Publié le 08 avr 2008Lecture 7 min
Quel est l'intérêt de l'exploration du cœur droit en USIC ?
J.-M. TARTIÈRE, hôpital Lariboisière, Paris
La prise en charge diagnostique et thérapeutique des patients en unité de soins intensifs cardiologiques (USIC) est associée à des délais d’intervention de plus en plus courts, du fait de la concentration actuelle des plateaux techniques et des compétences, et de la nécessité d’équilibrer l’offre et la demande de lits d’USIC. Dans ce contexte, l’examen écho-Doppler pratiqué au lit du malade est souvent rapide et orienté vers une évaluation préférentielle du cœur gauche, le cœur droit ne faisant pas l’objet d’une analyse systématique.
Cette attitude est compréhensible compte tenu de la faible prévalence d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque droite isolée : l’insuffisance cardiaque aiguë ne représente que 3,2 % des hospitalisations(1). Toutefois, l’analyse du cœur droit peut être aisément intégrée à cette échographie Doppler pratiquée en USIC, en utilisant des critères simples. De plus, l’évaluation rapide du cœur droit est susceptible de modifier à la fois la prise en charge du patient et l’appréciation initiale de son pronostic.
L’analyse par écho-Doppler du cœur droit passe par une compréhension de ses particularités hémodynamiques, par une évaluation morphologique, fonctionnelle et par l’appréciation des conditions de charge.
Les particularités hémodynamiques du ventricule droit
Le ventricule droit (VD) est un ventricule tripartite comprenant une chambre d’admission (proche de l’anneau tricuspide), une chambre musculaire d’éjection trabéculée (dont le septum interventriculaire) et une chambre de chasse (l’infundibulum pulmonaire). Ce ventricule est porteur d’une valve atrioventriculaire à trois feuillets (tricuspide), à distance de la valve artérielle pulmonaire (discontinuité tricuspido-pulmonaire). Sa géométrie non ogivale et sa valve tricuspide permettent un fonctionnement optimal à basse résistance (circulation pulmonaire) avec le risque, en cas d’augmentation des résistances d’aval, de voir apparaître une défaillance systolique VD et une insuffisance tricuspide. Physiologiquement, la contraction du VD est environ simultanée de celle du ventricule gauche (VG).
La présence d’une enveloppe péricardique rigide entraîne une interdépendance VD/VG par l’intermédiaire de la cloison commune qu’est le septum interventriculaire (SIV).
Ainsi, lorsque la durée d’éjection VD est prolongée (en raison d’une augmentation des résistances pulmonaires), le VD est susceptible de poursuivre son mouvement de contraction alors même que la contraction VG est terminée, créant ainsi une inversion du gradient de pression VD/VG avec une incursion télésystolique du SIV dans le VG (figure 1).
Figure 1. Coupe TM : septum paradoxal.
Dans le cas d’une surcharge de volume par une insuffisance tricuspide ou pulmonaire importante ou un shunt important gauche-droit, sans anomalie des résistances périphériques, cette interdépendance se révèle par une incursion holodiastolique du SIV dans le VG (figure 1). Toutefois, dans les formes les plus sévères de surcharge barométrique, la dilatation VD occasionnée, plus ou moins associée à une fuite tricuspide importante entraîne, là aussi, une incursion holodiastolique du SIV dans le VG.
Évaluation morphologique
Cette première partie de l’écho-Doppler a principalement pour but de définir le caractère dilaté et/ou hypertrophié du ventricule droit (tableau).
L’incidence parasternale grand axe en coupe TM permet de mesurer le diamètre télédiastolique du VD (figure 2). Un diamètre normal n’excède pas 26 mm, et au-dessus de 30 mm la dilatation peut être affirmée. Cette même mesure peut être réalisée en voie sous-costale en utilisant les mêmes normes. La deuxième incidence permettant de définir le caractère dilaté ou non du VD est la voie apicale 4 cavités. Un rapport des diamètres VD/VG > 0,9 ou un rapport des surfaces > 0,6 est également évocateur d’une dilatation. Ces rapports ont toutefois pour très grand désavantage de n’être réalisables qu’en l’absence de dilatation du VG.
Figure 2. Épaississement VD et VG (amylose).
Ces mêmes incidences permettent de mesurer l’épaisseur du VD, qui n’excède pas 5 mm chez le sujet sain. Lors de la mesure, il est important de ne prendre en compte que le myocarde compacté (exclusion des trabécules). Au-delà de 5 mm d’épaisseur, l’hypertrophie ventriculaire droite peut être affirmée (figure 2). La présence d’une hypertrophie signe généralement le caractère chronique de la pathologie (cœur pulmonaire chronique, infiltration myocardique, etc.).
Évaluation fonctionnelle
Cette deuxième partie de l’écho-Doppler, plus complète, a pour but de définir la présence d’une anomalie de contractilité globale ou segmentaire, et de détecter une éventuelle valvulopathie droite sévère.
Fonction systolique globale VD
Compte tenu de la forme du VD, aucune approximation géométrique, comme pour le VG, n’est utilisable en pratique courante pour évaluer la fraction d’éjection ventriculaire droite (FEVD). Deux techniques simples permettent toutefois d’évaluer la fonction systolique globale du VD au lit du malade.
La plus simple, réalisable sur tous les appareils d’échocardiographie, est la mesure de l’excursion systolique du plan de l’anneau tricuspide (TAPSE pour tricuspid annular plane systolic excursion). Cette mesure est effectuée en coupe apicale 4 cavités, en défilement TM sur l’anneau tricuspide. Une valeur normale semble être supérieure à 15 mm et une valeur inférieure à 14 mm est associée à un mauvais pronostic dans l’insuffisance cardiaque chronique(2). De plus, ce paramètre semble parfaitement corrélé à la FEVD quelle que soit la pathologie myocardique ou pulmonaire sous-jacente.
