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HTA

Publié le 28 nov 2006Lecture 5 min

Quelle pression artérielle prendre en compte : pression pulsée, périphérique ou centrale ?

J.-M. HALIMI, hôpital Bretonneau (Tours) et O. Hanon, hôpital Broca (Paris)

Pendant de longues années, la classification de l’HTA s’est essentiellement faite par la prise en compte du niveau de PAD. Les résultats des essais thérapeutiques obtenus ces dernières années en particulier dans l’HTA du sujet âgé ont conduit à revoir cette question. Désormais, à la fois le niveau de la PAS et de la PAD sont considérés dans l’évaluation du niveau de sévérité de l’HTA. En outre, il est maintenant admis qu’au-delà de 50 ans, la PAS représente un facteur pronostique du risque CV plus important que la PAD. Des travaux récents suggèrent, en particulier chez le sujet âgé, que c’est en réalité la pression pulsée (différence entre PAS et PAD) qui possède la valeur pronostique la plus forte vis-à-vis du risque CV comparativement à la PAS ou la PAD prises isolément.

Attention à l’âge   Plusieurs études épidémiologiques ont donné à la pression pulsée toute sa valeur clinique, en particulier chez le sujet âgé. Certains travaux ont souligné qu’une baisse trop importante de la PAD pourrait s’avérer néfaste, suggérant l’existence d’une relation dite de « courbe en J » entre la PA et la mortalité. Ainsi, le suivi pendant 20 ans de 1 924 sujets ayant participé à l’étude de Framingham montre que le nombre d’événements coronaires augmente avec la baisse de la PAD quand la PAS est ≥ 120 mmHg. De même, le suivi d’une cohorte française de 6 246 hommes indique qu’une baisse de la PAD combinée à une élévation de la PAS s’accompagne d’une augmentation de la mortalité CV. Ces données suggèrent qu’une augmentation de la PAS et une baisse de la PAD, c’est-à-dire une augmentation de la pression pulsée représente un marqueur indépendant du risque CV en particulier chez le sujet âgé. Une étude récente chez 9 431 sujets âgés de 65 à 102 ans et suivis près de 10 ans montre que la mortalité augmente lorsque la PAS est > 160 mmHg et la PAD < 70 mmHg, indiquant bien le caractère néfaste d’une élévation de la pression pulsée.   Pression pulsée élevée : un marqueur du risque   Dans une métaanalyse basée sur les données individuelles de 15 693 hypertendus > 60 ans inclus dans des essais thérapeutiques, la mortalité totale à 2 ans des patients inclus dans le groupe placebo (n = 7 557), le risque de mortalité CV à 2 ans croît avec l’augmentation de la PAS mais aussi avec la diminution de la PAD, soulignant le rôle délétère d’une pression pulsée élevée (figure). En résumé, avant 60 ans, le risque CV reste fortement corrélé au niveau de PAS et de PAD, et le rôle de la pression pulsée apparaît moindre. En revanche, après 60 ans, la PAD n’apparaît plus comme un marqueur significatif du risque de survenue des accidents CV et c’est la pression pulsée qui est la plus importante à considérer. Toutes ces données concordantes poussent à utiliser le calcul de la pression pulsée comme un outil de prédiction du risque CV après l’âge de 60 ans. Cette notion épidémiologique se comprend aisément sur un plan physiopathologique. Par l’augmentation de la PAS, l’augmentation de pression pulsée augmente la contrainte ventriculaire gauche et favorise ainsi le développement de l’hypertrophie cardiaque. Par ailleurs, la baisse de PAD altère la perfusion coronaire (la PAD représente l’unique pression de perfusion de la circulation coronaire) et, de ce fait, favorise l’ischémie myocardique. La réalisation d’essais thérapeutiques ayant pour objectif d’évaluer l’effet d’une baisse de la pression pulsée sur l’incidence des événements CV, reste l’ultime étape pour se convaincre définitivement de l’intérêt de ce nouveau critère de jugement. Le développement de la recherche actuelle se fait en direction de nouvelles classes thérapeutiques susceptibles de faire baisser la PAS sans réduire la PAD (en agissant essentiellement sur la rigidité artérielle), afin de diminuer la pression pulsée en particulier chez le sujet âgé.   