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Cardiologie générale

Publié le 10 mai 2005Lecture 21 min

Qu'est-ce que le stress oxydatif et quand intervient-il ?

C.VERGELY et L. ROCHETTE, Faculté de médecine, Dijon

Le concept du stress oxydatif s’est développé au cours de ces dernières années à partir des connaissances sur le métabolisme de l’oxygène. Selon les données de la littérature, il serait impliqué de manière directe dans l’installation et le maintien de nombreuses pathologies. Il est important alors de préciser si ce concept, qui a envahi le domaine de la physiopathologie, est un épiphénomène ou s’il revêt une réalité clinique. Notre objectif dans cette revue a été d’une part de définir les composantes qui permettent d’appréhender ce stress oxydatif et d’autre part de donner des exemples de situations en pathologie cardio-vasculaire où ce stress peut être évoqué.

Le stress oxydatif : un concept né de l’évolution de nos connaissances sur le métabolisme de l’oxygène La définition du stress a été donnée par Selve en 1950 : « Il s'agit de réponses de l'organisme aux facteurs d'agressions physiologiques et psychologiques qui nécessitent une adaptation ». Nous verrons que le mot adaptation apparaît très important dans la mise en jeu des réactions de l'organisme aux stress localisés au niveau intracellulaire ou dans l’environnement d’une cellule. Quant au mot oxydatif, il vient d'oxygène (oxus : acide et gène : naissance). L'étude du stress oxydatif repose initialement sur une connaissance du métabolisme de l'oxygène. L'oxygène, biradical, est susceptible de rentrer dans des réactions multiples : les réactions d'oxydoréduction. Au cours de ces réactions, l'oxygène est transformé en des intermédiaires qui sont des formes radicalaires, les plus importantes étant l'anion superoxyde et l'hydroxyle. Les radicaux libres peuvent être définis comme des espèces chimiques, paramagnétiques, éventuellement peu stables, caractérisées par un électron non apparié ou célibataire sur leur orbitale externe : cet électron est représenté de manière conventionnelle par un point. Si au cours de ces dernières années, les radicaux libres ont été considérés comme des composés aux fonctions biologiques délétères, il est apparu bien vite qu'une modulation devait exister dans ce concept, et que, dans bien des cas, les espèces radicalaires se comportaient comme des « régulateurs » de l'expression génique. Nous reviendrons dans cette revue sur les composantes délétères et les composantes d'adaptation qui caractérisent les espèces radicalaires. Le stress oxydatif est souvent symbolisé par une balance (figure 1) ; sur un des plateaux de la balance, sont «déposés» tous les éléments réducteurs et sur l'autre plateau de la balance, sont placés les éléments aux fonctions oxydatives. Nous reviendrons ultérieurement sur les processus qui concourent à déstabiliser cette balance. Le « potentiel rédox » intracellulaire joue un rôle majeur de relais intégratifs entre les informations provenant du milieu extracellulaire et la mise en jeu des facteurs de transcriptions qui traverseront l’enveloppe nucléaire pour moduler l’expression génique. (figure 2). Figure 1. Le stress oxydatif radicalaire : l’équilibre Redox. Figure 2. Modulation de l’expression génique. Dans les conditions normales, existe un équilibre au niveau de certains tissus, entre les processus de prolifération cellulaire et les processus de destruction cellulaire. Les processus de destruction cellulaire obéissent à deux grands principes : à l'apoptose et à la nécrose. Au cours de cette présentation, nous évoquerons dans la première partie, les événements qui participent à l'initiation au développement et au maintien du stress oxydatif, au niveau intracellulaire et au niveau extracellulaire, et dans un deuxième temps, nous rappellerons les modalités d'action du stress oxydatif dans des événements physiopathologiques touchant le cœur et les vaisseaux.   