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Cardiomyopathies

Publié le 10 nov 2009Lecture 11 min

Quand et comment traiter l'obstruction de la cardiomyopathie hypertrophique ?

O. DUBOURG, Hôpital Ambroise Paré, Boulogne


Les Journées françaises de l’insuffisance cardiaque
La cardiomyopathie hypertrophique (CMH) est initialement reconnue comme une maladie comportant une hypertrophie cardiaque prédominant sur le septum ; il s’agit d’une maladie le plus souvent familiale dans sa forme sarcomérique et qui s’accompagne d’une obstruction mécanique. Cette obstruction est créée par l’hypertrophie septale et par des anomalies de la valve mitrale (malposition des piliers ou mauvaise orientation, longueur des cordages, longueur de la valve). On pensait que l’obstacle sous-aortique était souvent responsable des manifestations observées, que ce soit les pré-syncopes ou les syncopes, la dyspnée d’effort, la fatigue, les douleurs angineuses et l’arrêt cardiaque. Toutefois, il est difficile de le prouver et le gradient est éminemment variable car il n’est pas retrouvé chez tous les patients et change avec les conditions de charge. On le retrouve au repos chez seulement 20 à 30 % des patients et on ne le considère significatif qu’à partir d’une valeur seuil de 30 mmHg.

La CMH est-elle une maladie de l’obstruction ? Dans une étude multicentrique de Martin Marron (N Engl J Med 2003 ; 348 : 295-303), 25 % des patients présentaient un pic d’obstruction au repos de plus de 30 mmHg et ce, dans une très large série de 1 101 patients. Dans cette publication, 12 % des patients, à 6 ans, étaient décédés et 20 % des survivants avaient une progression en stade 3 et 4 de la NYHA. Après ajustement, en tenant compte de l’âge, du sexe, de l’insuffisance cardiaque, la présence d’une arythmie complète et/ou d’une hypertrophie de la paroi > 30 mm, le facteur statistiquement significatif qui sortait était bien la présence d’une obstruction > 30 mmHg et le risque relatif était de 1,6 (pour un IC compris entre 1,1 et 2,4). Une autre étude multicentrique du même auteur (Circulation 2006 ; 114 : 2232-39) a été réalisée chez 320 patients, laquelle a retrouvé un gradient de repos ou provoqué chez 70 % des patients porteurs d’une CMH. En fait, la question récurrente que pose ce travail est de reconnaître si oui ou non la CMH est une maladie due à l’obstruction. Cette question a été posée par de multiples travaux depuis le papier princeps d’Eugène Braunwald en 1964 dans le même journal ; la réponse apportée depuis n’est pas univoque. Toutefois, la publication de Martin Maron mérite d’être prise en compte. Les différentes méthodes diagnostiques du gradient sont présentées sur cette figure. Au centre l’échocardiographie 2D avec le codage couleur. En bas à gauche le Doppler continu et la forme caractéristique du flux sous aortique déformée en forme de lame de sabre En has et à droite en échocardiographie en Mode TM, ou on observe la fermeture re-ouverture des sigmoïdes aortiques en forme d’aile de papillon. Enfin, en dessous un cathétérisme simultané qui objective le gradient entre la pression sous aortique et aortique : noter que le pic de gradient est simultané à la fermeture des sigmoïdes, noter encore la similitude des courbes hémodynamiques à droite et celle du doppler à gauche. Dans ce travail, les patients étaient partagés en trois groupes, ceux avec gradient < 30 mmHg, ceux ayant de 30 à 50 et enfin ceux à > 50 mmHg ; ces derniers patients étaient exclus de l’épreuve d’effort, contrairement aux deux autres groupes chez lesquels le gradient était mesuré en post-exercice en décubitus latéral. L’effort était réalisé chez un patient en position debout ou assise sur un vélo et les résultats du gradient étaient comparés à ceux obtenus après une épreuve de Valsalva. Les auteurs avaient décidé de faire arrêter le traitement de 24 à 72 h avant de réaliser cette recherche du gradient à l’effort. Des résultats intéressants ont été retrouvés : 95 patients, soit 30 % de l’effectif, n’ont pas eu un gradient à l’effort > 30 mmHg ; en revanche, 225 patients, c’est-à-dire 70 % de l’effectif, ont eu un gradient > 30 mmHg. Ainsi, parmi tous les facteurs étudiés dans cette étude, l’importance de l’insuffisance cardiaque, la taille de l’oreillette gauche, celle du ventricule gauche, l’épaisseur des parois ventriculaires et la présence d’une IM, seule la présence d’une insuffisance mitrale post-effort sortait de façon statistiquement significative. Mais