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Coronaires

Publié le 10 avr 2007Lecture 7 min

Syndromes coronaires aigus : apport des nouvelles molécules

J.-P. BASSAND, hôpital Jean Minjoz, Besançon


Les Journées européennes de la SFC
De nouvelles recommandations de prise en charge des syndromes coronaires aigus sont en cours d’élaboration des deux côtés de l’Atlantique. En 2007, paraîtront les nouvelles recommandations pour la prise en charge des SCA avec et sans sus-décalage du segment ST, produites, d’une part, par la Société européenne de cardiologie, d’autre part, par l’American College of Cardiology/American Heart Association. Il ne faut pas en attendre de grandes révolutions ; la prise en charge des syndromes coronarines aigus restera basée à la fois sur la revascularisation/reperfusion et sur l’utilisation d’un environnement pharmacologique particulier. C’est au niveau de l’environnement pharmacologique que les plus grands changements vont apparaître. En effet, de nouvelles molécules ont été testées dans des essais cliniques de grande taille. Leurs résultats vont indiscutablement modifier la conception de prise en charge de ces malades.

    Jusqu’à une époque récente, la prise en charge du SCA visait à réduire la fréquence des événements ischémiques, décès, infarctus, accidents vasculaires cérébraux, sans tenir compte des effets secondaires, en particulier hémorragiques, de la thérapeutique. À ce jour, le bénéfice thérapeutique sur les événements ischémiques, quelle que soit la thérapeutique considérée, a toujours été obtenu au prix d’un excès de complications hémorragiques, considérées comme indissolublement liées à l’amélioration de l’efficacité des traitements antithrombotiques (anticoagulants et antiplaquettaires). Désormais ce n’est plus vrai puisqu’il est possible de réduire la fréquence à la fois des complications ischémiques et des complications hémorragiques, chose jusqu’alors considérée comme utopique.   Fondaparinux Le fondaparinux est un pentasaccharide synthétique dont l’unique propriété est une inactivation du facteur Xa engendrant une inhibition profonde de la génération de thrombine. L’efficacité de ce médicament dans la maladie thromboembolique veineuse, en prévention ou en traitement, a été démontrée de façon extensive dans de nombreux essais cliniques. Il a été testé dans des essais de phase II dans les SCA avec et sans sus-décalage du segment ST. Plus récemment, deux essais OASIS (Organization to Assess Strategies for Ischemic Syndromes) de grande envergure ont testé ce produit dans les SCA sans sus-décalage du segment ST (OASIS-5)(1) et avec sus-décalage du segment ST (OASIS -6)(2).   OASIS-5 Dans cette étude le fondaparinux a été comparé à l’énoxaparine :une réduction de près de 50 % des complications hémorragiques, en particulier graves, a été obtenue avec le fondaparinux comparativement à l’énoxaparine. Cette réduction de fréquence des complications hémorragiques a conduit à une réduction significative du taux de décès, décès + infarctus, décès + infarctus + accidents vasculaires cérébraux à 30 jours et à 6 mois. C’est la première fois historiquement qu’une réduction de mortalité a été observée dans un essai incluant des malades avec syndrome coronarien aigu sans sus-décalage de ST. À ce jour, la réduction d’événements au cours des essais cliniques n’avait porté que sur l’objectif combiné décès + infarctus. Pour la première fois dans un essai clinique, on démontre qu’une réduction des complications hémorragiques entraîne une réduction des événements ischémiques, en particulier des décès. La quasi-totalité de la réduction des décès dans Oasis 5 est liée à la réduction des complications hémorragiques. L’impact des complications hémorragiques sur les événements ischémiques était soupçonné depuis plusieurs années. Plusieurs métaanalyses avaient montré que la survenue d’une hémorragie multiplie par 4 le risque de décès ou d’infarctus à 30 jours(3-5). Oasis-5 montre que la réduction des complications hémorragiques permet de réduire ce risque. En d’autres termes, un nouveau paradigme est né. Les complications hémorragiques ne doivent plus être considérées désormais comme inhérentes au traitement antithrombotique, tout comme le prix à payer pour une augmentation d’efficacité. On considère désormais que la prévention des événements ischémiques et des événements hémorragiques revêtent une égale importance dans la prise en charge des SCA. Dans cet essai, des thromboses de cathéter ont été observées dans les deux groupes, énoxaparine et fondaparinux, chez les patients soumis à angioplastie. La fréquence de ces thromboses de cathéter a été significativement plus élevée avec le fondaparinux qu’avec l’énoxaparine (0,4 versus 0,9 %). Il semble que ces thromboses de cathéter soient liées à l’incapacité du fondaparinux et à un degré moindre de l’énoxaparine à inhiber la coagulation de contact de sorte qu’une dose supplémentaire d’héparine non fractionnée sera nécessaire chez les patients soumis à angioplastie, prétraités par fondaparinux. À signaler que dans Oasis-5, l’addition d’héparine non fractionnée au cours de l’angioplastie en plus du fondaparinux n’a pas augmenté la fréquence des complications hémorragiques. OASIS-6 Cet essai plus complexe s’adressait à des infarctus avec sus-décalage de ST. Il a incorporé 12 000 pa- tients représentant le spectre complet des infarctus du myocarde admis dans les unités de soins intensifs coronariens, c’est-à-dire patients soumis à angioplastie primaire, à traitement thrombolytique par streptokinase ou thrombolytique fibrino-spécifique ou patients non reperfusés pour raisons diverses. Oasis-6 est confirmatif d’Oasis-5. Une réduction