Le deuxième paramètre utilisable est la mesure des vélocités tissulaires en Doppler ; une vélocité < 11,5 cm/s est associée à une FEVD < 45 %(3). L’ensemble de ces paramètres, comme la FEVD, sont toutefois davantage des marqueurs du couple ventriculo-artériel que des marqueurs purs de contractilité, puisqu’ils sont dépendants de la postcharge.
Fonction systolique segmentaire
L’analyse de la cinétique segmentaire du VD reste difficile en USIC comme en salle d’écho-Doppler, principalement en raison des difficultés à obtenir des coupes standardisées sans interposition gazeuse ou osseuse.
La pathologie associée en USIC à une anomalie de la cinétique segmentaire du VD est l’infarctus du myocarde (IDM) avec extension VD.
Cette forme particulière d’infarctus peut être reconnue sur l’électrocardiogramme par un sus-décalage du segment ST en V4R de plus de 1 mm, ou par une akinésie, le plus souvent du plancher ou de la paroi libre du VD. Toutefois, la méthode la plus sensible pour détecter cette complication reste l’analyse du flux d’insuffisance pulmonaire (IP) (figure 3). La présence d’un temps de demi-décroissance (T1/2) de l’IP < 150 ms ou d’un rapport Vmin/Vmax ≤ 0,5 permet une précision diagnostique plus forte que l’analyse clinique, l’ECG ou l’analyse de la cinétique du VD(4). De plus, cette anomalie écho-Doppler peut persister plusieurs jours après l’infarctus, au contraire des signes électriques. La reconnaissance de cet IDM avec extension au VD est d’une importance capitale ; en raison de son pronostic péjoratif, mais également parce qu’il peut motiver la pratique, même tardive, d’une coronarographie avec angioplastie. Cet aspect en « dip » est toutefois commun aux situations d’adiastolie dont l’infarctus VD n’est pas la seule étiologie.
Figure 3. Analyse du flux pulmonaire.
Détection d’une valvulopathie droite
Dans l’immense majorité des cas, la valvulopathie sévère diagnostiquée est une insuffisance tricuspide (IT). Si elle est généralement simplement secondaire à la présence d’une cardiopathie droite plus ancienne (cœur pulmonaire chronique, HTAP pré- ou postcapillaire sévère, etc.), il peut arriver que la valvulopathie soit le primum movens comme lors d’une endocardite ou du suivi d’une tumeur carcinoïde.
L’évaluation de la sévérité de la valvulopathie par la méthode de la PISA reste la plus fiable (IT importante pour SOR > 40 mm2 et VR > 45 ml). L’analyse du flux des veines sus-hépatiques est également d’une grande utilité, en objectivant la présence d’un reflux systolique franc et permanent. La découverte d’une valvulopathie pulmonaire est beaucoup plus rare.
Évaluation des conditions de charge
Volémie et pressions de remplissage VD
L’analyse des variations de diamètre de la veine cave est un outil simple et efficace en USIC permettant d’évaluer de manière grossière mais finalement assez juste la POD (tableau).
Si l’utilisation du Doppler tissulaire à l’anneau est un outil précieux dans l’évaluation des pressions de remplissage VG, cela reste en pratique difficile sur le VD, principalement en raison des grandes variations respiratoires de E’ et de la qualité souvent mauvaise du flux antérograde tricuspide en Doppler conventionnel. L’analyse du flux veineux sus-hépatique peut également renseigner rapidement sur l’élévation des pressions de remplissage VD avec l’inversion du rapport S/D et la présence d’une grande onde A inverse.
Pressions pulmonaires
L’évaluation des pressions artérielles pulmonaires est une étape majeure de l’analyse du cœur droit. La valeur la plus aisée à recueillir est le gradient systolique pulmonaire par l’intermédiaire de la mesure de la vitesse maximale sur le flux d’IT (figure 4).
Figure 4. Mesures des pressions pulmonaires.
Le gradient est calculé selon la formule :
En ajoutant la PVC estimée à ce gradient, il est alors possible d’obtenir la PAPS. Une PAPS > 35 mmHg est en règle générale considérée comme pathologique. Cette « norme » unique reste toutefois très discutable chez les sujets très jeunes ou très âgés. Cette PAPS peut également être estimée par l’IP en mesurant les PAP moyenne et diastolique (figures 3 et 4), la PAPS étant alors calculée par :
Cette dernière technique, bien que moins fiable, reste très utile en l’absence d’IT ou en cas d’IT laminaire.
Compte tenu de la mauvaise tolérance du VD à une brusque augmentation de postcharge, la présence d’une PAPS > 60 mmHg est généralement associée à un cœur pulmonaire chronique. De même, la présence d’une encoche mésosystolique au niveau du flux éjectionnel pulmonaire serait associée à une HTAP chronique (figure 3). Cela refléterait la diminution du flux au moment de l’arrivée de l’onde de pouls s’étant réfléchie sur le lit artériel pulmonaire pathologique (vasoconstriction ou occlusion).
En pratique
L’évaluation du cœur droit a sa place en USIC et doit s’intégrer à un examen écho-Doppler complet, afin de ne pas laisser échapper un diagnostic et une orientation thérapeutique spécifique susceptible de mo-difier drastiquement le pronostic de notre patient.
Dans l’immense majorité des cas, des paramètres extrêmement simples (BD, TM, Doppler), disponibles sur la quasi-totalité des appareils écho-Doppler permettent de conclure sur l’état du cœur droit.
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