le gradient et son augmentation à l’effort n’entraînent pas seulement une augmentation de l’insuffisance mitrale, ils sont susceptibles aussi d’augmenter la pression télédiastolique du ventricule gauche et d’entraîner des modifications de la taille et de l’épaisseur des parois du ventricule gauche par un remodelage ventriculaire secondaire à une contrainte pariétale plus élevée et/ou à une ischémie myocardique entraînant une mort cellulaire et une fibrose éventuelle. Tous ces facteurs sont synergiques pour entraîner une instabilité électrique et une dysfonction diastolique. Il existe donc très souvent un gradient à l’effort méconnu au repos et la simple recherche d’un gradient au repos ne permet pas de classer les malades présentant une CMH symptomatique. Les différentes approches thérapeutiques actuelles concernant le traitement de ce gradient reposent, soit sur une approche pharmacologique, soit sur une approche non pharmacologique qui peut être ou chirurgicale, ou l’électro-entraînement ou enfin l’alcoolisation septale. Le traitement du gradient par l’approche pharmacologique Les bêtabloquants Ils sont utilisables, hormis le sotalol ; le traitement est recommandé si les patients sont symptomatiques et avec un gradient significatif. Les bêtabloquants agissent en diminuant la fréquence cardiaque et améliorant ainsi le remplissage ventriculaire gauche qui est souvent défaillant dans cette maladie. La dose thérapeutique recommandée est augmentée jusqu’à l’amélioration des symptômes et de fortes doses sont parfois utilisées pour diminuer le gradient à l’effort et permettre le contrôle de la FC si AC/FA ; la réponse clinique est décevante aux faibles doses et on note un début d’amélioration si les doses sont > 120 mg/24 h de propranolol par exemple. L’amélioration est plus nette et porte davantage sur les douleurs thoraciques que sur la dyspnée avec une dose supérieure. En l’absence d’efficacité et ou en présence de contre-indication le vérapamil peut être utilisée. Les antagonistes calciques En pratique, l’utilisation se limite au vérapamil. C’est le traitement recommandé si le patient présente des douleurs thoraciques ou s’il y a échec des bêtabloquants et/ou en cas de contre-indication et/ou d’intolérance. Le vérapamil agit en fait par des propriétés proches de celles des bêtabloquants. Habituellement dans cette indication, il est utilisé à la dose de 120 à 440 mg/24 h. Il a une action sur la symptomatologie et la tolérance à l’effort car il améliore la fonction diastolique mais il reste contre-indiqué lorsqu’il existe une maladie du sinus ou un bloc auriculoventriculaire de haut degré. Toutefois cette molécule possède des propriétés vasodilatatrices pouvant augmenter le gradient, surtout chez les patients en insuffisance cardiaque ; son utilisation est aussi contre-indiquée en cas de gradient intraventriculaire gauche chez les sujets âgés présentant une augmentation de la pression télédiastolique du ventricule gauche. Le disopyramide Il s’agit d’un antiarythmique qui modifie la cinétique du calcium, entraînant la diminution du gradient à l’effort et au repos avec des doses utilisées entre 600 et 800 mg/24 h. Il n’y a pas de recul suffisant pour le recommander de façon extensive ; si le gradient est important, on peut l’associer aux bêtabloquant. Il est conseillé d’utiliser ce traitement en association avec les bêtabloquants car, seul, il peut favoriser une augmentation de la fréquence cardiaque d’un flutter et/ou accélérer une arythmie complète par fibrillation auriculaire. L’efficacité du disopyramide s’exerce surtout par son effet inotrope négatif. Il faut connaître ses effets secondaires qui sont particulièrement handicapants pour les patients car cette molécule à des effets atropiniques. Il n’est pas recommandé d’administrer le disopyramide associé à du sotalol et/ou à de l’amiodarone en raison du risque proarythmogène. L’étude de M. Sherrid (J Am Coll Cardiol 2005 ; 45 : 1251-8) réalisée chez 118 patients ayant une obstruction a montré l’efficacité de cette association disopyramide et bêtabloquant ; par ailleurs, il existe des résultats très favorables sur le gradient chez deux tiers des patients ayant un obstacle intraventriculaire. Cette amélioration des symptômes et la réduction du gradient de 50 % sur 3 ans plaident en faveur de son utilisation et, pour ces auteurs, devrait faire considérer son utilisation avant la réalisation d’une myectomie chirurgicale ou d’une réduction septale non chirurgicale. Il s’agit là d’une approche intéressante mais les effets secondaires atropiniques du disopyramide à forte dose limitent son application. Réduction ou traitement du gradient par les méthodes non pharmacologiques La chirurgie par myotomie-myectomie Il s’agit d’une technique chirurgicale de résection transaortique au niveau du septum. Cette intervention chirurgicale doit être réalisée chez des patients en classe III et IV de la NYHA et chez qui il existe une hypertrophie ventriculaire gauche prononcée permettant une réduction septale. Ces patients doivent aussi être porteurs d’un gradient > 50 mmHg. On peut associer à la myectomie un remplacement mitral s’il y a une insuffisance mitrale organique. La mortalité annuelle de l’intervention de myotomie-myectomie isolée est faible, de l’ordre de 1 à 2 % mais seulement en cas d’équipes entraînées. Il existe des complications postopératoires qui sont rares mais rapportées, ce sont : l’insuffisance aortique, le bloc de branche gauche, le bloc auriculo-ventriculaire et/ou la perforation septale responsable d’une communication interventriculaire. Cette myotomie-myectomie bien que classique, n’est plus souvent réalisée et ce, malgré un soulagement quasi constant des symptômes.< La stimulation cardiaque Depuis les années 1990, l’implantation d’un stimulateur séquentiel a été proposée à la place de la chirurgie pour traiter les symptômes et diminuer le gradient. Plusieurs études ont été rapportées dans la littérature, en particulier l’étude multicentrique randomisée M-PATHY. Rapportée par Barry Maron (Circulation 1999 ; 99 : 2927-33), cette étude a montré une amélioration des symptômes et une réduction du gradient de 40 % (diminution du gradient de 82 mmHg à 48 mmHg, chez 57 % des patients) ; toutefois 43 % des sujets n’ont pas présenté de changement sous cette thérapeutique. Enfin et surtout, il n’existait pas d’amélioration objective des capacités à l’effort. Les résultats de la littérature montrent que la stimulation ventriculaire avec un délai auriculo-ventriculaire court peut améliorer la durée d’exercice. On peut aussi observer une amélioration des symptômes et une diminution du gradient. Toutefois, les résultats sont variables en fonction de la réalisation de cette étude, c’est-à-dire l’étude multicentrique avec stimulation et arrêt de la stimulation, mesure sans que le patient en soit informé mais surtout mesure objective des performances à l’effort. Cette thérapeutique est donc utilisable chez des patients symptomatiques et présentant un gradient mais elle nécessite une stimulation avec un intervalle de temps auriculo-ventriculaire court ; on peut s’aider pour l’obtenir des bêtabloquants et/ou de l’amiodarone. Certaines équipes font même des ablations de la conduction auriculo-ventriculaire. La stimulation asynchrone diminue les symptômes chez certains patients et diminue aussi le gradient, mais il n’existe pas de recommandation possible car les études randomisées qui ont été publiées ne montrent pas d’amélioration objective. En revanche, l’utilisation de la stimulation autorise des associations médicamenteuses très bradycardisantes qui améliorent le remplissage et donc aussi les symptômes. L’alcoolisation septale Cette technique d’infarctus provoqué, a été introduite par Ulrich Sigwart en 1980, et considérée comme assez agressive car elle présentait une mortalité notable et une forte morbidité. Elle est actuellement largement utilisée dans de nombreux centres de cathétérisme interventionnel, avec de bien meilleurs résultats. L’alcoolisation septale repose sur la reconnaissance, au cours d’une coronarographie classique, de l’artère première septale qui naît de l’artère interventriculaire antérieure. Un guide est introduit dans cette artère mais, avant de créer son occlusion, on réalise une opacification myocardique par celle-ci avec un produit iodé et/ou un produit de contraste ultrasonore. L’imagerie bidimensionnelle réalisée en salle de cathétérisme permet de voir si l’artère suspectée est bien celle qui vascularise la portion septale que l’on veut réduire. Cette technique a montré une réduction quasi-complète du gradient post-procédure, puis en raison de l’œdème, une réapparition du gradient avec une nouvelle diminution continue du gradient à 6 semaines et à long terme dans toutes les études les plus récentes. À qui s’adresse cette technique ? Aux patients présentant un gradient au repos > 30 mmHg et/ou plus généralement à des patients ayant un gradient > 50 mmHg que ce soit au repos et/ou provoqué. Quels types de provocation peuvent être utilisées ? La manœuvre de Valsalva, la stimulation post-extrasystolique et surtout l’épreuve d’effort. Les autres méthodes rapportées ne sont pas recommandées, que ce soit l’isuprel et la dobutamine IV, en particulier lors de l’échocardiographie. L’alcoolisation septale est indiquée chez les patients symptomatiques qui présentent un gradient résistant à un traitement conventionnel classique, elle n’est pas possible chez les patients porteurs d’une insuffisance mitrale organique et/ou chez ceux ayant une épaisseur du septum < 18 mm. Il est recommandé d’utiliser l’échocardiographie de contraste pour choisir et limiter la taille de l’infarctus provoqué par l’alcoolisation de la première septale. On limite ainsi la complication type bloc auriculoventriculaire qui est rencontrée dans moins de 10 % des cas. La fréquence d’une nouvelle alcoolisation septale est de l’ordre de 2 % dans les séries publiées. La diminution du gradient peut être très rapide mais chez certains patients, elle peut être plus progressive et apparaître entre 6 et 12 mois. La mortalité de cette intervention est identique à la mortalité de la myectomie, c’est-à-dire de 1 à 2 %. Cette technique fait actuellement l’objet d’évaluation et on considère que l’alcoolisation est intéressante chez les patients les plus âgés ; en revanche la myectomie aurait moins de complication et serait plus intéressante chez les patients avant 65 ans. Quelle thérapeutique choisir en pratique ? Une approche séquentielle en fonction des symptômes semble la plus adaptée. La classification des patients en deux groupes avec et sans symptôme permet de définir deux conduites : - chez les patients asymptomatiques, pas de traitement et une simple surveillance annuelle est suffisante ; - chez les patients symptomatiques, on commence par un traitement pharmacologique mais, là encore, on doit préciser quels symptômes sont présents et quel traitement proposer ? Il semble que les bêtabloquants soient le médicament idéal mais ils peuvent être mal tolérés à forte dose et/ou être contre-indiqués chez certains patients ; ils doivent faire préférer dans ce cas le vérapamil. En fonction du traitement et de l’évolution observée sous traitement, il est courant de voir une amélioration dans presque 95 % des cas ; 5 % seulement des patients restent symptomatiques. Si les patients restent symptomatiques, est-ce en rapport avec l’obstruction ? Si l’obstruction au repos est > 50 mmHg, il ne sera pas fait d’épreuve d’effort ; il faudra proposer un traitement non pharmacologique, soit l’alcoolisation septale, soit la réduction chirurgicale, soit la stimulation séquentielle. En revanche, si au repos le gradient est < 50 mmHg, il faut faire un test à l’effort. Si l’effort dévoile un gradient > 50 mmHg, il faut envisager un traitement non pharmacologique et si, à l’effort, le gradient reste < 50 mmHg, on peut adapter le traitement et surveiller le malade annuellement. Cette approche séquentielle, symptôme-risque, des patients présentant un gradient n’est absolument pas superposable à l’évaluation du risque de mort subite qui repose sur la recherche d’un certain nombre de critères, l’existence de trouble du rythme ventriculaire, une épaisseur pariétale > 30 mmHg, la notion de syncope et de pré-syncope, un antécédent de mort subite dans la famille faisant craindre une forme génétiquement mortelle. Il faudra rechercher une hypotension artérielle à l’effort qui peut être dans certains cas simplement remplacée par une tension ne montant pas à l’effort. En pratique La CMH est donc une maladie dans laquelle on peut observer un gradient intraventriculaire. L’existence d’un gradient au repos est plutôt péjorative quand il dépasse 30 mmHg. Son traitement repose encore sur un traitement classique médicamenteux. Dans les formes rebelles à tout traitement et/ou si un gradient important se développe à l’effort, on est en droit d’envisager un traitement non pharmacologique. Cette maladie reste avant tout une maladie familiale, exposée au risque de mort subite ; c’est pourquoi ces patients doivent bénéficier d’une enquête génétique et d’une évaluation du risque de mort subite. Les équipes de référence et les centres associés des maladies cardiaques héréditaires apportent une contribution importante à la réalisation de ces deux objectifs.

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