Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 09 juin 2009Lecture 4 min
Quand proposer l'implantation d'un défibrillateur dans une cardiomyopathie hypertrophique ?
J.-F. LECLERCQ, Paris et Le Chesnay
S’il y a une pathologie où les rythmologues interventionnels n’ont pas les idées très claires, c’est bien la cardiomyopathie hypertrophique (CMH)… puisque la sacro-sainte fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) qui leur sert habituellement de guide pour les implantations de défibrillateur est ici normale ou augmentée. Il faut donc essayer de réfléchir et de faire le catalogue de nos connaissances.
Ce que nous savons
– La CMH est une pathologie fréquente (2 pour 1 000 si l’on admet la définition commune d’un septum > 15 mm).
– La mort subite est la façon de mourir la plus habituelle dans la CMH (plus de la moitié des cas contre un tiers environ dans l’insuffisance cardiaque). Sa prévention doit donc être la préoccupation majeure du cardiologue (et du patient…).
– Elle est liée à une fibrillation ventriculaire (FV) et non à l’obstruction de la chambre de chasse. Elle survient à l’effort dans la majorité des cas.
– Aucun traitement autre que le défibrillateur n’a pu démontrer de réduction du risque de mort subite dans cette pathologie. En particulier aucun traitement du gradient, que ce soit les bêtabloqueurs, les anticalciques, la chirurgie, le PM avec délai AV court ou l’infarctus expérimental que réalise l’embolisation septale, aucun ne prévient la mort subite. Ce sont des traitements des symptômes, pas plus… (mais pas moins, nous sommes là aussi pour traiter les symptômes des patients).
Un patient avec CMH qui a été récupéré d’une FV doit être implanté car son risque de récidive est élevé (33 % à 7 ans, soit la durée de vie de la prothèse).
La CMH est la seule indication de classe I du défibrillateur implantable, selon les recommandations en vigueur.
Mais si personne ne discute ce dernier point, la décision d’implantation prophylactique est, elle, bien difficile, d’autant plus qu’il s’agit de sujets jeunes dont l’espérance de vie est a priori longue. Et là, il va bien falloir faire le catalogue de nos insuffisances.
Les facteurs de risque
La génétique de la CMH est franchement complexe et sans utilité pratique. Pour une même protéine contractile atteinte, la gravité est très variable selon la mutation en cause. Plutôt que de faire un test génétique, mieux vaut rechercher les morts subites dans la famille, c’est plus rapide, plus simple et moins cher. Le problème est que c’est peu discriminant : le risque relatif est estimé à 2, la valeur prédictive positive à 28 %.
La présence de salves de TV est un facteur de risque de mort subite. Mais beaucoup de CMH ont des salves au Holter (20-25 %, surtout si on le répète), et la valeur prédictive positive de ce signe est faible. En revanche, s’il n’y a jamais de salve de TV sur des Holters répétés, c’est très rassurant.
Un énorme septum (> 30 mm) est aussi un facteur de risque reconnu. Mais de nombreuses morts subites sur CMH font moins de 30 mm… Ici, c’est la valeur prédictive négative qui est mauvaise.
La syncope est un facteur de risque évident, surtout si elle survient à l’effort. C’est vrai en particulier chez les sujets jeunes (< 45 ans) : dans ce cas, on a un risque relatif de 2 et une valeur prédictive positive de 25 % pour la survenue d’une mort subite.
La réponse anormale de la pression artérielle à l’épreuve d’effort est un signe de description plus récente, puisque cet examen était il y a peu considéré comme contre-indiqué dans la CMH. Si la PA monte de moins de 20 mmHg au pic de l’effort, on a un risque relatif de mort subite de 1,8. En fait, cet examen vaut surtout pour sa bonne valeur prédictive négative.C’est la combinaison de ces 5 facteurs de risque identifiés par consensus d’experts qui a été retenue comme base des indications de défibrillateur prophylactique dans la CMH. Dans la plus grande série publiée, 55 % des patients n’ont aucun de ces facteurs : leur risque de mort subite est < 1 % par an. Avec un facteur (33 % des patients), il passe à 1,2 % par an, et avec deux il est de 3 % par an.
Une analyse au cas par cas
Ainsi, les recommandations en vigueur, tant françaises qu’américaines, proposent de mettre un défibrillateur prophylactique à toute CMH ayant au moins un facteur de risque. Cette recommandation de classe II a est difficile à mettre en œuvre en pratique. Il est plus aisé de prescrire un défibrillateur aux patients qui ont deux ou trois facteurs de risque qu’à tous ceux qui n’en ont qu’un…
Y a-t-il d’autres facteurs de risque potentiels non pris en compte dans ces recommandations ?
Certainement oui :
• L’un des plus évidents étant la fibrillation auriculaire paroxystique, dont on sait qu’elle est très mal tolérée dans la CMH et qu’elle peut, à elle seule, précipiter la mort subite par FV.
• La détermination du gradient intraventriculaire joue, quant à elle, un rôle mineur, et il n’y a pas de différence majeure entre CMH et CMO au plan du risque rythmique (c’est bien pour cela que les traitements du gradient ne préviennent pas la mort subite).
• L’autre facteur de risque rythmique est la fragmentation de la réponse ventriculaire à l’extrastimulus lors de la stimulation ventriculaire programmée. Techniquement un peu difficile à rechercher, sa valeur a été soulignée lors d’une étude coopérative récente.
En pratique
Dans l’avenir, la recherche de l’hypoperfusion au PET-scan ou de la fibrose à l’IRM au gadolinium pourrait apporter des éléments pronostiques supplémentaires.
Pour l’instant, force est de se contenter de ces sept (5 + 2) facteurs pronostiques identifiés, la décision d’implantation étant très individuelle et à discuter avec le patient au cas par cas.
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