Valvulopathies
Publié le 15 mar 2011Lecture 7 min
Progrès en imagerie des dysfonctions de prothèse valvulaire
E. BOUVIER et B. CORMIER, Hôpital Jacques Cartier, Massy
En matière d’imagerie de prothèse valvulaire cardiaque, les avancées les plus significatives sont actuellement liées au développement de l’imagerie 3D. Échographie cardiaque 3D, essentiellement transœsophagienne, et scanner cardiaque atteignent aujourd’hui une maturité technique qui permet leur utilisation en pratique quotidienne pour la détection des dysfonctions et de leur mécanisme. Les gains de puissance informatique autorisent désormais la manipulation 3D en temps réel de façon superposable à l’imagerie 2D, avec bascule instantanée et transparente entre les deux modalités, pour se focaliser non plus sur l’outil mais sur la pathologie. Cependant, certaines spécificités de l’imagerie 3D doivent rester à l’esprit, et nécessitent une lecture critique de ces séduisantes images.
Deux modalités de visualisation en 3D
Les données 3D peuvent être visualisées selon deux modalités : multiplan ou rendu volumique (RV).
Le mode multiplan recalcule une image 2D selon un plan de coupe oblique totalement libre dans le bloc de données 3D ; la sémiologie est très proche de l’imagerie 2D, mais doit tenir compte de l’anisotropie des données.
En RV, l’application présente une vue en volume et colorée qui se veut réaliste, avec des effets d’éclairage et d’ombrage pour renforcer la sensation de profondeur (en attendant l’arrivée des écrans et/ou lunettes 3D) ; la sémiologie est très différente, plus intuitive, et donne surtout des informations morphologiques et topographiques plus rapidement accessibles, notamment aux opérateurs moins expérimentés. Le piège majeur du RV est l’introduction de valeur(s) seuil(s), entre opacité et transparence mais aussi pour le codage couleur.
Pour cette raison, le RV n’a pas vocation à réaliser des mesures, qui peuvent dépendre des réglages et du niveau de bruit.
Par exemple, un thrombus prothétique en RV pourra voir ses dimensions augmenter lorsque les gains sont augmentés ou que les seuils sont abaissés, et vice-versa. Pour un défect paraprothétique, le principe est inversé. Enfin, le RV n’apporte aucune information supplémentaire sur la nature tissulaire d’une masse, n’en montrant que la surface.
Échographie 3D
L’acquisition est réalisée avec une sonde ponctuelle, thoracique ou œsophagienne, dont la matrice de quartz piézo-électriques émet un faisceau divergent d’ultrasons. Le volume de données est donc pyramidal et anisotrope, puisque la résolution spatiale et le phénomène d’interface à l’origine de la formation des échos sont très différents dans l’axe Z des ultrasons et dans les axes X et Y qui sont perpendiculaires. La résolution en Z est excellente et stable en profondeur, tandis que la résolution en X-Y est correcte en proximal mais se dégrade en profondeur, de façon variable selon les réglages de focalisation. En raison des impédances aux ultrasons très différentes entre tissus biologiques et matériaux prothétiques non-biologiques, l’échographie donne une excellente visualisation de l’interface d’entrée dans ces matériaux (forte réflexion) mais, conséquence logique, d’importants cônes d’ombre en aval. Enfin, la technique actuelle oblige à un compromis entre la taille du secteur explorée et la résolution temporelle.
En pratique, la résolution actuelle des sondes et les phénomènes d’artefacts limitent l’utilisation de l’échographie 3D en ETT.
Les applications réellement contributives au quotidien concernent l’ETO, et principalement l’étude des prothèses mitrales, très proches et faisant face aux ultrasons.
Les prothèses mécaniques sont analysables essentiellement sur le versant auriculaire, contrairement aux bioprothèses souvent analysables sur les deux versants. Ainsi, l’ETO 3D semble très performante pour la localisation et l’étude morphologique des thrombi ou végétations, pour les dysfonctions d’ailette (plus que de disque), pour les désinsertions paraprothétiques (localisation(s) et surtout extension circonférentielle) notamment en vue de leur fermeture percutanée, pour les dégénérescences de bioprothèses facilitant l’étude individuelle des cusps. Certains auteurs suggèrent également l’intérêt du 3D pour l’étude des pannus, mais l’effet de seuil limite l’objectivité de ce diagnostic. L’étude des prothèses aortiques est gênée pour les raisons évoquées supra, mais l’étude des régions sous- et sus-valvulaires reste possible et peut suffire à compléter le diagnostic (thrombus, végétation). Les autres localisations de prothèses souffrent de l’angle peu favorable, de la distance ou de la présence d’interfaces supplémentaires qui dégradent la qualité d’image.
Pour contourner l’effet de seuil qui affecte les défects paraprothétiques en RV, l’ETO 3D offre l’avantage du Doppler couleur. Fonctionnant comme une sorte de « loupe » couleur en raison d’un secteur très réduit, il visualise le flux anormal et confirme la taille du défect. Peu invasive, l’ETO 3D devraient se répandre rapidement, à l’occasion des renouvellements de matériel et avec l’arrivée d’un 2e constructeur sur ce créneau, laissant également espérer une émulation technique et peut-être plus d’applications en ETT 3D.
Figure 1. ETO 3D: Double thrombus sur le versant auriculaire d’une prothèse mécanique à ailette en position mitrale.
Figure 2. ETO 3D : Immobilisation d’une ailette de prothèse mécanique mitrale en regard d’un thrombus de l’auricule gauche, ouverture en demi-lune de l’autre ailette (flèche).
