Publié le 13 oct 2009Lecture 3 min
Prise en charge des patients traités par AVK avant une chirurgie programmée
M.-A. MAY (service d’anesthésie-réanimation du Pr Fusciardi), en collaboration avec les principales équipes médico-chirurgicales concernées (service de chirurgie cardiaque des Prs Marchand et Aupart, services de cardiologie des Pr Charbonnier et Babuty, e
Les antivitamine K (AVK) représentent le traitement anticoagulant oral au long cours le plus prescrit en France, soit environ 600 000 personnes. Près de 10 % des patients traités par AVK, subissent une intervention chirurgicale ou médicale chaque année. Ce traitement pose des problèmes aux cliniciens lorsqu’une intervention est programmée, car les anticoagulants augmentent le risque hémorragique des interventions et leur interruption expose les patients à un risque thromboembolique (TE).
Ces traitements sont indispensables chez les patients à risque TE artériel, porteurs de valves mécaniques cardiaques ou ayant une fibrillation auriculaire, et à risque veineux ayant un antécédent de maladie thromboembolique veineuse. Trois types de prothèses valvulaires mécaniques sont disponibles : à bille, à disque et les plus récentes et les plus performantes, à double ailettes. Le RTE artériel en l’absence d’anticoagulant est d’environ 10 % par an, contre 1 à 2 % en cas de traitement par AVK avec un INR cible compris entre 2,5 et 3,5.
Évaluer le risque hémorragique
La gestion de ces traitements avant une intervention n’est actuellement pas consensuelle, mais elle doit être adaptée au risque hémorragique de l’intervention !
L’évaluation du risque hémorragique est complexe et repose sur quelques recommandations émises par les sociétés savantes et reprises par la Haute autorité de santé en 2008. Ce risque dépend principalement de l’acte vulnérant réalisé et du patient (pathologies ou médicaments interférant avec l’hémostase), mais aussi des praticiens.
Dans certains cas, le risque hémorragique prévu est faible, et les AVK peuvent être poursuivis jusqu’à l’intervention (encadré 1).
Dans tous les autres cas, le risque hémorragique prévu n’est pas faible, et les AVK doivent être interrompus avant l’intervention.
Figure. Prothèses valvulaires mécaniques.
Que faire si le risque hémorragique n’est pas faible ?
Deux solutions sont possibles :
Considérer tous les patients traités par AVK à RTE élevé et effectuer un relais préopératoire par une héparine à dose curative.
À la suite d’une discussion pluridisciplinaire au CHU de Tours, nous avons élaboré un protocole simple, qui a été repris dans les dernières recommandations de la Haute autorité de santé en 2008, concernant l’utilisation des AVK.
• La première étape consiste à pratiquer un bilan biologique dans les 2 semaines précédant la chirurgie (INR, créatininémie et numération plaquettaire), ainsi qu’éventuellement une échographie cardiaque à la recherche d’un thrombus intracavitaire.
• Les AVK sont arrêtés à J-4 si l’INR est en zone thérapeutique.
• Le relais préopératoire des AVK est effectué par une héparine administrée à dose curative, dans les 48 heures après la dernière prise de fluindione ou de warfarine. Au CHU de Tours, ce relais est obtenu avec l’enoxaparine (100 UI/kg/12 h en sous-cutanée), sauf s’il existe une contre-indication, notamment en cas d’insuffisance rénale sévère, l’héparine non fractionnée est utilisée.
Protocole du CHRU de Tours
(encadré 2)
Ce protocole permet de prévenir le risque thromboembolique des patients – il n’y a pas d’arrêt préopératoire des anticoagulants – et de minimiser le risque hémorragique per- et postopératoire en effectuant la dernière injection d’HBPM à dose curative, 24 heures avant l’intervention, qu’on ne reprend que dans les 48 heures postopératoires, une fois le risque hémorragique majeur terminé. Il peut être réalisé à domicile ou en ambulatoire pour presque toutes les procédures médicales et chirurgicales.
Tenter d’évaluer le RTE artériel et veineux des patients lors d’une consultation préopératoire :
– en différenciant tous les facteurs de risque thromboemboliques, et notamment artériels (type et position de la valve, association ou non de la fibrillation auriculaire avec une valvulopathie, etc.) ;
– en les graduant en fonction des recommandations internationales ou françaises, parfois un peu différentes,
– et en adaptant des protocoles pré-opératoires d’anticoagulants spécifiques à chaque situation.
En pratique
L’utilisation d’un seul protocole, simple et efficace, semble préférable pour les nombreux praticiens devant gérer ces situations difficiles. Il est déjà utilisé dans le service de chirurgie cardiovasculaire de l’hôpital de Tours, chez les patients traités par AVK. Une étude prospective en cours n’a montré aucun événement thromboembolique artériel dans les 6 mois postopératoires, chez des patients porteurs d’une prothèse valvulaire mécanique.
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