Quelques rappels sur la biochimie radicalaire et le stress oxydatif Des connaissances nouvelles et passionnantes sur l’implication, directe ou indirecte, de la production de radicaux libres oxygénés (RLO) dans le développement de nombreuses pathologies sont apparues au cours des dernières années, cette évolution de nos connaissances résulte d’une synergie des approches pour appréhender la biochimie radicalaire. Ces RLO appréhendés dans leur globalité conduisent à évoquer la mise en jeu d'un stress oxydatif. L’administration de composés comme les agents cytostatiques (doxorubicine, bléomycine) ou l’alcool, ou certains produits présents dans la fumée de tabac sont à l’origine d’une production radicalaire pouvant participer à la toxicité de ces agents. Le rôle des phénomènes inflammatoires apparaît, comme nous le rappellerons ultérieurement, d’une importance majeure dans la genèse d’un stress oxydatif radicalaire. Dans le cadre de cet exposé, nous nous intéresserons, comme nous l’avons signalé, plus particulièrement au cas des pathologies cardio-vasculaires. Ainsi, le stress oxydatif résultant de la surproduction de RLO a été évoqué dans l'initiation et le maintien de l'hypertension artérielle et de l'insuffisance cardiaque, dans le développement de l’athérosclérose, dans l’apparition des troubles associés à la reperfusion post-ischémique. Avant d'aborder les différentes techniques d'évaluation du stress oxydatif, nous rappellerons les bases concernant les propriétés physicochimiques des espèces radicalaires rencontrées en biologie (figure 3). Figure 3. Le stress oxydatif radicalaire : les radicaux libres. Radicaux libres rencontrés en biologie L’électron célibataire est conventionnellement représenté, comme nous l’avons dit en introduction par un «•».Les radicaux libres sont le plus souvent des espèces chimiques très réactives ayant une durée de vie extrêmement courte, car elles cherchent à « réapparier » leur électron célibataire avec les molécules de leur environnement. Dans le domaine de la biologie, les espèces radicalaires les plus importantes sont les dérivés activés de l’oxygène (plus fréquemment dénommés radicaux libres oxygénés) et les dérivés activés de l’azote dont le représentant le plus célèbre est le monoxyde d’azote, NO. Dérivés activés de l’oxygène Si l’oxygène tient un rôle fondamental dans la biologie des organismes vivants, c’est notamment en raison des propriétés physicochimiques exceptionnelles de cette molécule, et à sa potentialité à entrer dans de nombreuses voies métaboliques. Parmi ces voies, certaines d’entre elles sont impliquées dans la genèse d’espèces radicalaires. L’anion superoxyde (O2•) est un radical libre chargé négativement issu de la réduction monovalente de l’oxygène moléculaire. L’anion superoxyde est produit par presque toutes les cellules en aérobie, moyennant un apport d’énergie, ou en présence d’enzymes (oxydases). Le peroxyde d’hydrogène (H2O2), ou « eau oxygénée », est produit par la dismutation spontanée ou induite de l’anion superoxyde, ou par la réduction bivalente de l’oxygène. Le peroxyde d’hydrogène n’est pas un radical libre à proprement parler puisqu’il ne possède pas d’électron célibataire. Cependant, il est considéré à juste titre comme un dérivé activé de l’oxygène, de part sa position essentielle au sein des réactions radicalaires Le radical hydroxyle (•OH) est produit principalement à partir de l’anion superoxyde et du peroxyde d’hydrogène en présence d’ion ferriques, au cours des réactions de Fenton et d’Haber-Weiss. Le radical hydroxyle possède une grande réactivité dans les milieux biologiques. D’autres formes radicalaires dites « secondaires » peuvent être retrouvées dans les milieux biologiques. Il s’agit en particulier des radicaux alkyle (R•), alkoxyle (RO•) et alkyl peroxyle (ROO•), générés à la suite de l’action oxydante de radicaux libres oxygénés « primaires » (superoxyde, hydroxyle) sur les chaînes d’acides gras polyinsaturés, les glucides, les protéines ou les acides nucléiques. Ces radicaux « secondaires » sont moins réactifs mais plus sélectifs que les radicaux primaires.   