Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 30 sep 2008Lecture 4 min
Quel antiarythmique utiliser pour réduire une fibrillation atriale ?
J.-Y. LE HEUZEY, A. LEPILLIER, X. WAINTRAUB, A. OTMANI, T. LAVERGNE et M. PORNIN, hôpital Georges Pompidou, Paris
Avant de se poser la question du choix de l’antiarythmique à utiliser pour réduire une fibrillation atriale, il faut savoir s’il est effectivement nécessaire de la réduire. Rappelons que plus de la moitié des épisodes de fibrillation atriale vont se réduire spontanément dans les 48 heures. Il y a certainement à notre avis un abus actuel dans l’utilisation des thérapeutiques de cardioversion qui fait penser que cette notion est finalement assez peu répandue. De plus, dans une grande majorité de cas, la tolérance est satisfaisante et il n’y a donc pas d’urgence à réaliser cette cardioversion. Par ailleurs, un certain nombre de fibrillations atriales justifient du simple contrôle de la fréquence et seront donc respectées.
Cardioversion électrique ou pharmacologique ?
Si la décision de réduire est prise, par exemple dans le cas où il s’agit d’une fibrillation atriale (FA) persistante (rappelons que, par convention, les recommandations proposent un délai de 7 jours pour considérer qu’il ne s’agit plus d’une fibrillation paroxystique mais d’une fibrillation persistante), le choix qu’il faut faire est celui de la cardioversion électrique ou pharmacologique.
La cardioversion électrique présente l’avantage d’une sûreté importante et l’inconvénient du risque, même s’il est mineur, d’une anesthésie générale. Il existe par ailleurs de plus en plus souvent actuellement (on peut le regretter) des difficultés logistiques en rapport avec l’anesthésie générale : nécessité d’une consultation pré-anesthésique, nécessité d’une disponibilité suffisante d’un anesthésiste…
Si le choix d’une cardioversion pharmacologique est fait, deux situations différentes peuvent s’envisager, selon la tolérance de la fibrillation.
Si la FA est bien tolérée, la plupart des cardiologues français utilisent la cardioversion par l’amiodarone orale, même s’il existe relativement peu de preuves en termes d’« evidence based medicine » de cette efficacité. Cette technique a le mérite, si elle est réalisée correctement, d’une bonne efficacité et d’une sécurité suffisante. Étant donné la demi-vie longue de l’amiodarone, il est nécessaire d’utiliser une « dose de charge ». Il avait été proposé des doses de charge relativement importantes, de l’ordre de 30 mg/kg, ce qui implique de donner une douzaine de comprimés dans la même journée. Personnellement, nous considérons que ce type de dose de charge est quelque peu excessif, la problématique étant d’une éventuelle réduction d’une FA qui cachait un déficit sinusal sous-jacent. Si ce déficit existait et était important, l’ajout de l’amiodarone va entraîner une bradycardie qui peut être marquée et qui va persister plusieurs jours en raison de la demi-vie longue de l’amiodarone. Nous sommes donc plutôt partisans d’une dose de charge « modérée » en envisageant une vingtaine de comprimés dans la semaine. Un moyen mnémotechnique est de proposer 6, puis 5, puis 4, puis 3, puis 2, puis 1 comprimé par jour, ce qui approche la vingtaine de comprimés dans la semaine.
Il est nécessaire d’utiliser une « dose de charge ».
L’habitude est souvent d’associer de la digitoxine. Aucun essai clinique n’a montré que la digitoxine en elle-même est capable de réduire la FA. Par contre, elle permet un ralentissement relativement rapide de la fréquence cardiaque qui donne en général une meilleure tolérance, la plupart des symptômes, au départ de la FA, étant autant en relation avec la rapidité du rythme cardiaque qu’avec son irrégularité.
Il est possible également de réduire une FA grâce aux antiarythmiques de classe I, utilisés ici par voie orale, qu’il s’agisse du flécaïnide ou de la propafénone. Cette technique a été proposée notamment par Alboni en Italie sous le terme « pill in the pocket ». L’étude d’Alboni avait été faite dans des conditions bien particulières : les patients étaient hospitalisés, la réduction était effectuée par voie orale et, s’il s’avérait qu’elle était efficace et sûre, le conseil donné au patient était de le refaire lui-même à domicile. Rappelons que cette possibilité n’existe pas dans le libellé du résumé des caractéristiques des produits antiarythmiques de classe I, donc dans leur autorisation de mise sur le marché.
Si la tolérance de la FA est plus mauvaise. Ou s’il y a une nécessité de réaliser rapidement la cardioversion pharmacologique, il est possible d’utiliser l’amiodarone intraveineuse. Il faut rappeler que celle-ci ne doit être administrée que par un cathéter central et qu’il est toujours préférable d’utiliser une perfusion continue lente plutôt qu’une perfusion trop rapide. L’amiodarone peut être utilisée chez le sujet insuffisant cardiaque. Cependant, dans sa forme intraveineuse, le solvant peut avoir des effets inotropes négatifs et hypotenseurs. Elle doit donc être administrée avec beaucoup de précaution.
Par ailleurs, le flécaïnide intraveineux est également capable de réduire des FA. On ne dispose pas en France de forme intraveineuse de la propafénone.
Il y a également la possibilité d’utiliser l’ibutilide, antiarythmique de classe III administrable par voie intraveineuse. Son efficacité pour la réduction des FA est réelle, mais le médicament comporte un risque potentiel de torsades de pointes.
Un nouveau médicament est en cours de développement dans cette indication. Il s’agit également d’un antiarythmique de classe III mais qui est relativement spécifique de l’oreillette ; le risque de torsades de pointes apparaît donc beaucoup plus faible, il s’agit du vernakalant.
En pratique
Au terme de cette revue des différents antiarythmiques qui peuvent être utilisés pour réduire une FA, il est nécessaire d’insister sur la nécessité d’une anticoagulation efficace pour réaliser ces cardioversions pharmacologiques. Il peut s’agir soit d’une anticoagulation par antivitamine K en demandant un INR suffisamment élevé, au moins égal à 2.
Il peut également s’agir d’une anticoagulation par une héparine parentérale après avoir vérifié par un échocardiogramme transœsophagien l’absence de thrombus intraauriculaire. Rappelons, à ce propos, que les héparines de bas poids moléculaires n’ont pas, dans leur libellé d’autorisation de mise sur le marché, de précision spécifique sur la cardioversion. Ce n’est pas le cas non plus de l’héparine non fractionnée mais le libellé est plus large, permettant d’inclure ce type de prescription. La place des héparines de bas poids moléculaire dans la FA est cependant plus importante actuellement, autorisée sous certaines conditions dans les recommandations ACC/AHA/ESC de 2006.
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