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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 29 nov 2011Lecture 4 min

FA : contrôle du rythme ou de la fréquence ? Un entretien avec P. Mabo (Rennes)

Propos recueillis par C. LAMBERT

L’incidence de la fibrillation auriculaire (FA) ne cesse d’augmenter et sa prise en charge constitue un problème de pratique quotidienne. La traditionnelle question du contrôle du rythme ou de la fréquence se pose quotidiennement au clinicien.

Cardiologie Pratique - Dans les dernières recommandations de l’ESC sur la prise en charge de la FA est apparue la classification EHRA (encadré) évaluant la sévérité des symptômes. Quel est l’impact de cette classification sur la conduite thérapeutique ? Philippe Mabo. Il est trop tôt pour juger de cet impact, car il n’y a pas eu d’évaluation rétrospective. L’idée de cette classification était d’essayer, comme on le fait pour l’insuffisance cardiaque, de mieux préciser le statut fonctionnel des patients. En effet, la stratégie de contrôle de la fréquence est avant tout basée sur la symptomatologie, il était donc logique de proposer une méthode donnant des valeurs plus quantifiables. L’objectif est donc justifié et intéressant, mais je crains qu’il y ait peu d’impact pratique car les cardiologues ne connaissent pas cette classification et les médecins généralistes encore moins. C’est pourquoi je ne pense pas qu’aujourd’hui elle soit intégrée à leur pratique. Fera-t-elle partie de l’enseignement des futurs générations et est-ce que, dans un avenir plus ou moins lointain, tout les praticiens raisonneront, comme pour l’insuffisance cardiaque, en classes I, II, III et IV de la FA ? Si tel est le cas, je pense que cela prendra du temps. Cardiologie Pratique - Dans ces mêmes recommandations, le contrôle de la fréquence et celui du rythme ne semblent plus opposés mais complémentaires. Cela a-t-il modifié la prise en charge des patients atteints de FA ? P. Mabo. En effet, le contrôle de la fréquence est associé la plupart du temps au contrôle du rythme, mais cela était déjà contenu dans les recommandations de 2007 de façon implicite. En pratique, c’est ce que nous faisions puisque la plupart des patients qui avaient un contrôle du rythme avaient également un traitement cardio-ralentisseur. Ainsi, la question s’est souvent posée chez les patients recevant du flécaïnide de savoir si, en cas de récidive de la FA, il faut associer un bêtabloquant. En revanche, si on a opté pour un contrôle unique de la fréquence, il n’y pas de raison de laisser un traitement purement antiarythmique. Cardiologie Pratique - Les résultats de l’étude De Vos présentés au congrès de l’HRS (Heart Rythm Association) montrent que les patients traités par antiarythmiques évoluent moins vers une FA persistante ou permanente que ceux qui ne sont pas traités. Cela doit-il inciter les cardiologues à traiter le plus tôt possible en cherchant le maintien du rythme sinusal ? P. Mabo. Nous sommes ici au cœur du débat et je pense que nous n’avons pas encore la réponse définitive. De façon intuitive, nous avons tous le sentiment qu’un rythme sinusal vaut mieux qu’une FA. L’étude De Vos n’est pas une grosse étude et d’autres essais donnent des résultats contradictoires. Par exemple, dans l’étude de la Mayo Clinic, le contrôle de la fréquence donne de bons résultats à long terme. Le problème est que nous avons beaucoup de mal à maintenir un rythme sinusal. Le fait que l’une des stratégies ne soit pas significativement supérieure à l’autre tient notamment à ce que, dans le groupe contrôle du rythme, il existe un taux de récidives qui demeure trop important, alors que dans le groupe contrôle de la fréquence, un nombre non négligeable de patients revient en rythme sinusal. En d’autres termes, si nous avions aujourd’hui le traitement idéal pour réduire 90 % des FA sans effets indésirables, nous démontrerions sans difficulté qu’il vaut mieux laisser les patients en rythme sinusal. Mais tel n’est pas le cas et, même en comptant l’ablation, nous ne pouvons être sûrs ni de l’efficacité, ni de l’innocuité de nos traitements. Dans ma pratique, j’opte toujours en première intention pour une stratégie de contrôle du rythme, y compris chez des sujets jeunes ayant peu de symptômes. Toutefois, il faut savoir s’arrêter et ne pas courir trop de risque lorsqu’on n’arrive pas à obtenir un rythme sinusal. Cardiologie Pratique - La dronédarone a fait son entrée dans les recommandations ESC de 2010. Un peu plus d’un an plus tard après la mise à disposition de ce médicament et suite à la réévaluation européenne, quelle est aujourd’hui la place de cette molécule dans la prise en charge de la FA ? P. Mabo. Le repositionnement de la dronédarone par l’EMEA fait qu’elle a désormais globalement toutes les contre-indications des antiarythmiques de classe Ic. Elle a, en effet, perdu son originalité quant à la possibilité d’utilisation dans l’insuffisance cardiaque, mais elle peut conserver un intérêt dans les cardiopathies ischémiques à fonction ventriculaire gauche conservée. Cardiologie Pratique - Les recommandations soulignent les effets secondaires des antiarythmiques. Faut-il en conclure qu’il s’agit d’une prescription de spécialiste, de rythmologue ? P. Mabo. Indiscutablement oui. La première prescription d’un antiarythmique reste du domaine du cardiologue, car il faut s’assurer de l’absence de cardiopathie sous-jacente et de troubles de conduction. De plus, l’échocardiographie est, lors de la découverte d’une FA, fortement conseillée dans le bilan. Que la prescription initiale soit une prescription de spécialiste est aussi un moyen d’éviter les dérapages, car aujourd’hui la meilleure façon de condamner un médicament est son mésusage.

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