Les dérivés activés de l’azote Le monoxyde d’azote ou •NO est produit à partir de la L-arginine sous l’action des NO synthases (NOS), enzymes constitutives ou induites, en présence d’oxygène et de cofacteurs. Il s’agit d’une molécule radicalaire non chargée, dont l’électron libre est porté par l’azote. Le NO peut réagir avec l’oxygène (O2) pour donner des nitrates, ou avec l’anion superoxyde (O2•) pour former l’anion peroxynitrite (ONOO-).   Sources biologiques de radicaux libres L’essentiel de cette production physiologique (pouvant devenir pathologique) est associé au métabolisme cellulaire de l’oxygène et aux réactions d’oxydoréduction. La chaîne respiratoire mitochondriale : on estime qu’environ 2 à 5 % de l’oxygène utilisé par la chaîne respiratoire mitochondriale fait l’objet d’une réduction monovalente, qui s’accompagne d’une production d’anion superoxyde. Les enzymes leucocytaires : les polynucléaires représentent une source importante de RLO car ils sont très riches en oxydases. À l’état basal, cette activité enzymatique est latente et ces cellules ne consomment que très peu d’oxygène. Par contre, elle peut être rapidement activée par divers stimuli inflammatoires, ce qui implique une accélération de la consommation d’oxygène, désignée sous le terme de oxygen burst, concomitante à la production de RLO. L’enzyme majoritairement impliquée dans ce phénomène est la NAD(P)H oxydase. Les NAD(P)H oxydases non leucocytaires : une isoforme de cette enzyme NAD(P)H oxydase est présente au sein des cellules endothéliales et musculaires lisses vasculaires, où elle constitue une source importante d’anions superoxydes. Les Xanthine oxydases/Xanthine deshydrogenases : la xanthine deshydrogénase (XD) est une enzyme dont la fonction principale est l’oxydation des bases puriques, hypoxanthine et xanthine, issues de la dégradation des acides nucléiques, adénosine triphosphate (ATP) et guanosine triphosphate (GTP). Les NO synthases : Comme nous l’avons précédemment évoqué, le •NO est synthétisé à partir de l’un des atomes d’azote terminaux du groupement guanidine de la L-arginine par une voie enzymatique faisant intervenir les NO Synthases (NOS), en présence d’oxygène et de cofacteurs. À ce jour, 4 isoformes de NOS ont été identifiées. Autres voies enzymatiques et non enzymatiques : le métabolisme de l’acide arachidonique, issu de la conversion des phospholipides membranaires par la phopholipase A2, par la voie des cyclooxygenases et des lipooxygénases est associé à une production d’anion superoxyde. D’autres oxydases, comme le cytochrome P450 (CYP), peuvent aussi être responsables de la production de RLO. Certains agents extérieurs, comme l’irradiation UV ou gamma, certains xénobiotiques, des agents toxiques comme l’amiante ou le tétrachlorure de carbone, peuvent également induire un stress oxydatif.   Systèmes de défense contre les RLO Les effets potentiellement délétères des espèces radicalaires sont contrôlés par la présence de systèmes de protection efficaces, qui maintiennent les RLO à de faibles concentrations. Ces systèmes, appelés antioxydants, sont de deux types : enzymatiques ou non enzymatiques. L’équilibre existant entre la production de RLO et les défenses antioxydantes permet de préserver l’intégrité de la cellule ; le déséquilibre en faveur des espèces radicalaires est caractéristique du stress oxydatif. Systèmes de défense enzymatiques • Les superoxyde dismutases (SOD) constituent, comme nous l’avons signalé dans l’introduction, la première ligne de protection contre les dérivés radicalaires de l’oxygène. Il existe plusieurs types de SOD avec des localisations spécifiques. • Les catalases sont des enzymes qui permettent de transformer le peroxyde d’hydrogène en oxygène moléculaire et en eau. • Les glutathion peroxydases (GPx) sont des enzymes tétramériques à sélénium, cytoplasmiques et mitochondriales, qui peuvent réduire le peroxyde d’hydrogène en eau, en utilisant les capacités réductrices du couple glutathion/glutathion disulfide (GSH/GSSG). Systèmes de défense non enzymatiques Divers piégeurs de radicaux libres non enzymatiques peuvent prendre en charge la détoxication d’un grand nombre de radicaux libres, et notamment celle du radical hydroxyle contre lequel aucun système enzymatique n’existe. Ces composés sont facilement oxydables, relativement stables et conduisent à des dismutations permettant l’arrêt des réactions radicalaires en chaîne. Ce système de protection peut être à la fois membranaire (vitamines E, A), cytosolique et extracellulaire (glutathion, vitamine C, acide urique…). • Glutathion et composés à groupements thiols. Le glutathion est un tripeptide qui, sous sa forme réduite (GSH), agit comme antioxydant. Les fonctions du GSH incluent le maintient des thiols des protéines, ainsi que le maintient de certains composés sous leur forme réduite, comme les vitamines C ou E. • La vitamine C ou acide ascorbique, est l’antioxydant hydrosoluble le plus efficace dans le plasma humain. Grâce au faible potentiel redox du couple ascorbate/radical ascorbyle, la vitamine C est capable de céder un électron à pratiquement tous les radicaux libres pouvant intervenir dans un système biologique. • La vitamine E, représentée en majorité par l’alphatocophérol, est un composé antioxydant puissant, notamment du fait de son caractère lipophile, qui lui permet d’agir au site même de la peroxydation lipidique membranaire. • Acide urique. Le tissu humain ne possède pas l’enzyme nécessaire à la dégradation de l’acide urique en allantoïne, c’est-à-dire l’urate oxydase. En conséquence, l’acide urique s’accumule comme produit final du catabolisme des purines, et est présent en quantité importante dans le plasma humain avant d’être éliminé par voie rénale. L’acide urique possède une fonction de piégeur vis-à-vis de certains composés très réactifs, comme l’oxygène singulet, les radicaux peroxyles et hydroxyles, ainsi que de l’acide hypochloreux produit par la myéloperoxydase. • Chélateurs de métaux. Les métaux de transition comme le fer ou le cuivre sont souvent impliqués dans de nombreuses réactions radicalaires, produisant des espèces très réactives. C’est pourquoi les formes de stockage et de transport de ces métaux peuvent être considérées comme des défenses antioxydantes. Ainsi, la formation de complexes entre certaines molécules (transferrine, céruléoplasmine, lactoferrine, métallothionéine…) et les métaux de transition permet d’empêcher les réactions de Fenton et d’Haber-Weiss, évitant la formation du radical hydroxyle très réactif. C’est le cas par exemple de composés utilisés en clinique tels que la déferoxamine.   Potentialité toxique des espèces radicalaires et du stress oxydatif Effets délétères des RLO Lorsque les systèmes de défenses anti-radicalaires sont dépassés, soit en raison d’une exagération de la production radicalaire soit en raison d’une diminution des défenses, un stress oxydatif s’établit aux dépends de l’intégrité cellulaire. En effet, les radicaux libres réagissent avec de nombreux constituants cellulaires, notamment les acides nucléiques, protéines et acides gras dont ils peuvent altérer la structure et la fonction. • Les acides nucléiques sont particulièrement sensibles à l’action des radicaux libres. Les agressions radicalaires créées au sein de la molécule d’ADN peuvent entraîner des ruptures de brins et des mutations ponctuelles. • Protéines. L’électron non apparié des radicaux libres peut s’attaquer à la structure de certaines protéines, en particulier les protéines porteuses d’un groupement sulfhydryle (-SH). Ces protéines seront ainsi oxydées et éventuellement dénaturées. • Acides gras. Les chaînes d’acides gras insaturés, constituants essentiels des membranes cellulaires, constituent une cible majeure pour les RLO. L’attaque radicalaire des membranes cellulaires phospholipidiques déclenche une réaction en chaîne appelée lipoperoxydation membranaire. Lors de l’étape d’initiation, un acide gras polyinsaturé est attaqué par un radical libre (�OH, R�, RO�) pour donner un radical lipidique (R�). Rôle du monoxyde d’azote Les propriétés physiologiques du monoxyde d’azote ont fait l’objet d’un nombre considérable de travaux au cours de ces dix dernières années, ses activités sont variées, bénéfiques ou délétères, et ce « paradoxe » suscite encore de nombreuses interrogations. Les effets vasorelaxants et antiagrégants plaquettaire du NO sont médiés par le GMPc. Le NO possède par ailleurs des propriétés « antioxydantes » de par sa capacité à piéger certaines espèces radicalaires. Cependant, suite à sa réaction avec l’anion superoxyde qui conduit à la formation de peroxynitrite, le NO peut présenter des effets cytotoxiques, et raison des réactions qui en découlent (formation de radical hydroxyle). Cette toxicité pourrait intervenir en particulier au niveau de l’endothélium.   Comment identifier et quantifier le stress oxydatif ? Les méthodes indirectes et directes les plus fréquemment employées pour mesurer les radicaux libres sont rappelées ici.   Mesures indirectes du stress oxydatif Les techniques de détection directe des radicaux libres et du stress oxydatif sont souvent difficiles à mettre en œuvre et nécessitent un matériel important. C’est pourquoi la plupart des recherches menées in vivo utilisent des méthodes indirectes. Les mesures indirectes ont pour objectif d’évaluer l’évolution de certains paramètres morphologiques et fonctionnels d’une cellule ou d’un organe soumis à l’action d’un stress oxydatif. Elles peuvent être classées en plusieurs rubriques : Études pharmacologiques sur les antioxydants Elles consistent à évaluer les incidences de l’addition d’antioxydants (mannitol, vitamines, glutathion, mercaptopropionylglycine (MPG), etc…), de piégeurs de métaux (déferoxamine), de l’induction ou de l’inhibition des protecteurs endogènes (SODs, catalases, vitamine C, analogues de la vitamine E, glutathion...) sur la capacité des cellules à répondre à un phénomène physiopathologique donné. Évaluation des antioxydants endogènes Lorsque l’organisme se trouve soumis à une attaque radicalaire, ses défenses antioxydantes sont susceptibles dans un premier temps de s’épuiser, mais aussi à plus long terme d’être éventuellement induites. Ainsi, il est intéressant de déterminer l’activité et/ou la quantité d’enzymes antioxydantes (SOD, catalases, GPx), ou de doser certains antioxydants vitaminiques (vitamines A, C, E) ou non (GSH, acide urique, sulfydryles...). Les variations de ces composés peuvent permettre d’évaluer le niveau de stress oxydatif au niveau cellulaire, tissulaire ou circulant. Détection de métabolites issus des réactions radicalaires Il s’agit du dosage de produits issus de la dégradation des constituants cellulaires par les radicaux libres. En effet, certains indices biochimiques peuvent révéler la présence de réactions oxydatives, passées ou présentes, la plus connue étant la mesure d’un dérivé de la peroxydation lipidique, le malonedialdéhyde (MDA), où détermination des substances réagissant avec l’acide thiobarbiturique (TBARs). Cas particulier du monoxyde d’azote Grâce aux techniques de biologie moléculaire, est possible d'étudier l'activité et la localisation des différentes isoformes de NOS. Comme le NO exerce une grande partie de ses effets biologiques par l’intermédiaire d’une guanylate cyclase, il est possible de doser le GMPc, dont l’augmentation intracellulaire signe la plus part du temps l’activation par le NO. De plus, le NO est impliqué dans des réactions d’oxydoréduction : il peut réagir avec le dioxygène pour donner des nitrites, ou avec l’anion superoxyde (O2-) pour donner des peroxynitrites (ONOO-), dont on peut évaluer indirectement la formation. Une voie majeure du métabolisme du NO est sa réaction avec l’hémoglobine. La réaction du NO avec l’oxyhémoglobine (HbO2) est à l’origine de la formation de methémoglobine (metHb) et de nitrates, qui sont ensuite éliminés par voie urinaire. La complexation du NO avec le Fe de la désoxyhémoglobine génère la nitrosylhémoglobine (Hb•NO), qui est un composé parmagnétique que l’on pourra évaluer en résonance paramagnétique électronique. Le NO peut également réagir avec des composés possédant des groupements thiols pour former des composés de type nitrosothiols, de durée de vie plus élevée que le NO, qui pourraient constituer une forme de réserve de NO dans l’organisme.   