaires, gastro-intestinaux ou génito-urinaires invasifs ; – la prophylaxie antimicrobienne est prouvée efficace pour la prévention de l’EI expérimentale chez les animaux ; – la prophylaxie antimicrobienne est considérée comme efficace chez les humains pour la prévention des EI associées aux gestes dentaires, gastro-intestinaux ou génito-urinaires. Le groupe de travail de 2007 considère que les quatre premiers principes fondamentaux sont valides, mais que le cinquième est remis en cause dans de nombreuses publications. Les principales raisons de la révision des recommandations américaines sont les suivantes : – l’EI survient beaucoup plus probablement du fait d’une exposition fréquente à des bactériémies liées aux activités quotidiennes que du fait de bactériémies causées par un geste dentaire, gastro-intestinal ou génito-urinaire ; – la prophylaxie n’évite qu’un très petit nombre de cas d’EI, voire aucun chez les sujets ayant un geste dentaire, gastro-intestinal ou génito-urinaire ; – le risque d’effets secondaires liés aux antibiotiques dépasse le bénéfice, s’il existe, de l’antibioprophylaxie ; – le maintien d’une hygiène buccodentaire optimale peut réduire l’incidence des bactériémies liées aux activités quotidiennes ; il est plus important que l’antibioprophylaxie lors d’un geste dentaire pour réduire le risque d’EI.   Rationnel pour ou contre la prophylaxie de l’EI La grande majorité des études publiées concerne les gestes dentaires.   Fréquence, nature, importance et durée des bactériémies associées à un geste dentaire Une bactériémie transitoire est habituelle lors de la manipulation des dents ou des tissus périodontaux, mais il y a de grandes variations d’une étude à l’autre en termes de fréquence des bactériémies lors de gestes dentaires. Il y a fréquemment aussi des bactériémies transitoires lors des activités quotidiennes non liées à un geste dentaire : brossage des dents, mastication des aliments, etc. Les bactériémies spontanées liées aux activités quotidiennes sont beaucoup plus fréquentes que celles liées à un geste dentaire. Dans la bouche il y a plus de 700 espèces de bactéries. Environ 30 % sont des streptocoques, surtout du groupe viridans. L’importance de la bactériémie lors d’un geste dentaire est relativement faible (< 104 colony-forming units de bactéries/ml), du même ordre que celle résultant des activités quotidiennes et moindre que celle utilisée pour causer une EI expérimentale chez l’animal (106 à 108 CFU/ml). Bien que la dose infectante nécessaire pour causer une EI chez les humains ne soit pas connue, le nombre de micro-organismes présents dans le sang après un geste dentaire ou une activité quotidienne est bas. Les cas d’EI causées par des bactéries orales résultent probablement d’expositions répétées de faibles inoculums de bactéries dans le courant sanguin du fait des activités quotidiennes et non d’un geste dentaire. De plus, la grande majorité des patients avec EI n’ont pas eu de geste dentaire dans les 2 semaines précédant le début des symptômes d’EI. Il n’y a pas de différence cliniquement significative en termes de fréquence, nature, magnitude et durée des bactériémies associées aux gestes dentaires par rapport à celles résultant des activités quotidiennes. ETO : végétation mitrale ancienne « organisée ». Impact des maladies dentaires, de l’hygiène orale et du type de geste dentaire sur les bactériémies On considère habituellement qu’il y a une relation entre mauvaise hygiène orale, étendue des maladies dentaires et périodontales, type de geste dentaire d’une part, et la fréquence, la nature, la magnitude et la durée des bactériémies d’autre part. Mais cette relation présumée est controversée. Cependant, la littérature est en faveur du maintien d’une bonne hygiène orale et de l’éradication des maladies dentaires afin de diminuer la fréquence des bactériémies liées aux activités quotidiennes. Depuis longtemps, on considère que l’extraction dentaire est le geste dentaire le plus susceptible de causer une bactériémie, mais de nombreux autres gestes dentaires sont associés à un risque de bactériémie similaire à celui de l’extraction dentaire.   Impact des antibiotiques sur la bactériémie lors d’un geste dentaire Cet impact est controversé. Certaines études, mais pas d’autres ont montré une réduction de la fréquence et/ou de la durée des bactériémies, et il n’y a pas d’étude montrant une réduction du risque d’EI.   