Publié le 15 jan 2008Lecture 4 min
Stimulation et insuffisance cardiaque : la télémédecine remplacera-t-elle le suivi clinique ?
A. LAZARUS, InParys, Clinique Bizet (Paris) et du Val d’Or (Saint- Cloud)
La possibilité d’évaluer à distance le fonctionnement d’un stimulateur cardiaque existe depuis des décennies. Appelée suivi transtéléphonique, cette technique se limite à une brève bande ECG et à l’analyse de la fréquence magnétique, items rudimentaires et totalement décalés par rapport aux fonctionnalités et capacités diagnostiques des appareils de stimulation modernes.
Les axes de développement
Forts de ce constat, les industriels ont travaillé selon deux axes de développement :
- une évolution technique du suivi transtéléphonique, nécessitant une participation active du patient pour initier une transmission peu fréquente, mais offrant alors accès à l’ensemble des données de l’appareil. Sauf transmission motivée par des symptômes inhabituels, ce concept conduit donc, comme lors des visites systématiques au centre de stimulation, à la découverte généralement tardive d’éventuelles anomalies ;
- plus innovant : la prothèse capable de communiquer automatiquement et quotidiennement, sans fil (figure 1). La détection précoce de problèmes techniques ou médicaux devient ainsi possible, même si une anomalie est asymptomatique, et avant qu’elle ne devienne éventuellement symptomatique (ex : dégradation hémodynamique au fil des jours en raison d’une fibrillation atriale initialement asymptomatique).
Figure 1. Système de télécardiologie (Biotronik). La prothèse envoie ses données toutes les nuits, sans fil, vers le transmetteur externe qui les expédie via les réseaux de téléphonie mobile vers un serveur central gérant l’ensemble des patients dans le monde. En quelques minutes, l’information est transmise, décryptée, et incorporée au dossier électronique du patient consultable par son centre de rythmologie sur un site internet sécurisé.
Tous les systèmes ont néanmoins des points communs, dont le fait qu’aucun ne permet de reprogrammer à distance la prothèse. Stimulateur ou défibrillateur, si une modification des réglages est nécessaire, le patient devra dans tous les cas se déplacer vers son centre de rythmologie.
En France, un seul de ces systèmes est disponible en pratique routinière. Utilisé chez des milliers de patients, il permet d’effectuer :
- des télésuivis à intervalles réguliers, par exemple semestriels, en analysant l’ensemble des données transmises jusque-là par la prothèse ;
- une télésurveillance permettant d’informer rapidement le centre de stimulation en cas de survenue d’une des alertes présélectionnées (figure 2).
Figure 2. La télémédecine en stimulation/défibrillation cardiaque forme un réseau, centré sur le patient, impliquant le médecin traitant, le cardiologue et le centre de stimulation. Les informations sont reportées par le centre de surveillance vers les médecins du patient lorsqu’il s’agit d’anomalies d’ordre médical, et gérées au centre de stimulation s’il s’agit d’un problème technique nécessitant une intervention sur le système implanté.
Résultats en pratique
Une analyse rétrospective, l’étude AWARE, portant sur plus de 11 000 patients suivis par télécardiologie (Biotronik) de façon routinière, dans la « vraie vie », a été publiée en 2007. Il en ressort que la majorité (86 %) des événements anormaux notifiés au centre qui suit le patient sont d’ordre médical : arythmies atriales ou ventriculaires, taux de délivrance de la resynchronisation insuffisant, ou anomalies corrélées à l’état hémodynamique (niveau d’activité quotidienne, fréquences cardiaques moyennes, etc.). En cas d’événement asymptomatique, cette étude montre que le système peut, en moyenne, détecter le problème 5 mois plus tôt qu’un suivi classique semestriel au centre de stimulation.
Tous types de prothèses confondus, pour ces patients issus de 23 pays, un centre de stimulation reçoit en moyenne 0,6 message/patient/mois lié à la survenue d’une des anomalies pré- sélectionnées par le médecin. Dans notre centre, ce taux n’est que de 0,2 message/patient/mois en raison d’une programmation encore plus rigoureuse des paramètres du stimulateur ou du défibrillateur, et d’un choix raisonné, individualisé, des événements à notifier.
Boston Scientific a également communiqué sur les alertes émises via son système de télémédecine, disponible aux États-Unis. Sur un collectif de 10 000 patients ayant un défibrillateur triple chambre, 9,7 % ont reçu des chocs sur arythmies ventriculaires, 6 % ont présenté des arythmies atriales durant plus de 24 heures et 0,6 % des événements cliniques « urgents ».
Alors, la télémédecine remplacera-t-elle le suivi clinique ?
Pour répondre, analysons le contenu type d’une visite de contrôle.
La surveillance d’un porteur de stimulateur ou de défibrillateur comprend un versant technique (impédance(s) de sonde(s), niveau de batterie, qualité de la détection et seuil(s) de stimulation) et un versant plus médical (aspect de la loge, signes fonctionnels, ECG de surface, données rythmiques mémorisées depuis le précédent contrôle). En resynchronisation, s’ajoutent à cette liste la vérification du taux de stimulation biventriculaire, la recherche d’une stimulation phrénique, de signes de dégradation fonctionnelle, l’analyse ECG de la capture ventriculaire et des données liées à l’hémodynamique (fréquence cardiaque moyenne, variabilité sinusale, activité du patient, etc.). Le recours à des explorations complémentaires (écho-Doppler cardiaque, épreuve d’effort cardio-respiratoire) vient régulièrement compléter le bilan et l’optimisation du résultat hémodynamique.
Or, les systèmes de télémédecine permettent de surveiller la majorité, mais pas l’ensemble de ces items. En particulier, au plan médical, l’appréciation de l’état cutané au niveau de la loge de l’appareil et le recueil des signes fonctionnels du patient nécessitent un contrôle direct par le médecin et/ou le cardiologue traitant. On peut donc considérer que, plutôt que remplacer, la télémédecine renforcera le suivi clinique en permettant la détection précoce d’anomalies, ouvrant la voie à des interventions anticipées afin de réduire la morbi-mortalité des patients. Cela nécessitera, plus que jamais, une collaboration étroite, en réseau, entre tous les intervenants médicaux prenant en charge ces insuffisants cardiaques (figure 2).
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