Figure 3. ETO 3D : Fuite paraprothétique sur désinsertion de bioprothèse mitrale, vue 3D endoauriculaire gauche.
Scanner cardiaque
L’application du scanner cardiaque, technique non invasive initialement développée pour les applications coronaires, aux valvulopathies est plus récente. Basé sur les rayons X, il est la technique de référence pour l’étude des calcifications, et se prête particulièrement bien à l’analyse des matériaux prothétiques de densité élevée, métal ou polymère. Pour mémoire, après injection de produit de contraste iodé, l’acquisition des données se fait par « tranche » de thorax, selon le principe du calcul matriciel, en faisant défiler le thorax devant le détecteur ; les coupes natives ainsi collectées sont ensuite empilées pour reconstituer le volume 3D. La source et le détecteur tournant en continu autour de l’objet, l’image est reconstituée à partir de points de vue multiples permettant d’obtenir des données isotropes en X et Y ; la résolution en Z étant très proche et stable, le bloc de données 3D est remarquablement homogène, permettant une totale liberté du plan de coupe, sans zone aveugle, avec une résolution de l’ordre de 0,5 mm dans toutes les directions de l’espace. Il permet donc l’étude des prothèses valvulaires de façon homogène quelle que soit leurs positions, aortique, mitrale, mais aussi tricuspide ou pulmonaire, avec une préférence pour les prothèses mécaniques.
Pour autant, les artefacts spécifiques aux scanners demeurent : blooming, durcissement, artefacts de rythme. En pratique, ces artefacts se superposent rarement avec ceux de l’échographie, rendant les deux approches très complémentaires. Enfin, le scanner permet l’étude cinétique au cours du cycle cardiaque mais n’apporte aucune information hémodynamique analogue au Doppler, notamment aucune visualisation des jets de régurgitations.
En pratique, la première application du scanner est d’offrir un radiocinéma de la valve en 3D, permettant des mesures d’angle d’ouverture et de fermeture de la prothèse soit à ailettes ou à disque, mais également l’étude des thrombi ou végétations responsables de la dysfonction et ce, quelle que soit leur position. Pour les valves biologiques, l’épaississement des cusps, leur diminution de mobilité ou leur caractère calcifié sont visibles ; un prolapsus est également détectable. Dans le cas d’une dysfonction de bioprothèse TAVI, le scanner montre la géométrie précise du stent et sa déformation éventuelle par les calcifications valvulaires ; les cusps sont plus difficilement analysables en raison des artefacts autour du stent. Dans le bilan préthérapeutique d’un TAVI Valve-in-Valve, le scanner permet une mesure précise du calibre interne de la bioprothèse défaillante pour le choix de la prothèse percutanée et l’étude des rapports anatomiques avec les ostia coronaires. Dans les désinsertions de prothèses, le rendu 3D est extrêmement explicite sur la localisation et la forme du défect, en veillant aux pièges de l’effet seuil qui sont contrés par l’analyse rigoureuse des images 2D multiplans. Accessoirement, le scanner est particulièrement adapté à l’étude des zones paravalvulaires en cas d’infection, notamment pour l’étude des abcès détergés (localisation, extension). Enfin, des observations préliminaires concordantes laissent entrevoir un rôle déterminant dans le diagnostic de pannus sous-aortiques.
L’amélioration continue du matériel permet aujourd’hui de réaliser des examens de moins en moins irradiants, d’améliorer la résolution temporelle et, peut-être demain, de réduire les artefacts avec les mesures en double énergie.
Devant une suspicion de dysfonction de prothèse valvulaire, ETT puis ETO 3D sont la base du diagnostic et résolvent la majorité des situations. En cas d’incertitude résiduelle, si la fonction rénale et le rythme cardiaque le permettent, le scanner cardiaque nous paraît un prolongement logique en raison de sa complémentarité. Le radiocinéma de valve se justifie en cas d’insuffisance rénale.
Figure 4. Scanner : Prothèse mécanique à ailettes aortique normale, vue 2D à gauche, vue 3D endoaortique à droite.
Figure 5. Scanner : Bioprothèse aortique normale, vue 2D à gauche, vue 3D endoaortique à gauche.
Figure 6. Scanner : Double thrombus sur le versant auriculaire d’une prothèse mécanique à ailette en position mitrale (même patient que image 1).
Figure 7. Scanner : Bioprothèse aortique dégénérée avec calcification massive des 3 cusps n’épargnant que la partie la plus centrale, vue endoaortique en diastole.
Figure 8. Scanner : déploiement satisfaisant du stent d’une bioprothèse TAVI au niveau valvulaire (à gauche), avec légère déformation proximale par une grosse calcification sous-valvulaire (à droite).
Figure 9. Scanner : Fuite paraprothétique sur désinsertion de prothèse mécanique mitrale, vue 3D endoauriculaire gauche.
Figure 10. Scanner : Image tissulaire à la face ventriculaire d’une prothèse mécanique aortique, en continuité avec l’endocarde ventriculaire, correspondant à un pannus.
En pratique
L’imagerie cardiaque 3D nous donne aujourd’hui plus aisément accès à des informations morphologiques et topographiques dans les dysfonctions de prothèses valvulaires, sans apport notable sur la caractérisation tissulaire.
Le rendu volumique 3D crée des pièges spécifiques nécessitant la confrontation systématique aux images 2D.
Ultrasons (ETO 3D) et rayons X (scanner) sont très complémentaires pour l’étude des prothèses valvulaires.
La plus grande isotropie du scanner lui donne une liberté accrue d’analyse au prix d’une injection de contraste et d’une irradiation, le reléguant en deuxième ligne dans la stratégie diagnostique.
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :