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Cardiologie interventionnelle

Publié le 26 sep 2006Lecture 11 min

Quand faire une angioplastie après thrombolyse ?

Y. LOUVARD et T. LEFEVRE, Institut Cardiovasculaire Paris Sud, Massy

L’intérêt de l’angioplastie coronaire en tant qu’intervention primaire dans le traitement de l’infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST et des syndromes coronaires aigus sans sus-décalage du segment ST a été bien démontré.
Par ailleurs la place de l’angioplastie de sauvetage après échec du traitement thrombolytique dans l’infarctus, ou de l’angioplastie complémentaire en cas de sténose résiduelle après traitement thrombolytique réussi, fait l’objet de discussions depuis le milieu des années 80.

Angioplastie et traitement thrombolytique des syndromes coronaires aigus avec sus-décalage du segment ST : avant l'ère des endoprothèses et des antiplaquettaires puissants Entre 1987 et 1991, plusieurs études ont été consacrées à l’intérêt de l’angioplastie coronaire dans les premières heures ou les premiers jours suivant le traitement thrombolytique d’un infarctus du myocarde.   Les études   Les études TAMI 1 (Thrombolysis and Angioplasty in Myocardial Infarction), TIMI II A (Thrombolysis In Myocardial Infarction) et l’European Cooperative Study Group (ECSG) ont analysé l’intérêt d’une angioplastie post-thrombolyse immédiate systématique de la lésion responsable de l’infarctus comparativement à une attitude conservatrice consistant à ne traiter cette lésion que dans les cas où elle est responsable d’un nouvel événement clinique ou s’il existe une ischémie myocardique résiduelle démontrée. Seule l’étude TAMI I montre une différence de mortalité hospitalière en faveur de l’attitude attentiste, mais la tendance est constamment en faveur du traitement conservateur, et l’addition des données des trois études cumulant plus de 950 patients montre que le traitement conservateur est associé au taux de mortalité aiguë le moins élevé (3,6 vs 6,3 %, p < 0,05). Le traitement invasif ne modifie pas le risque de nouvel infarctus même s’il y a une tendance dans le sens d’une diminution dans l’étude ECSG. Dans les études TIMI II B et SWIFT, la randomisation de deux stratégies thérapeutiques (réalisation d’une coronarographie suivie d’une revascularisation jusqu’à deux jours après le traitement thrombolytique, ou attitude conservatrice guidée par les symptômes et l’ischémie myocardique résiduelle) fait apparaître un résultat identique sans différence significative de mortalité et de réinfarctus en période hospitalière ou à six semaines. Si l’angioplastie post-thrombolyse est réalisée entre trois et neuf jours après l’infarctus (étude TOPS [Treatment Of Post-thrombolytic Stenoses]) il n’y a pas non plus de différence entre le traitement invasif et le traitement conservateur en termes de décès et d’incidence de nouvel infarctus ni de fraction d’éjection du ventricule gauche. Dans toutes ces études, l’absence de différence de mortalité et de récidive d’infarctus persiste à un an. Figure 1. Sténose serrée de la coronaire droite du segment 2 (A) ; reperméation de l’artère (B) ; résultat final (C). Pourquoi l’angioplastie n’est-elle pas efficace ?   La raison de l’inefficacité de l’angioplastie coronaire au ballon pour réduire ces événements réside sans doute dans l’absence de supériorité de perméabilité coronaire entre les patients dilatés immédiatement ou précocement et les patients traités de façon conservatrice, comme cela est montré à la fin de la période hospitalière dans l’étude TIMI II A où la perméabilité artérielle est respectivement de 81, 84 et 86 % dans les groupes angioplastie immédiate, angioplastie précoce et traitement conservateur. De plus, l’incidence des complications hémorragiques en rapport avec le point de ponction artériel est très élevée dans les stratégies invasives atteignant 41 % de complications hémorragiques de toutes causes dans l’étude ECSG. Avant l’ère des endoprothèses, la pratique d’une angioplastie d’une lésion responsable d’un infarctus du myocarde après traitement thrombolytique, et par conséquent d’une coronarographie non motivée par de nouveaux événements cliniques ou le diagnostic d’une ischémie myocardique résiduelle, est inutile. Dans le cas particulier où l’artère de l’infarctus au moment du contrôle angiographique est occluse, l’ouverture par angioplastie de sauvetage n’est recommandable que dans l’infarctus antérieur vu avant la huitième heure, comme le démontre la petite étude RESCUE (Randomized Evaluation of Salvage angioplasty with Combined Utilization of Endpoints) menée chez 150 patients où il y a une tendance vers une plus faible mortalité et une plus faible incidence d’insuffisance cardiaque dans le groupe reperfusé comparativement au groupe où l’artère n’est pas ouverte. En 2001, les recommandations ACC/AHA pour l’intervention coronaire après traitement thrombolytique de l’infarctus sont : • de classe I pour l’ischémie induite ou spontanée et l’instabilité hémodynamique dans les jours suivant le traitement, • de classe II B lorsque le patient est asymptomatique avec une artère occluse, • de classe II A lorsque la fraction d’éjection est < 40 % et le patient en insuffisance cardiaque avec arythmies ventriculaires sévères, • et enfin de classe III en l’absence d’ischémie spontanée ou induite et dans les 48 heures suivant un échec de traitement thrombolytique. Après l’arrivée des endoprothèses coronaires et de la ticlopidine et au vu des premiers résultats favorables de l’angioplastie primaire dans l’infarctus du myocarde, certains proposent le traitement systématique des sténoses résiduelles après traitement thrombolytique réussi. Par exemple, dans un groupe de 131 patients thrombolysés traités dans notre centre pour infarctus du myocarde, puis dilatés et stentés sur la lésion responsable de l’infarctus, la mortalité hospitalière a été de 4,6 %, 1,6 % en l’absence de choc avec, à deux ans, une survie sans événements (décès et récidive d’infarctus) de 90 %. Ces résultats encourageants sont appuyés par des constatations faites dans des études de grande taille concernant le traitement thrombolytique de l’infarctus. Dans l’étude ASSENT II (ASsessment of the Safety and Efficacy of a New Thrombolytic agent) publiée en 2003 et conduite dans 29 pays, il existe une relation inverse entre la mortalité à trente jours et le pourcentage de revascularisation hospitalière (tableau). De même, dans l’étude GUSTO I (Global Utilization of Streptokinase and Tissue plasminOgen activator for occluded coronary arteries), la survie à cinq ans est significativement meilleure chez les patients américains (80,4 %) que chez les patients canadiens (78,6 %, p = 0,02), alors qu’une revascularisation a été plus souvent pratiquée chez les patients américains. Après ajustement sur les caractéristiques de base des patients, la différence en défaveur des patients canadiens persiste. Après introduction de la revascularisation coronaire dans le modèle de régression, la nationalité du patient disparaît en tant que facteur de survie. Dans la métaanalyse, effectuée par Gibson et publiée en 2003, des études TIMI 4, TIMI 9A-9B, TIMI 10B, InTIME-II (TIMI 17), comportant 20 101 patients thrombolysés pour un infarctus du myocarde, la mortalité est plus basse après angioplastie qu’en son absence, que le patient ait présenté ou non une récidive d’infarctus du myocarde. La métaanalyse, réalisée et publiée par Ellis en 2000, de neuf essais contrôlés randomisés, comportant 1 456 patients et 4 registres de 917 patients, comparant la réouverture de l’artère occluse avec le traitement médical, fait ressortir une différence significative en faveur de l’angioplastie de sauvetage en termes de survenue d’insuffisance cardiaque sévère initiale, de récidive d’infarctus du myocarde, et même de survie. À l’ère des endoprothèses, les événements coronaires à moyen et à long terme sont inversement corrélés à la pratique d’une angioplastie coronaire. Figure 2. Étude ASSENT II : mortalité à 30 jours en fonction du pourcentage de revascularisation hospitalière post-thrombolyse dans 29 pays.   Bénéfice de l’angioplastie des lésions résiduelles après traitement thrombolytique de l’infarctus du myocarde : les preuves   Angioplastie de sauvetage   L’étude MERLIN (Middlesborough Early Revascularization to Limit Infarction Trial) a comparé de façon randomisée un traitement conservateur avec une angioplastie de sauvetage en cas d’échec de traitement thrombolytique diagnostiqué sur la persistance des anomalies ECG. Cette étude monocentrique conclut à l’absence de supériorité de l’angioplastie de sauvetage sur le traitement conservateur en ce qui concerne la mortalité, la récidive d’infarctus, et l’insuffisance cardiaque. L’étude est en faveur du traitement conservateur en ce qui concerne la survenue d’un accident vasculaire cérébral. Un critère combiné associant mortalité, re-angioplastie, AVC, récidive d’IDM et insuffisance cardiaque est en faveur de l’angioplastie de sauvetage. L’étude REACT (Rescue Angioplasty versus Conservative therapy or Repeat Thrombolysis) apporte des conclusions inverses : cette deuxième étude britannique multicentrique a comparé, sur des critères d’inclusion électrocardiographiques, l’intérêt du traitement médical de l’angioplastie de sauvetage ou d’un nouveau traitement thrombolytique de façon randomisée chez 431 patients. Le critère combiné associant décès, récidive d’infarctus non fatale, accident vasculaire cérébral et insuffisance cardiaque sévère, est clairement en faveur de l’angioplastie de sauvetage (11,1 %) contre, respectivement, le traitement conservateur (24,8 % p = 0,002) et un nouveau traitement thrombolytique (22,5 % p = 0,006). Quelles sont les différences entre ces deux études ? Le traitement thrombolytique est plus souvent de la streptokinase dans MERLIN et du reteplase dans REACT, un traitement anti-GPIIb IIIa a été utilisé dans 50 % des cas dans REACT et moins de 5 % dans MERLIN. Un stent a été utilisé dans 87,5 % des cas dans REACT et 50,5 % des cas de MERLIN. Enfin, l’angioplastie a été réalisée plus tardivement dans MERLIN que dans REACT. Les options thérapeutiques de REACT sont donc plus modernes que celles de MERLIN. Angioplastie complémentaire de la sténose résiduelle après traitement thrombolytique Quatre études apportent la preuve de la supériorité de l’attitude invasive sur l’attitude conservatrice guidée par l’ischémie après traitement thrombolytique de l’infarctus du myocarde : trois de ces études (SIAM III, GRACIA I, CAPITAL-AMI) ont des critères primaires cliniques et l’étude LPLS un critère de taille d’infarctus mesuré par IRM. L’étude SIAM III (Streptokinase In Acute Myocardial Infarction trial), conduite en Allemagne, a randomisé 197 patients présentant un SCA avec sus-décalage du segment ST traité par reteplase dans les douze premières heures, assignés soit au groupe de traitement angioplastie et stenting immédiats réalisés dans les six heures suivant le traitement thrombolytique, soit au traitement par stent électif deux semaines après l’infarctus. Le critère composite décès, récidive d’infarctus et nouvelle angioplastie était de 27,7 % dans le groupe stent immédiat et de 39,8 % dans le groupe stent après deux semaines (p = 0,049). Dans l’étude CAPITAL-AMI (Combined Angioplasty and Pharmacological Intervention Versus Thrombolytics Alone in AMI), 170 patients présentant un infarctus de moins de six heures traité par TNK-tPA ont été assignés par randomisation soit au traitement médical soit à une angiographie suivie d’angioplastie ou chirurgie. À trente jours le critère combiné associant décès et récidive d’infarctus, récidive d’ischémie coronaire instable et accident vasculaire cérébral était de 21,4 % dans le groupe médical et de 9,3 % dans le groupe revascularisation (p = 0,03). Dans l’étude GRACIA I (GRupo de Analisis de la Cardiopatia Isquemica Aguda), la plus importante (500 patients), les patients présentant un infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST de moins de 12 h traités par r-tPA, ont été assignés par randomisation soit à une angiographie coronaire dans les 24 h suivie d’une revascularisation par angioplastie ou par chirurgie lorsqu’elle était possible, soit à une angiographie coronaire avant la sortie de l’hôpital, exclusivement si le patient présentait une ischémie myocardique spontanée ou déclenchée. Le critère primaire associant décès, récidive d’infarctus et nouvelle revascularisation n’a pas montré de différence significative entre les deux groupes durant la période hospitalière puis à trente jours. En revanche, il existe une différence en faveur de l’attitude interventionnelle en ce qui concerne l’incidence de l’événement combiné entre la sortie de l’hôpital et le trentième jour (0,8 % dans le groupe interventionnel, 3,7 % dans le groupe conservateur, p = 0,003). L’étude LPLS (Leipzig Pre-Hospital Lysis Study), montre, après thrombolyse préhospitalière par une demi-dose de reteplase associé à de l’abciximab, l’avantage de l’attitude interventionnelle comparativement au traitement conservateur en ce qui concerne la taille de l’infarctus mesurée à 6 mois par IRM : 6,7 % de la masse ventriculaire dans le groupe interventionnel, 11,6 % de la masse ventriculaire dans le groupe médical (p < 0,005). Aucune de ces quatre études ne montre de différence significative de mortalité, mais la tendance est toujours en faveur de la stratégie interventionnelle.   Les nouvelles recommandations Les recommandations de l’European Society of Cardiology publiées en mars 2005 placent l’angioplastie de sauvetage (rescue PCI) en classe IB et l’angioplastie systématique de sténose postthrombolyse dans les 12 à 24 premières heures, qualifiée de prognostic PCI dans la classe IA.   Les résultats récents de l’étude ASSENT 4 PCI modifient-ils ces recommandations ? Cette étude multicentrique randomisée mondiale a comparé l’angioplastie primaire de l’infarctus du myocarde avec une angioplastie facilitée par un traitement thrombolytique par le TNK-tPA à dose complète. Cette étude a été interrompue du fait d’un excès de mortalité dans le groupe « angioplastie facilitée » à 30 jours (6 vs 3,8 %, p = 0,04). Cet excès de mortalité est associé à un excès de récidive d’IDM, d’occlusion de l’artère dilatée et de nouvelle intervention. L’analyse de sous-groupe révèle cependant que le lieu de début du traitement médical influe sur la mortalité de l’angioplastie coronaire « facilitée » mais pas celle de l’angioplastie coronaire primaire (peu sensible au délai, ce qui est déjà connu) : la mortalité est plus que doublée lorsque le TNK-tPA est administré dans l’hôpital où sera réalisée l’angioplastie (7,3 % pour l’angioplastie facilitée vs 3,8 % pour l’angioplastie primaire) par rapport à une administration dans une ambulance (3,1 % pour l’angioplastie facilitée vs 3,7 % pour l’angioplastie primaire). En France, où le traitement préhospitalier est fréquent, la tendance est en faveur de l’angioplastie facilitée. Rien dans cette étude ne remet en cause l’intérêt de pratiquer une angioplastie coronaire après traitement thrombolytique de l’infarctus du myocarde.   Quelle angioplastie coronaire en post-thrombolyse ? L’étude ASSENT 4 PCI (Assessment of the Safety and Efficacy of a New Treatment Strategy for Acute Myocardial Infarction) met en lumière le premier point important pour la pratique de l’angioplastie coronaire à la phase aiguë de l’infarctus : le risque hémorragique non cérébral ; 31,3 % des patients du groupe TNK ont eu une complication hémorragique contre 23,4 % dans le groupe angioplastie primaire. Les pourcentages de complications majeures non cérébrales ont été respectivement de 5,7 et 4,4 %, celui des transfusions de 6,2 et 4,2 %. La pratique de l’angioplastie par voie radiale élimine pratiquement le risque lié à l’abord vasculaire. En ce qui concerne la pratique de l’angioplastie elle-même, diverses techniques sont utilisées pour réduire le risque embolique microvasculaire et permettre une meilleure reperfusion myocardique, dont l’influence sur la mortalité et l’évolution de la fonction ventriculaire est importante. Ainsi, la mise en place d’un stent sans prédilatation avec un ballon permet-elle la réduction d’un score embol macroscopique + no-reflow + réascension du segment ST. Des instruments d’aspiration utilisés avant la mise en place du stent, tels l’X-Sizer ou l’Export, permettent une meilleure diminution du sus-décalage du segment ST, l’utilisation d’adénosine ou de vérapamil est utile pour limiter le phénomène de no-reflow (pas de reperfusion microvasculaire). La question du traitement ou non des lésions coronaires non responsables de l’infarctus reste ouverte.   Que faire après le traitement thrombolytique de l’infarctus du myocarde ? Conduire le patient dans un centre de cardiologie interventionnelle pour réaliser une coronarographie, au mieux par voie transradiale, le plus vite possible s’il n’y a pas de preuve de reperfusion myocardique, afin de traiter avec une endoprothèse l’occlusion persistante ou la sténose résiduelle de l’artère responsable de l’infarctus du myocarde.

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