Mesures directes du stress oxydatif Face à l’intérêt porté aux radicaux libres dans le domaine de la biologie, il a été nécessaire de développer des techniques permettant la détection, l’identification et la quantification directe de ces espèces très labiles (figure 4). Figure 4. Évaluation des radicaux libres oxygénés (RLO). Réduction du cytochrome C ou de la lucigénine La chimiluminescence permet d’évaluer la production radicalaire (par exemple, à partir de polynucléaires activés) par la mesure d’une émission de photons d’une molécule pour laquelle l’addition d’un électron libre conduit à un phénomène lumineux. Cependant cette méthode ne permet pas de différencier les espèces radicalaires entre elles, et ne peut être appliquée que dans des conditions expérimentales restreintes. La résonance paramagnétique électronique (RPE) L’une des seules techniques permettant une identification et une quantification fines des espèces radicalaires est la résonance paramagnétique électronique (RPE). Il s’agit d’une technique spectroscopique basée sur la mesure et l’interprétation de phénomènes de transitions de niveaux énergétiques des électrons soumis à un champ magnétique. Un spectre RPE est caractérisé par plusieurs paramètres : le champ auquel résonne l’échantillon (qui est déterminé par le facteur g), le nombre et la position des raies (qui sont définies par les constantes de couplage hyperfin). Grâce à ces différents paramètres, un signal de RPE peut être attribué à une espèce radicalaire particulière. Seules quelques espèces radicalaires ayant une demi-vie suffisamment longue peuvent être détectées directement dans un milieu biologique. Il s’agit par exemple du dérivé radicalaire de la vitamine C, le radical ascorbyle. Le radical ascorbyle résulte de la réduction de l’acide ascorbique. Il s’agit d’une espèce radicalaire relativement stable, étant donné la délocalisation de son électron libre sur la structure cyclique de la molécule. Grâce à sa demi-vie relativement longue (quelques minutes), une détection directe de ce radical, en solution ou dans des liquides biologiques tels que le plasma, peut être réalisée par spectroscopie RPE à température ambiante. Toutefois la plupart des espèces radicalaires ont une demi-vie trop courte pour pouvoir être détectées directement et nécessitent une stabilisation préalable à leur étude en RPE. Cette stabilisation peut être effectuée par le froid (freeze-trapping), ce qui permet de détecter certaines espèces radicalaires, en particulier dans les tissus, cependant, l’interprétation des spectres reste souvent difficile. Une autre technique dénommée spin trapping permet de stabiliser le radical libre à l’aide d’un piégeur moléculaire, appelé spintrap. La réaction de piégeage produit un nouveau composé paramagnétique, résultant de la liaison covalente du spin trap avec le radical libre concerné, plus stable et d’une durée de vie considérablement augmentée. À l’heure actuelle, l’attention de la communauté scientifique se porte plus particulièrement sur deux espèces radicalaires primaires, directement générées par des systèmes enzymatiques membranaires ou intracellulaires, et fréquemment rencontrés dans le système cardio-vasculaire : le monoxyde d’azote et l’anion superoxyde.   