Risque cumulatif des bactériémies liées aux activités quotidiennes par rapport à celles liées à un geste dentaire Le temps cumulé, pendant une période de 1 mois, de bactériémies résultant de la mastication et des mesures d’hygiène orale, a été estimé à 5 370 minutes. Roberts a estimé que le brossage des dents 2 fois par jour pendant 1 an entraînait un risque de bactériémie 164 000 fois plus grand que celui résultant d’une extraction dentaire. La durée de bactériémie liée aux activités quotidiennes, pendant 1 an, peut être 5,6 millions de fois plus grande que celle liée à une extraction dentaire.   Résultat des études cliniques sur la prophylaxie de l’EI lors de gestes dentaires Il n’y a pas d’essai randomisé. Les données proviennent d’études cas-témoins qui présentent des facteurs limitants : – la faible incidence de l’EI, ce qui nécessite un grand nombre de patients ; – la grande variété des cardiopathies à risque ; – la grande variété de gestes dentaires et d’états buccodentaires. Dans les études de Van der Meer, les gestes dentaires ou autres ne causent que peu d’EI, et la prophylaxie n’aurait prévenu que peu de cas. Dans l’étude de Strom, les gestes dentaires n’étaient pas un facteur de risque d’EI. Une étude française récente est citée par les Américains, avec la conclusion des auteurs : il faudrait un nombre énorme de doses de prophylaxie pour ne prévenir qu’un très petit nombre d’EI.   Risque absolu d’EI lors d’un geste dentaire Les Américains fournissent des chiffres. Si les soins dentaires causent 1 % de tous les cas d’EI dus à des streptocoques du groupe viridans, le risque dans la population générale est aussi bas que 1 cas d’EI pour 14 millions de gestes dentaires. Estimations du risque : - pour le prolapsus valvulaire mitral : 1 pour 1,1 million ; - pour les cardiopathies congénitales : 1 pour 475 000 ; - chez les porteurs de prothèse valvulaire cardiaque : 1 pour 114 000 ; - en cas d’antécédent d’EI : 1 pour 95 000. Même si ces calculs sont des estimations, il est probable que le nombre de cas d’EI liés à un geste dentaire est très petit. Même si la prophylaxie est efficace à 100 %, le nombre de cas prévenus est, donc, lui aussi, très petit.   Maladies cardiaques et EI Le groupe de travail américain a distingué trois questions : Quelles maladies cardiaques ont une prédisposition accrue à l’EI ? Quelles maladies cardiaques sont associées à un risque accru d’évolution défavorable de l’EI ? Les recommandations de prophylaxie de l’EI doivent-elles être basées sur l’un ou l’autre ou les deux risques, d’avoir une EI et d’avoir une évolution défavorable de cette EI ? Pour trois maladies cardiaques — prothèses valvulaires, antécédents d’EI, cardiopathies congénitales (encadré) — il y a à la fois augmentation du risque d’EI et augmentation du risque d’évolution défavorable de cette EI. Pour ces patients, le groupe recommande une prophylaxie en cas de geste dentaire. Il n’y a plus de recommandations de prophylaxie de l’EI pour les autres patients chez lesquels le risque d’avoir une EI est augmenté, mais pas le risque d’une évolution défavorable de cette EI. Le groupe de travail a pris en compte, d’une part le risque d’allergie dû aux antibiotiques, d’autre part l’augmentation des résistances microbiennes liées à l’usage très large des antibiotiques. Antibioprophylaxie L’antibiotique doit être administré en une seule dose avant le geste. Si cela n’est pas fait avant, par inadvertance, cela peut être fait dans les 2 heures qui suivent le geste. Les gestes dentaires pour lesquels une antibioprophylaxie est recommandée sont tous les gestes dentaires qui comportent une manipulation du tissu gingival ou de la région périapicale des dents, ou une effraction de la muqueuse orale. L’antibiotique recommandé est l’amoxicilline, à la dose de 2 grammes, 30 à 60 minutes avant le geste dentaire. Si la voie orale n’est pas possible, sont recommandées l’ampicilline ou la céfazoline ou la ceftriaxone. En cas d’allergie aux pénicillines ou à l’ampicilline, sont recommandées la céphalexine ou la clindamycine ou l’azithromycine, ou la clarithromycine. Pour les gestes sur les voies respiratoires, une prophylaxie du même type peut être faite, pour les patients répertoriés dans l’encadré, lorsqu’il y a incision ou biopsie de la muqueuse respiratoire, comme par exemple lors d’une adénoïdectomie ou d’une tonsillectomie. Pas de prophylaxie en cas de bronchoscopie, sauf s’il y a des biopsies.

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