Diabéto-Cardio
Publié le 11 nov 2008Lecture 7 min
Quel antidiabétique chez l'insuffisant cardiaque ?
P. VALENSI, Service d’Endocrinologie-Diabétologie-Nutrition, Hôpital Jean Verdier, Bondy
Les glitazones sont une nouvelle classe d’antidiabétiques oraux qui peuvent induire une insuffisance cardiaque. Or, ces médicaments sont dotés d’effets vasculoprotecteurs, comme en témoignent des études portant sur des critères intermédiaires de risque cardiovasculaire ; dans l’étude ProActive, l’incidence des complications ischémiques (infarctus du myocarde, décès cardiovasculaire, AVC) était réduite sous pioglitazone. Quant à la rosiglitazone, après une période de tourmente générée par une métaanalyse fort commentée et critiquée portant sur des essais contrôlés, dont certains de très petite taille, qui suggérait qu’elle pouvait induire une augmentation des infarctus et des décès cardiovasculaires, des nouvelles plus rassurantes ont été ensuite apportées. Mais une prise de poids se produit régulièrement chez les patients traités par glitazones et peut poser problème en particulier chez un patient en IC. Nous nous appuierons ici sur des études observationnelles et quelques études contrôlées pour proposer des stratégies de traitement antidiabétique chez le diabétique avec IC ou à risque d’IC.
Le pourcentage de diabétiques parmi les patients insuffisants cardiaques progresse davantage que le diabète dans la population générale. Le risque d’insuffisance cardiaque (IC) est multiplié par deux à trois chez les diabétiques. Le rôle du déséquilibre glycémique est démontré avec une augmentation du risque d’IC de 8 à 30 % selon les études, pour une augmentation de 1% du taux d’HbA1c.
Les recommandations concernant l’équilibre glycémique sont de plus en plus exigeantes avec des objectifs d’HbA1c qui devraient être < 7 % voire 6,5 %, et ce dans un but de prévention des complications micro- et macrovasculaires du diabète. Cela implique le plus souvent d’associer, chez les diabétiques de type 2, deux ou trois antidiabétiques oraux, éventuellement en combinaison avec l’insuline. Les stratégies thérapeutiques et les médicaments doivent être bien tolérés au long cours, en particulier sur le plan cardiaque. Des précautions d’emploi doivent être respectées, même si les niveaux de preuve ne sont pas très élevés.
Incidence de l’insuffisance cardiaque sous traitement antidiabétique
Selon une métaanalyse rassemblant des études contrôlées, le risque d’IC serait de 1,41 sous pioglitazone comparativement au placebo. Une autre métaanalyse suggère qu’au cours de traitements ne dépassant pas 6 mois, le risque d’IC n’est augmenté sous rosiglitazone que si elle est associée à deux autres antidiabétiques oraux ou à l’insuline. Lorsque le traitement dépasse 12 mois, le risque d’IC sous glitazones serait augmenté de 74 % par rapport au placebo. Il est clair toutefois que ce risque est nettement plus élevé en cas d’IC préexistante ou chez des patients ayant des antécédents cardiovasculaires (tableau).
Par contre, il n’existe pas d’augmentation de la mortalité cardiaque sous glitazones et, selon l’étude ProActive, la mortalité après survenue d’une IC serait plus faible sous pioglitazone que sous placebo, ce qui suggère fortement que l’IC est moins grave lorsqu’elle est induite par une glitazone que lorsqu’elle survient de façon spontanée chez un diabétique.
Selon des études observationnelles portant sur des milliers de diabétiques, l’incidence d’une IC serait plus faible sous metformine que sous glitazones et nettement plus élevée sous sulfamides hypoglycémiants ou sous insuline.
Une étude de cohorte de patients qui avaient été hospitalisés pour IC fait état d’une mortalité plus faible sous metformine ou glitazones que sous d’autres antidiabétiques oraux, mais d’un taux de réadmissions pour IC plus élevé sous glitazones que sous metformine. Une métaanalyse portant sur des études randomisées et des études de cohortes confirme que, comparativement aux autres traitements antidiabétiques, le taux de réadmissions pour IC est plus élevé mais la mortalité totale moindre sous glitazones, et indique également des taux plus faibles à la fois de réadmissions et de décès sous metformine.
Les œdèmes sont fréquents sous glitazones et ne relèvent d’une IC que dans une faible proportion de cas. Ils apparaissent chez 3 à 5 % des patients en monothérapie, plus fréquemment si la glitazone est associée à d’autres antidiabétiques oraux, et même dans 15 % des cas si la glitazone est associée à l’insuline. Ils sont liés à des effets sur la circulation périphérique (augmentation du flux sanguin et perturbation de la circulation lymphatique) et à une augmentation de la réabsorption tubulaire de sodium. L’incidence d’une IC est bien plus faible, < 1 % en monothérapie pour atteindre 1 à 3 % si la glitazone est associée à l’insuline. Le contraste entre un taux élevé de réadmissions pour IC et une moindre mortalité va bien dans le sens d’un effet lié à la surcharge volémique et plaide contre un effet cardiotoxique.
L’incidence plus élevée d’une IC sous insuline a amené à soupçonner son rôle dans le déclenchement d’une IC mais pourrait s’expliquer par la prescription d’insuline chez des diabétiques ayant des comorbidités plus importantes.
Quant aux sulfamides, leur rôle éventuel dans le déclenchement d’une IC a été soupçonné avec les sulfamides plus anciens et non avec les sulfamides « modernes ».
Enfin, il faut regretter l’absence d’études contrôlées testant les différentes classes de traitements antidiabétiques chez l’IC.
Évolution échocardiographique sous traitement antidiabétique oral
Chez des diabétiques de type 2 asymptomatiques, il n’a pas été observé de modifications significatives de la masse, du volume télédiastolique ni de la fraction d’éjection du ventricule gauche comparativement au glibenclamide. Une étude réalisée chez des diabétiques de type 2 ayant fait une IC congestive, mais au grade I-II de la NYHA au moment de l’inclusion, a mis en évidence une augmentation significative mais modérée du BNP sous rosiglitazone comparativement au placebo, une recrudescence des œdèmes et de la dyspnée, mais à un degré qui ne témoignait pas d’une IC sévère selon l’investigateur. Des traitements diurétiques avaient été prescrits plus souvent sous rosiglitazone. L’évolution clinique rassurante était en accord avec l’absence de modification échocardiographique défavorable. Une étude comparable réalisée avec la pioglitazone comparée au glibenclamide chez des patients ayant une dysfonction systolique, au grade II-III de la NYHA, va dans le même sens.
Ces études sont encore cohérentes avec le rôle joué par les glitazones dans le déclenchement d’une poussée d’IC par inflation volémique (figure).
Figure. L’abaissement de la fraction d’éjection se voit surtout après un infarctus du myocarde. Il est tardif dans la cardiomyopathie diabétique à lumière coronaire apparemment saine.
En pratique, quel traitement antidiabétique chez l’insuffisant cardiaque ?
Tout patient diabétique doit maintenant bénéficier d’une intensification thérapeutique visant un contrôle glycémique optimal, en recourant à des stratégies thérapeutiques dépourvues de risque cardiaque et ne provoquant pas d’hypoglycémie sévère.
La metformine est classiquement contre-indiquée dans l’IC mais ne semble pas présenter d’inconvénients d’après les études récentes. Il faut mentionner que sa contre-indication dans l’IC a été levée par la FDA en novembre 2006. Si sa prescription est envisagée, elle ne devra l’être qu’en présence d’un état hémodynamique stable et chez un patient ayant une clairance de la créatinine > 60 ml/min, compte tenu du risque d’acidose lactique.
Des sulfamides comme le gliclazide peuvent être prescrits même chez un patient âgé.
Les médicaments agissant principalement sur la glycémie post-prandiale : l’acarbose peut être prescrit sans risque et certaines études suggèrent même qu’il apporterait un bénéfice dans la prévention des infarctus ; le repaglinide a pour avantages une demi-vie courte et de pouvoir être prescrit chez le sujet âgé.
L’insuline est souvent incontournable à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde. Selon l’étude DIGAMI-2, elle n’est pas indispensable au long cours, l’essentiel étant d’atteindre l’équilibre glycémique optimal en recourant éventuellement à un traitement antidiabétique oral. Il faut insister toutefois sur le risque avec l’insuline de majorer la surcharge volémique, surtout si elle est associée à une glitazone.
Les nouveaux antidiabétiques, de la famille des incrétines, qui se distinguent entre incrétinomimétiques comme l’exénatide (par voie injectable) et incrétinopotentialisateurs, les inhibiteurs de la DPP-4 comme la sitagliptine (par voie orale), abaissent principalement la glycémie post-prandiale mais également la glycémie à jeun. L’exénatide induit une perte de poids, améliore les paramètres lipidiques et aurait des effets favorables sur l’endothélium et la fonction myocardique. Elle n’a toutefois pas encore été testée dans de grandes études chez l’IC.
Glitazones. Insistons sur le risque d’IC sous glitazones et sur l’importance d’évaluer les risques de décompensation avant toute prescription : IC préexistante, maladie coronaire, hypertrophie ventriculaire gauche, préexistence d’œdèmes ou d’une insuffisance rénale, et aussi âge > 70 ans. Chez les patients à risque d’IC, la prescription de glitazones doit être prudente en commençant par de petites doses, en évitant l’association à l’insuline et en guettant la survenue d’œdèmes. Si des œdèmes apparaissent, ils ne sont pas nécessairement en relation avec une IC. L’examen clinique, le dosage du BNP et l’échocardiographie permettront de retenir ou non le diagnostic d’IC.
La démarche logique en cas de survenue d’œdèmes ou d’une IC consiste à arrêter la glitazone et à recourir à un diurétique. À cet égard, mentionnons que la spironolactone serait plus efficace que le furosémide ou un diurétique thiazidique.
Les traitements anti-obésité constituent certainement un recours intéressant chez le diabétique de type 2. Le rimonabant, avec le respect des contre-indications liées à tout état dépressif, améliore l’équilibre glycémique. Cet effet est lié pour moitié à la perte de poids et pour moitié à une augmentation de la sensibilité à l’insuline. Il n’existe toutefois pas à ce jour de données indiquant sa sécurité d’emploi chez l’IC.
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