Stress oxydatif et physiopathologie cardio-vasculaire   Ischémie de reperfusion et stress oxydatif Il semble désormais établi que les espèces radicalaires oxygénées sont produites en quantité importante lors de la reperfusion d’un cœur ischémique. Cette production radicalaire participerait aux dommages liés à la reperfusion du cœur ischémié, et agirait en synergie avec la surcharge calcique. Ainsi les radicaux libres pourraient exercer des effets délétères directs sur l’appareil contractile du myocarde. Les espèces radicalaires libérées peuvent oxyder les lipides membranaires, altérer la perméabilité membranaire et interférer avec la fonction de différents organites cellulaires. De même, l’oxydation des groupements fonctionnels essentiels de certaines protéines comme les Na-K, ATPases, ou les calciums ATPases peut engendrer des perturbations de l’homéostasie ionique.   Rôle du monoxyde d’azote Il existe une production basale de •NO par les cellules endothéliales jouant un rôle physiologique de vasodilatateur. Après une séquence ischémie-reperfusion, la relaxation endothéliale-dépendante des artères coronaires à la plupart des agonistes vasoactifs est altérée, bien que les propriétés contractiles des cellules musculaires lisses soient intactes (figure 5). La dysfonction endothéliale associée à la reperfusion pourrait alors en partie expliquer le stunning microvasculaire et contribuer au vasospasme coronaire. Ce phénomène pourrait être attribué à une diminution du NO produit et/ou de sa disponibilité par le biais de sa réaction avec l’anion superoxyde. La réduction de la disponibilité du NO pourrait être délétère pour le myocarde. Figure 5. Substances formées durant l'ischémie et/ou reperfusion. Sources de RLO à la reperfusion Plusieurs mécanismes ont été évoqués dans la genèse des radicaux libres au cours de la reperfusion, les sources de production radicalaire pouvant être membranaires, intracellulaires ou extracellulaires. Une des causes de la production d’espèces radicalaires lors de la reperfusion serait liée à l’activité de la xanthine oxydase. En effet, l’ischémie et l’accumulation cytosolique de calcium stimulent la conversion de la xanthine deshydrogénase en xanthine oxydase, qui utilise non plus le NAD mais l’oxygène comme accepteur d’électron et donne naissance au radical superoxyde. Lors de la reperfusion, la réintroduction d’oxygène permet à la xanthine oxydase de fonctionner et de former du superoxyde à partir de l’oxygène, pouvant alors initier une cascade de réactions radicalaires. Dans le cadre de ce rappel sur les liens qui unissent le stress oxydatif et l’adaptation du cœur à la séquence ischémie-reperfusion, il est important de préciser le rôle des enzymes NADH/NADPH oxydases des cellules endothéliales et musculaires lisses vasculaires dans le niveau de production radicalaire myocardique au cours de la séquence ischémie-reperfusion.   Rôle des polynucléaires neutrophiles Durant l’ischémie, les altérations subies par les membranes cellulaires sont susceptibles d’entraîner une infiltration des polynucléaires neutrophiles (PNN) au sein de la zone ischémiée. Comme nous l’avons évoqué précédemment, les PNN sont activés au cours de la CEC indépendamment de l’ischémie-reperfusion myocardique. Durant de nombreuses années, le poumon a été considéré comme la cible principale des PNN activés, leur séquestration entraînant la libération de substances toxiques responsables d’altérations pulmonaires post-CEC. Des facteurs produits spécifiquement par le tissu myocardique entraînent une activation, suivie de l’infiltration et de la dégranulation leucocytaire au niveau myocardique, ces évènements constituant des facteurs qui participent aux dommages associés à la séquence ischémie-reperfusion. Ces différents événements concomitants vont donc agir en synergie : à la production radicalaire myocardique accélérée au moment de la reperfusion avec le retour de l’oxygène s’ajoutent la production des composés toxiques issus des PNN, activés au niveau systémique ou myocardique (figure 6). Figure 6. Activation systémique et myocardique. Systèmes de défense myocardiques Il a été démontré que les systèmes de défense anti-radicalaires étaient déprimés au cours de la séquence ischémie-reperfusion. Ainsi la déplétion des piégeurs enzymatiques et antioxydants tissulaires naturellement chargés d’inactiver les radicaux libres, exacerbe la vulnérabilité du tissu vis-à-vis des radicaux libres formés. Par ailleurs, les antioxydants circulants en contact direct avec l'endothélium peuvent jouer un rôle majeur dans la protection myocardique. C’est en fait le déséquilibre entre les systèmes de production des radicaux libres et les défenses anti-radicalaires qui est à l’origine du stress oxydatif accru à la reperfusion.   