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Valvulopathies

Publié le 06 oct 2009Lecture 8 min

RVA « chirurgical » chez le sujet âgé : la référence (étalon-or) ou une procédure passée de mode - Gold Standard ou Old-Fashioned ?

A. LEGUERRIER, E. FLECHER, I. ABOULIATIM, T. LANGANAY, J.-P. VERHOYE, Service de Chirurgie Thoracique, Cardiaque et Vasculaire, CHU Pontchaillou, Hôpital Universitaire, Centre Cardio-Pneumologique, Rennes

L’augmentation majeure de l’espérance de vie dans les pays industrialisés et l’incidence croissante des maladies cardio-vasculaires avec l’âge ont contribué à faire du remplacement valvulaire aortique pour rétrécissement aortique calcifié, un geste chirurgical quotidien… Les résultats se sont constamment améliorés du fait de progrès considérables concernant la prise en charge anesthésique, la gestion en réanimation, la protection myocardique avec extension des indications chez les sujets très âgés présentant de nombreuses comorbidités…
L’arrivée des techniques alternatives moins invasives et dites « percutanées » impose de rediscuter les modalités de prise en charge, en réanalysant très clairement les résultats actuels de cette chirurgie en tenant compte des risques potentiels (rediscuter de la valeur des scores) des populations retenues pour la chirurgie, des modalités mêmes des procédures (chirurgie isolée ou chirurgie associée), et du résultat objectivé à distance en matière de durée de vie mais surtout en matière de qualité de vie.

Repères chiffrés : l’expérience du CHU de Rennes Sélection des populations Depuis 1981 (date à partir de laquelle tous les dossiers sont intégrés dans une base de données informatique), 14 226 remplacements valvulaires ont été effectués au CHU de Rennes (période 1981-2008). Sur cette cohorte, 7 583 malades ont été opérés d’une sténose aortique isolée ou associée. Nous reprendrons, pour la base de l’exposé, la cohorte des octogénaires opérés de remplacements valvulaires aortiques entre 1978 et 2004 : 988 opérés qui ont déjà fait l’objet de plusieurs enquêtes de suivi. Nous compléterons cette étude par l’analyse de la mortalité opératoire actuelle (2007-2008) du seul remplacement valvulaire aortique isolé pour rétrécissement aortique calcifié, afin de comparer le risque opératoire actuel de cette procédure isolée à celle de la technique de mise en place des valves aortiques par voie dite « percutanée », qui fait l’objet d’un développement important actuellement et nécessite une évaluation comparative par rapport à l’alternative chirurgicale classique. La série des 988 octogénaires opérés entre 1978 et 2004 Cette série déjà publiée comporte 409 hommes (41 %) et 579 femmes (59 %) âgés de 80 à 93 ans (moyenne 82,4 années). Il s’agit de patients symptomatiques (37 % en grade II de la NYHA, 53 % en grade III et 10 % en grade en IV) ; parmi ce groupe, 5,5 % ont été opérés dans des circonstances d’urgence. La sténose aortique est serrée avec un gradient moyen mesuré à 53 mmHg et une surface moyenne évaluée à 0,59 cm2. La lésion anatomique est avant tout une sténose aortique pure (907 patients), une maladie aortique à prédominance de sténose pour 81 patients. L’étiologie est avant tout dégénérative (919 cas) en sachant que l’on retrouve même dans cette tranche d’âge des bicuspidies (54 cas) ou lésions rhumatismales (15 cas). La lésion dégénérative typique est extrêmement calcifiée : il s’agit le plus souvent d’une valve tricuspide bloquée par un processus calcifiant, souvent extensif avec infiltration de l’anneau et du trigone, coulées septale et/ou postérieure sur la paroi libre du ventricule gauche, avec parfois calcification du culot aortique ; une décalcification complémentaire est souvent nécessaire en complément de la résection valvulaire en sachant rester raisonnable dans ce processus associé. L’intervention comporte ensuite le remplacement valvulaire, isolé (785 cas) ou associé (203 cas dont 165 associations pour pontage coronaire). Le substitut valvulaire de choix est une bioprothèse (978 cas), une prothèse mécanique ayant été implantée surtout au début de l’expérience et dans quelques circonstances particulières (10 cas). La durée moyenne de CEC est de 64 min, la durée moyenne de clampage est de 48 min, la protection myocardique étant réalisée par cardioplégie cristalloïde (920 cas) ou hyperpotassique chaude (68 cas), technique plus utilisée dans la période récente. Morbi-mortalité opératoire Les critères d’Edmund ont servi de références pour l’analyse. Au total, 93 patients (9,4 %) sont décédés des suites de cette intervention (0-30 jours, ou plus si les patients restent hospitalisés). Les causes de décès sont cardiaques dans 49 cas (avant tout souffrances myocardiques peropératoires (19 cas) ou bas débit (23 cas). Les causes extracardiaques sont au nombre de 41, avant tout digestives (16 cas), respiratoires (9 cas), infectieuses (7 cas) ou liées à des accidents vasculaires cérébraux (5 cas) ; notons enfin 3 cas d’hémorragie liés à des problèmes techniques sur des lésions anatomiques complexes et calcifiées. Les facteurs de mortalité opératoire retrouvés (p < 0,001 et par ordre décroissant) sont : – l’urgence, – le stade NYHA III ou IV, – les antécédents d’insuffisance cardiaque, – les antécédents d’infarctus. Cette série avait fait l’objet d’un complément d’étude concernant la mortalité opératoire : pour les 442 malades opérés sur la période plus récente (2000-2004), la mortalité opératoire était de 33 sur 142 (7,5 %), très différente pour le RVA isolé (6,5 %) et pour le RVA associé à des pontages coronaires (11,5 %). De plus, dans cette étude, était souligné le rôle péjoratif des interventions en urgence, des réinterventions et des fractions d’éjection altérées à moins de 30 % : la mortalité pour les primo-interventions réalisées de façon élective tombait dans ce groupe à 3,5 % (figure 1). Les autres paramètres postopératoires ont été analysés, notamment le saignement postopératoire des 24 heures (moyenne 575 ml), le nombre de patients transfusés (412 sur les 988 opérés), le tout avec une durée de séjour hospitalier moyenne de 12,3 jours (médiane à 11,0 jours). Les complications non létales étaient avant tout des insuffisances rénales (65), des complications neurologiques (33 dont 17 régressives) et pleuro-pulmonaires (49). Figure 1. Facteurs de risque opératoire (période 2000-2004). Résultats éloignés Ils ont été évalués par des enquêtes auprès du malade, du médecin traitant et du cardiologue pour les 905 patients ayant survécu à l’intervention. On note seulement 3 perdus de vue, soit un taux de suivi de 99,7 % avec un total de 4 446 années-patients. Le suivi moyen est de 5 ans (± 3,2). Les décès tardifs sont imputables à la prothèse (selon les Guidelines de Edmunds de 1996(4)) dans 64 cas (dont 59 liés à des AVC ne faisant pas leur preuve et donc imputés à la prothèse) ; 109 (23 %) sont liés à une défaillance cardiaque. Les autres décès sont liés aux pathologies associées et au terrain. Les facteurs de mortalité tardive (p < 0,001, par ordre décroissant) sont : les comorbidités pré-opératoires sévères (insuffisance rénale, insuffisance respiratoire, cancer connu), la notion de poussée d’insuffisance cardiaque pré-opératoire, la notion d’altération de la fonction ventriculaire gauche (FE < 40 %). La courbe de survie à long terme (figure 2) montre (mortalité opératoire incluse) un taux de survie de 87,9 % à un an, 81,7 % à 2 ans, de 58,9 % à 5 ans (avec encore 379 patients exposés), et de 22,9 % à 10 ans (avec encore 77 patients exposés). Figure 2. Courbe de survie à long terme (mortalité opératoire incluse). Il est classique de comparer cette courbe de survie montrant 77 % de survivants à 3 ans à la courbe de survie de O’Keefe qui objectivait seulement 25 % de survivants à 3 ans (figure 3). Ces chiffres sont confirmés en 2006 par l’étude de Varadarajan(6) sur une large cohorte de patients non opérés. Figure 3. Survie du RA opéré : comparaison avec la série historique de O’Keefe. L’étude de la qualité de vie est capitale. La figure 4 résume l’évolution du stade fonctionnel NYHA : 89 % sont au stade I ou II en postopératoire (évaluation à un an) ; dans l’enquête effectuée auprès des opérés, les réponses aux deux questions fondamentales ont été les suivantes : – Quelle activité avez-vous ? : 62 % ont répondu « normale », 33 % ont répondu « réduite », 5 % ont répondu « aucune ». – Concernant le degré d’amélioration, les taux suivants ont été relevés : « très amélioré » 57 %, « amélioré » 40 %, « inchangé ou aggravé » 3 %. Figure 4. Qualité de survie (stade NYHA, et questionnaire). Cette étude démontre clairement la qualité des résultats en matière de durée de vie de ces patients octogénaires opérés (59 % de survie à 5 ans chez ces patients dont la moyenne d’âge initiale est de 82 ans), et surtout la qualité de vie, 97 % la disant très améliorée ou améliorée par cette chirurgie. Sur la mortalité opératoire actuelle • Résultats au CHU de Rennes (figure 3) : nous avons repris la mortalité opératoire pour les deux dernières années (soit les années qui peuvent être comparées à celles où se sont développées les techniques d’endovalves) : au CHU de Rennes en 2007 et 2008 ont été effectuées 2 692 interventions de chirurgie cardiaque majeure sous circulation extracorporelle. Parmi ces interventions, 1 281 sont des remplacements valvulaires aortiques. Sur cet effectif, 421 sont des remplacements valvulaires aortiques associés (à des remplacements de l’aorte ascendante ou surtout à des pontages coronaires) et 860 sont des remplacements valvulaires aortiques isolés. Parmi eux (figure 5), 191 patients sont âgés de plus de 80 ans : 9 sont décédés, soit un taux de 4,7 %. Un taux identique (4,7 %) est retrouvé dans la tranche 70-79 ans (425 patients, 20 décès) ; le taux de mortalité pour les patients de moins de 70 ans est de 2 % (5 décès sur 244 opérés). Figure 5. Risque opératoire actuel (2007-2008). • Des résultats du même ordre ont été retrouvés dans de nombreuses séries alors même que les estimations en scores de risque (notamment par l’EuroSCORE) estiment le risque opératoire plus élevé. Ce sont ces chiffres mesurés sur l’EuroSCORE qui servent de base – pour une très large part en France – à la sélection des patients pour une technique endovalvulaire. Très récemment, ont été rediscutés des algorithmes de risque dans le cadre de la prévision de la mortalité opératoire dans les groupes dits à haut risque. Ainsi l’étude de Dewey, en 2008, compare quatre scores (STS, EuroSCORE additif, EuroSCORE logistique et score de Ambler) pour des résultats à court terme et à long terme en matière de remplacement valvulaire aortique isolé. Il conclut que, pour le groupe des patients à haut risque (10 % des malades de chaque série représentant les plus hauts risques), le score du STS apparaît plus proche de la réalité observée, et qu’ensuite l’EuroSCORE additif semble plus fiable que l’EuroSCORE logistique. De la même façon, Osswald en 2009 rapporte une série de 1 545 remplacements valvulaires aortiques isolés effectués entre 1994 et 2006. Il conclut lui aussi que la mortalité opératoire observée est inférieure à celle qui est définie par l’EuroSCORE qu’il soit additif ou logistique, spécialement pour les groupes de patients à haut risque. La comparaison entre les alternatives « percutanées » et les RVA chirurgicaux doit se faire dans les mêmes sous-groupes, avec les mêmes critères. Sur la durabilité du résultat et la qualité de la survie à distance Les taux de survie à 5 ans sont de l’ordre de 60 % chez les octogénaires opérés, ce qui correspond pratiquement à la courbe de survie d’une population témoin du même âge (source INSEE). Le RVA chirurgical, au travers des grandes séries publiées constitue une référence validée, tant pour les chiffres de survie, que pour l’analyse de la qualité de vie – paramètre fondamental ayant fait l’objet de mise en place de référentiels fiables. Enfin, la durabilité des matériaux mis en place – les bioprothèses de 2e ou 3e génération – rend exceptionnelles les indications de réintervention dans les populations opérées. Ainsi, dans notre série initiale des bioprothèses de 2e génération (1 000 patients opérés d’un RVA par bioprothèse de Carpentier Edwards supra-annulaire), dans le sous-groupe de patients de plus de 70 ans (809 cas), les taux d’altération et de réintervention pour altération, à 15 ans, sont respectivement de 3 % et 1 %. Le risque réel de ré-opération pour altération est de l’ordre de 1 % pour les patients opérés après 70 ans. Sur l’analyse médico-économique Les travaux effectués par l’équipe de Portland objectivent l’intérêt médico-économique, même sur les populations âgées de plus de 80 ans. Là encore, le RVA par voie chirurgicale conventionnelle peut apparaître comme une référence à utiliser pour valider l’intérêt des alternatives moins invasives. En pratique Le traitement de référence du RA serré reste le RVA chirurgical, même dans le groupe des sujets âgés. Les mises en place des valves par voie dite « percutanée » peuvent trouver leur intérêt majeur chez les patients inopérables (notamment les thorax « hostiles ») ou les hauts risques chirurgicaux si les comordidités ne compromettent pas la qualité de vie, objectif qui donne tout son sens à cette thérapeutique.

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