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Diabéto-Cardio

Publié le 15 sep 2009Lecture 7 min

Spécificités du patient diabétique coronarien en cardiologie interventionnelle

O. VARENNE, Service de Cardiologie. Hôpital Cochin, Paris P. COMMEAU, Service de Cardiologie, Polyclinique des Fleurs, Ollioules

APPAC

Les laboratoires ABBOTT Vascular ont sponsorisé un meeting sur les patients diabétiques durant le dernier congrès de l’APPAC à Biarritz en mai dernier. La justification de ce symposium tient au fait que les patients diabétiques sont de plus en plus nombreux et que leur prise en charge spécifique ne peut être ignorée des cardiologues en général et des cardiologues interventionnels en particulier.

La prévalence du diabète de type 2 croît rapidement dans les pays industrialisés, parallèlement à l’augmentation de l’obésité. Par rapport à l’année 2000, en 2030, l’incidence du diabète de type 2 devrait ainsi augmenter de 32 % en Europe, et jusqu’à 150 % en Inde et 164 % au Moyen Orient, aboutissant à plus de 171 millions de patients diabétiques (figure 1). Figure 1. Incidence du diabète de type 2 et variation entre 1 000 et 2 030. NEJM. Chez le diabétique, des lésions plus sévères et plus précoces La fréquence du diabète de type 2 chez les patients coronariens admis pour syndrome coronaire aigu est sous-estimée en cas d’absence de dépistage hospitalier ou de détection des patients connus comme étant non diabétiques. Ainsi, dans le registre Euro Heart Survey, parmi les patients admis pour coronaropathie, une anomalie de la régulation glycémique était détectée par hyperglycémie orale provoquée chez 1 900 patients non diabétiques connus. Une intolérance au glucose (glycémie à jeun < 7 mmol/l et une glycémie 2 h après 75 g de glucose > 7,8 mmol/l et < 11 mmol/l) ou un diabète avéré (glycémie à jeun ≥ 7 mmol/l ou glycémie 2 h après 75 g de glucose ? 11 mmol/L) étaient dépistés chez 32 % et 22 % des patients respectivement, soit plus de la moitié d’entre eux. La proportion de patients était identique chez les patients dépistés au décours de l’hospitalisation et au cours d’une consultation externe (Bartnik et al. Euro Heart J 2004; 25:1880-90). Le moment de la détection du diabète a été discuté. Dans un registre suédois, les proportions de patients détectés au moment de l’hospitalisation ou 3 mois après la sortie de l’hôpital sont similaires (Norhammar et al. Lancet 2002; 359:2140). La Société européenne de cardiologie recommande (IB) la réalisation d’un dépistage du diabète de type 2 chez les patients non diabétiques, au mieux par un test d’hyperglycémie provoquée, chez tous les patients avec coronaropathie documentée (figure 2). Figure 2. Recommandation de la Société Européenne de Cardiologie pour la détection d’un diabète ou d’une intolérance au glucose par test d’hyperglycémie orale provoquée chez tous les patients avec atteinte coronaire athéroscléreuse sans diabète connu. Les patients diabétiques souffrent d’une atteinte athéroscléreuse coronaire plus précoce, plus diffuse et plus sévère que les patients non diabétiques. Ainsi, le patient diabétique est fréquemment un patient polyvasculaire avec une atteinte athéroscléreuse coronaire, rénale, des membres inférieurs et du cerveau. Aux États-Unis entre 1997 et 2003, parmi les patients diabétiques de type 2 âgés de plus de 35 ans (5,2 millions de patients), 3,5 millions de patients avaient une coronaropathie et 1,5 millions de patients avaient un antécédent d’accident vasculaire cérébral. Les coronaropathies sont plus sévères chez les patients diabétiques, avec des lésions plus longues, sur des vaisseaux diffusément infiltrés et de plus petit calibre, avec plus souvent une atteinte du tronc commun, davantage de calcifications coronaires, d’occlusions chroniques et d’atteintes pluritronculaires. La récente étude randomisée SYNTAX comparant le stent actif au paclitaxel (TAXUS) et la chirurgie de pontages comportait 452 patients diabétiques. Ces patients avaient des profils de risque défavorables : davantage de patients hypertendus, de patients hyperlipidèmiques, de patients en insuffisance cardiaque, d’atteinte vasculaire périphérique, d’antécédents d’AVC, d’insuffisance rénale, de lésions coronaires et d’atteintes tritronculaires (tableau 1). Choix de la revascularisation Les patients coronariens diabétiques de type 2, en plus d’avoir des lésions plus complexes, sont plus souvent exposés à la resténose intrastent après implantation d’un stent nu. Ils sont aussi exposés à une augmentation de la mortalité après angioplastie. Les stents actifs de première génération (Cypher et Taxus) ont été largement utilisés chez les patients diabétiques avec un effet bénéfique marqué et durable sur 4 ans (Stettler et al. BMJ 2008 ;337:a1331) (figure 3). Lors des études et des registres incluant des patients diabétiques à haut risque et pluritronculaires, la thrombose de stent est apparue plus fréquente dans cette population, mais sans impact significatif sur la mortalité globale dans l’analyse « network » de Stettler et al, (BMJ 2008 ; 337 : a1331). Figure 3. Network analyse de Stettler et al. Risque de revascularisation de la lésion cible (TLR) après implantation de stent nu, stent au sirolimus (SES, Cypher) ou au paclitaxel (PES, Taxus). Réduction de TLR de 71 % et 62 % avec les stents SES et PES respectivement. Stettler