Stress oxydatif et athérothrombose Il n'est pas possible d'évoquer le stress oxydatif sans rappeler certaines étapes fondamentales concernant la physiopathologie de l'athérothrombose (figure 7). L'athérothrombose correspond à une atteinte de nombreux territoires artériels, le territoire coronaire étant principalement touché. Les mécanismes physiopathologiques qui sont impliqués dans l'installation de la plaque athéroscléreuse sont maintenant bien décrits ; ils associent une réaction thrombotique, un processus inflammatoire et des agressions qui correspondent à des facteurs biologiques tels que l'hypercholestérolémie ou des facteurs hémodynamiques ; l'hypertension présente alors une importance majeure. Figure 7. Athérothrombose et stress oxydatif. L'évolution de l'athérosclérose est lente et la plaque fait intervenir plusieurs stades évolutifs : la strie lipidique, la lésion fibrolipidique et enfin la plaque compliquée. Les stades de l'athérosclérose ont été définis par différents types : du type I au type VI, le type VI correspondant à la plaque compliquée. Parmi les éléments qui ont un rôle déterminant dans la genèse de la plaque, de nombreuses études se sont attachées à préciser les rôles respectifs des macrophages, des cellules endothéliales, des lymphocytes et enfin des cellules musculaires lisses. L'endothélium vasculaire, qui pèse environ 2 à 3 kg chez l'homme adulte, constitue une monocouche cellulaire importante : barrière semi-perméable contrôlant le transfert de nombreuses molécules. Dans les conditions normales, il maintient l'interface sans tissu dans un état non thrombogénique et il participe à la régulation du tonus musculaire, de l'agrégation plaquettaire et de la thrombose. Comme nous l'avons signalé antérieurement, il est le site de nombreuses activités enzymatiques, en particulier les oxydases, enzymes qui génèrent, à partir de l'oxygène, des formes radicalaires oxygénées. Dans un exposé tel que celui que nous présentons, il n'est pas possible de passer sous silence les travaux qui concernent les effets bénéfiques des statines. Ces effets bénéfiques peuvent être appréhendés sous trois rubriques : la première correspond à une amélioration des fonctions endothéliales, la seconde à une réduction des réponses inflammatoires, et la troisième intéressant la modulation thrombogénique. Là encore, le schéma classique de balance peut être évoqué entre les phénomènes oxydatifs et les phénomènes de réduction. Dans ce cadre, des événements doivent être envisagés sur le plan spatial et temporel. En effet, l'évolution de la plaque d'athérosclérose se déroulera sur de nombreuses années et après ce délai plus ou moins long, la plaque présentera une configuration expliquant son expression clinique et la survenue de phénomènes ischémiques.   En conclusion   Le stress oxydatif est un concept physiopathologique qui a bénéficié de l’avance de nos connaissances sur la physicochimie et la biologie des radicaux libres oxygénés et du monoxyde d’azote. Si, dans certaines situations, leurs productions (et leurs interactions) peuvent conduire à des dégâts cellulaires mettant en péril la survie de la cellule, dans les conditions de base, ils se comportent en « signaux intracellulaires ». Compte-tenu de leurs durées de vie, éventuellement très brèves, de leur grande réactivité et de la complexité de leurs interactions, ils doivent être appréhendés de manière spatiale et temporelle, ce qui rend l’étude du stress oxydatif particulièrement délicate dans son interprétation.

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