Pression périphérique ou pression centrale ?   La mesure de PA au niveau du bras permet de renseigner sur la mesure de deux points extrêmes : PAS et PAD au niveau huméral. De façon classique et par commodité, il est admis que l’activité cardiaque génère une pression au niveau des gros troncs artériels qui varie entre un minimum qui survient en fin de diastole et un maximum qui survient en systole. Mais en réalité, les variations de pressions observées entre ces deux points décrivent une courbe périodique qui est loin d’être une sinusoïde pure. La forme de cette courbe varie en fonction de plusieurs facteurs, tel le site de mesure dans l’arbre artériel, car elle dépend du tonus, du calibre et de la rigidité des artères. Ainsi, la pression pulsée est différente en chaque point de l’organisme ; elle augmente progressivement de l’aorte vers les artères périphériques des membres supérieurs et inférieurs. Son impact sur le cœur dépend par conséquent du site de mesure et c’est la pression mesurée au niveau aortique (proche du cœur) qui représente au mieux la contrainte mécanique (systolique) et le niveau de pression efficace (diastolique) dans le réseau coronaire. La pression centrale apparaît donc essentiellement dépendante de l’importance de l’onde de pression systolique et de la sommation des ondes réfléchies dans l’arbre vasculaire. La mesure de la pression pulsée aortique est désormais possible de façon non invasive grâce à une technique d’enregistrement percutanée (tonométrie d’aplanation) au niveau des artères superficielles proches du cœur, telle l’artère carotide. Les résultats de l’étude ASCOT-CAFE (Conduit Artery Function Evaluation) ont été particulièrement novateurs démontrant pour la première fois l’intérêt de la mesure centrale de la pression artérielle en termes de prévention cardiovasculaire. CAFE : rôle pronostic de la pression pulsée sur la mortalité totale chez l’hypertendu âgé. Étude ASCOT-CAFE   Cette étude a été réalisée dans un sous-groupe de 2 073 patients inclus dans l’essai ASCOT. Dans cette population d’hypertendus à haut risque CV, la pression centrale a été mesurée par tonométrie d’aplanation. Les patients étaient randomisés en deux groupes bêtabloquant ± diurétique ou antagoniste calcique ± IEC. Alors que la baisse de PA mesurée de façon conventionnelle était similaire dans les deux groupes (133,9 mmHg dans le groupe aténolol vs 133,2 mmHg dans le groupe amlodipine), la réduction de la pression aortique centrale était significativement plus importante dans le groupe amlodipine ± perindopril (125,5 mmHg dans le groupe aténolol vs 121,2 mmHg dans le groupe amlodipine, soit une différence de 4,3 mmHg de pression aortique systolique centrale, p < 0,0001). Après ajustement sur les principaux facteurs explicatifs, la baisse de pression pulsée aortique centrale était significativement associée à la réduction des événements CV (p < 0,05).   Au total   Ces résultats suggèrent pour la première fois que des stratégies thérapeutiques antihypertensives peuvent avoir des effets différents sur la PA centrale, en dépit d’une action identique sur la pression mesurée en périphérie. Différents mécanismes peuvent être à l’origine de cet effet : une action différente sur la rigidité artérielle, un effet différent en fonction de la proximité du site des ondes de réflexion systolique ou une action dissemblable sur l’éjection systolique. Ces résultats ouvrent la voie à de nouvelles stratégies d’évaluation thérapeutique basées non plus sur la mesure de la pression périphérique mais sur celle de la pression aortique centrale potentiellement mieux corrélée au niveau de risque CV.

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