et al. BMJ. 2008 Aug 29;337:a1331. Dans le registre nord-américain MASS-DAC, les patients diabétiques recevant un stent actif (majoritairement CYPHER) étaient appariés à des patients diabétiques recevant un stent nu et ayant de profil de risque voisin. Cet appariement permet de démasquer un effet bénéfique des stents actifs sur la mortalité (-3 % (IC 95 % : -5,5 %, -0,5 %, p = 0,02)) et le risque de réinfarctus (-3,3 % (IC 95 % : -5,7 %, -1 %, p = 0,006)) associé à une réduction des taux de revascularisation (-5,4% (IC 95 % -8,1 %, -2,6 %, p < 0,001)) (tableau 2). Les stents actifs, s’ils améliorent significativement le taux de resténose, ne placent malheureusement pas les diabétiques au même niveau de risque que les patients non diabétiques. L’utilisation des stents à élution de paclitaxel (TAXUS) dans l’étude SYNTAX, est associée chez les patients diabétiques à un risque accru de revascularisation coronaire quel que soit le degré de complexité des lésions coronaires traitées (score SYNTAX bas, intermédiaire ou haut) (figure 4), les patients avec score SYNTAX élevé ayant même une augmentation significative de la mortalité en cas de revascularisation par angioplastie par rapport à la chirurgie à 1 an. L’utilisation de stents actifs de seconde génération (Xience V) chez les patients diabétiques est en cours d’évaluation dans un registre prospectif international (FEDIX/MEDIX). Les résultats du stent XIENCE V dans les études SPIRIT II et SPIRIT III démontrent un bénéfice sur la resténose angiographique par rapport au stent TAXUS, sans bénéfice clinique associé. Figure 4. Etude SYNTAX. Risque de revascularisation des patients non diabétiques et diabétiques traités par angioplastie et stents actifs TAXUS ou chirurgie de pontage. Les patients non diabétiques ont des taux de revascularisation qui augmentent en cas de revascularisation avec stents actifs progressivement des lésions les moins complexes aux lésions les plus complexes. Les patients non diabétiques ont des taux de revascularisation en cas de stents actifs toujours supérieurs à la chirurgie quel que soit la sévérité du score SYNTAX. Une procédure soigneuse Le choix du stent s’associe à une bonne préparation du geste d’angioplastie : prévention des néphropathies liées au produit de contraste par arrêt des drogues néphrotoxiques au moins 24 h avant l’angioplastie et reprise de la metformine après retour de la créatinine aux valeurs de base. Il convient également de bien hydrater les patients diabétiques et de limiter les injections de produit de contraste, préférentiellement de basse osmolarité. Durant l’angioplastie des patients avec syndrome coronaire aigu, l’utilisation des anti-GpIIb/IIIa, et en particulier de l’abciximab (Reopro), est associée à un bénéfice en termes de mortalité à 30 jours. Il est par ailleurs démontré que de nombreux patients diabétiques sont de mauvais répondeurs aux antiplaquettaires habituels et que ces « résistances » sont associées à une péjoration du pronostic clinique. L’utilisation de nouvelles thiénopyridines comme le prasugrel pourrait répondre en partie à ce problème. Dans l’étude TRITON, le prasugrel (60 mg en dose de charge et 10 mg en dose d’entretien) est supérieur au clopidogrel (300 mg en charge et 75 mg en entretien) dans la survenue des événements ischémiques et des thromboses de stents, ce bénéfice n’étant pas associé, dans la population des patients diabétiques (n = 3 146), à un risque accru de saignement (figure 5). Figure 5. Etude TRITON. Patients diabétiques (n = 3 146). Bénéfice du prasugrel (60/10 mg) sur le clopidogrel (300/75 mg) dans la réduction des évènements ischémiques, sans majoration du risque de saignement. Viser les cibles Ces mesures péri-interventionnelles doivent être associées à une optimisation du profil de risque dont les objectifs sont plus stricts que chez les patients non diabétiques, ce qui justifie une fois de plus, le dépistage du diabète de type 2 chez les patients non diabétiques connus. Le contrôle glycémique doit être strict, attesté par des taux d’HBA1c < 6,5-7%, la pression artérielle doit être < 130 mmHg et 80 mmHg (en dehors de toute atteinte rénale). Le taux de LDL-cholestérol doit être < 1g/l et même < 0,7g/l dans les recommandations américaines. La perte de poids doit être systématiquement recherchée, en association avec l’arrêt du tabagisme et l’activité physique régulière (> 150 min/sem), l’ensemble de ces mesures devant être pris conjointement pour bénéficier au patient (stratégie multifactorielle). En pratique La détection d’un trouble de la régulation glycémique est recommandée et nécessaire chez les patients non diabétiques connus pour optimiser la prise en charge par le cardiologue interventionnel et la prévention secondaire. Le geste d’angioplastie doit être entouré de mesures spécifiques de protection néphronique, d’antiagrégation plaquettaire optimisée (abciximab dans les syndromes coronaires aigus, place du prasugrel) et utilisation, lorsque cela est possible, de stents actifs. Les mesures thérapeutiques de prévention secondaire (bêtabloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, statines, antiplaquettaires) doivent être associées pour tenter d’obtenir les cibles recommandées (pression artérielle, poids, LDL-cholestérol, HbA1c, etc.).

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