significative des complications ischémiques a été obtenue dans cet essai avec le fondaparinux comparativement au traitement témoin. À 30 jours et 6 mois, une réduction significative du critère combiné décès + infarctus, mais également une réduction significative des décès, a été obtenue. Cet effet bénéfique a été observé chez les sujets soumis à un traitement thrombolytique ou non reperfusés, mais pas chez les sujets soumis à angioplastie directe, où aucun bénéfice apparent n’a été observé. Comme dans Oasis-5, l’effet bénéfique sur les événements ischémiques a été obtenu sans excès de complications hémorragiques. Une réduction des complications hémorragiques de l’ordre de 18 % a été obtenue. Elle n’est pas significative, mais le moins que l’on puisse dire est que l’effet bénéfique a été obtenu sans majoration des complications hémorragiques, contrairement à ce qui a été observé dans EXTRACT TIMI 25(6). Dans Oasis-6 comme dans Oasis-5, des thromboses de cathéter ont été observées avec le fondaparinux chez les patients soumis à angioplastie primaire. Ces thromboses de cathéter n’ont pas été observées chez les patients qui avaient été prétraités par héparine non fractionnée, ce qui une fois encore confirme les données d’Oasis-5. Il est toutefois clair que le fondaparinux ne peut pas être raisonnablement conseillé comme traitement anticoagulant dans l’angioplastie primaire. En revanche, il représente une alternative intéressante à l’héparine ou l’énoxaparine en complément du traitement thrombolytique. Par ailleurs, pour la première fois, on démontre de façon claire qu’un traitement anticoagulant par le fondaparinux permet d’améliorer très significativement le pronostic des patients non soumis à reperfusion, sans excès de complications hémorragiques. Il est trop tôt pour dire quel seront les niveaux de recommandation pour l’utilisation du fondaparinux dans les syndromes coronariens aigus, en particulier avec sus-décalage de ST mais il est important de souligner que ces deux essais ont complètement changé la vision que nous avions de la prise en charge de ces patients.   Bivalirudine La bivalirudine est une antithrombine pure qui n’a intrinsèquement pas d’autre effet qu’anticoagulant. Ce produit est à présent utilisé dans le contexte de l’angioplastie, surtout en Amérique du Nord, très peu en Europe compte tenu de son prix comparativement à l’héparine. Il a été testé dans l’essai Acuity(7) chez un peu plus de 13 000 malades souffrant de SCA sans sus-décalage de ST avec stratégie invasive précoce. Cet essai complexe a comparé trois groupes, l’un comportant un anticoagulant conventionnel (héparine non fractionnée ou de bas poids moléculaire) + anti-GPIIb/IIIa, un second avec bivalirudine + anti-GPIIb/IIIa, un troisième avec bivalirudine seule. L’originalité de cet essai se trouve dans le choix du critère principal de jugement. Comme dans l’essai qui avait testé la bivalirudine dans l’angioplastie, un critère combiné associant événements ischémiques et hémorragiques a été choisi. Aucune différence d’efficacité et de sécurité d’emploi n’a été observée dans les deux groupes qui comportaient un anti-GPIIb/IIIa. En revanche, une réduction significative de la fréquence du critère combiné a été observée dans le groupe bivalirudine seule comparé au groupe avec anticoagulant classique plus anti-GPIIb/IIIa, liée essentiellement à une réduction des complications hémorragiques. Cela confirme simplement une notion déjà connue, à savoir que l’addition d’un anti-GPIIb/IIIa à un traitement anticoagulant entraîne un excès de complications hémorragiques. Dès lors, comparer un antico-agulant seul à une association anticoagulant + anti-GPIIb/IIIa conduit fort logiquement à une réduction des complications hémorragiques dans le groupe avec anticoagulant seul. Le message venant d’ACUITY serait recevable à la condition que le taux d’événements ischémiques dans le groupe bivalirudine seule ne soit pas significativement différent de celui observé dans le groupe anticoagulant + anti-GP IIb/IIIa. Or, ce n’est justement pas le cas : le taux d’événements ischémiques s’est avéré plus élevé dans le groupe bivalirudine seule, atteignant la limite de non-infériorité, définie dans cet essai de façon particulièrement libérale (limite de non-infériorité établie à 1,25, en contradiction avec les recommandations des autorités de santé). En bref, le message provenant d’ACUITY est différent de celui d’Oasis-5 : Certes, il existe une réduction du risque hémorragique avec la bivalirudine seule. Toutefois, cette réduction de fréquence des complications hémorragiques n’a pas d’impact sur le taux d’événements ischemiques. Au contraire, un excès d’événements ischémiques est observé avec la bivalirudine seule, ce qui confirme qu’un traitement antiplaquettaire puissant est nécessaire chez ces patients dès lors qu’on envisage une procédure invasive et une revascularisation instrumentale.   Quelle sanction pratique ?   Une fois encore, il est trop tôt pour déterminer l’impact de cet essai sur la prise en charge des syndromes coronariens aigus. Les recommandations sont en cours de rédaction, les dossiers sont analysés dans le détail par les autorités de santé (FDA aux États-Unis, EMEA en Europe). Il faudra encore attendre pour connaître les conditions d’utilisation de ces produits dans les syndromes coronaires aigus. Le message principal à retenir : désormais il n’est plus possible de prendre en charge ces patients sans se préoccuper du risque hémorragique. Les recommandations à venir seront très claires sur ce point, et proposeront des algorithmes pour évaluer le risque hémorragique en plus du risque ischémique.

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