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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 17 juin 2008Lecture 10 min

Techniques ablatives : un nouveau souffle venu du froid

G. JAUVERT et C. ALONSO, Inparys, Saint-Cloud


CARDIOSTIM
De nombreux abstracts d’électrophysiologie ont été reçus, plus de 300 dont environ 40 % ont été retenus. Un quart des abstracts d’ablation au moins rapportent des résultats de cryoablation sur presque tous les fronts de l’ablation.
L’ablation est une approche thérapeutique élégante des troubles du rythme qui gagne progressivement du terrain sur les traitements médicamenteux seuls. Malgré son caractère invasif, les taux de succès sont séduisants et compensent les risques de complications. L’évolution exponentielle des matériels et l’intégration de l’imagerie s’attachent particulièrement à maintenir des taux de succès aussi bons tout en réduisant les temps de procédure et les risques pour le patient, notamment l’exposition aux rayons X.

Le point sur l’ablation de la fibrillation atriale En une douzaine d’années, cette approche invasive du traitement de la FA a permis de révolutionner le monde de la rythmologie interventionnelle, tant sur le plan médical qu’industriel. Les indications d’ablation dans leur ensemble se sont renforcées et radicalement modernisées. Partie de Bordeaux, l’ablation de la FA s’est rapidement diffusée à travers le monde, témoin du bien-fondé de cette idée novatrice et de sa faisabilité. Comme en témoignent l’ensemble des abstracts, l’ablation de la FA ne s’adresse pas seulement aux FA paroxystiques. Un tiers des patients traités ont une FA persistante ou permanente. Dans une métaanalyse de 7 études randomisées ayant inclus 773 patients, Bonano et coll. rapportent que l’ablation de la FA permet de réduire de 72 % le taux de récidive d’arythmie comparativement aux traitements conventionnels. Les résultats de la radiofréquence Les approches sont multiples : déconnexion des veines pulmonaires, encerclement large des veines, réalisation de lignes au niveau du toit de l’oreillette gauche, de l’isthme mitral, le long du trajet du sinus coronaire, ciblage des potentiels fractionnés ou des plexus ganglionnaires. Les approches sont variablement combinées en fonction du type de FA (paroxystique, persistante, permanente), des équipes, du temps passé. Il en ressort néanmoins des résultats assez homogènes. Les résultats à 4 ans en moyenne de plusieurs équipes italiennes rapportés par Stabile et coll. sont satisfaisants : 65 % de maintien en rythme sinusal parmi 229 patients ayant une FA réfractaires aux antiarythmiques. En France, Pisapia et coll. présentent les résultats d’un registre prospectif multicentrique portant sur 346 patients : 61 % n’ont pas récidivé d’arythmie atriale et 37 % ont pu interrompre les traitements anticoagulants. Les outils de cartographie (système Carto®, Biosense-Webster et système Ensite NavX® (figure 1), Saint Jude Medical) sont utilisés de plus en plus fréquemment : dans 31 à 63 % des procédures d’ablation de FA paroxystique dans les plus grosses séries, et quasi exclusivement dans les procédures de FA persistante/permanente, dès lors qu’il y a recours à la réalisation de lignes d’ablation additionnelles en plus de la déconnexion des veines. Figure 1. Dynamic substrate mapping, Système Ensite Array®. La réalisation de lignes d’ablation supplémentaires en plus de la déconnexion des veines pulmonaires présente-t-elle un intérêt ? Dans le traitement des FA paroxystiques et persistantes, une ligne au niveau du toit améliorerait le succès à 12 mois de 57 à 92 % (Senga et coll). La ligne dans l’isthme cavo-tricuspidien n’aurait pas d’intérêt supplémentaire lorsqu’elle est faite de façon systématique. En ce qui concerne les patients ayant une FA permanente, chez lesquels on effectue une approche anatomique (encerclement des veines pulmonaires + lignes), la déconnexion des veines pulmonaires n’aurait pas d’impact sur les résultats à long terme, d’après Stabile et coll. dans la PIPA Study (ce qui n’est pas le cas dans les FA paroxystiques). Selon Otomo et coll., chez ces mêmes patients, l’absence de conversion de la FA en rythme sinusal par l’ablation seule au cours de la procédure, n’a pas de caractère prédictif sur les récurrences d’arythmie au cours du suivi. Enfin, la réalisation d’une ligne le long du sinus coronaire dans l’oreillette gauche ou dans le sinus coronaire n’aurait d’intérêt qu’en présence d’un flutter gauche consécutif à une première ablation de FA (Ardashev et coll.). Cette année, peu d’abstracts sont venus alimenter l’intérêt (ou pas) de cibler les zones de potentiels fractionnés (CFE) ou bien les zones correspondant aux plexus ganglionnaires, dont le rôle dans l’ablation de la FA (permanente en particulier) a été expérimenté. Selon Chen et coll., les CFE se situent dans les 10 mm à distance des ostia veineux et seraient donc accessibles lors de l’encerclement large des veines pulmonaires (approche anatomique). Dans une série de 716 patients, Pakushalov et coll. rapportent que le ciblage anatomique des plexus ganglionnaires à l’aide de la cartographie 3-D, permettrait convertir en rythme sinusal 91 % des FA persistantes et 38 % des FA permanentes.   Les indications La majorité des patients traités ayant un « cœur sain » ou une cardiopathie peu évoluée, il n’existe pas de critères cliniques véritablement prédictifs d’un meilleur taux de succès à long terme : la dimension de l’oreillette gauche et la charge en FA possiblement, cela semble logique (Berkowitsch et coll.). L’utilisation du strain rate (échographie) pour apprécier la fonction atriale gauche ou bien du scanner pour évaluer le volume atrial gauche pourrait présenter un certain intérêt (Schneider et coll., Adragao et coll.). Chez le sujet âgé de plus de 70 ans, l’ablation de la FA est réalisable et permettrait d’obtenir des résultats comparables à ceux obtenus chez des malades plus jeunes (55 ans en moyenne), d’après Saad et coll., mais au prix d’un taux plus élevé (7 %) de complications sérieuses (Koester et coll.).   Les complications Comme dans toute technique ayant acquis une certaine maturité, la compréhension et la prévention des risques de complications majeures (évolution des protocoles et des matériels) inhérents à l’utilisation de la radiofréquence dans cette indication ont contribué à leur régression. On ne parle plus de sténoses veineuses pulmonaires, les accidents cérébraux semblent très rares, mais bien qu’elle soit exceptionnelle, la fistule atrio-œsophagienne représente une « menace fantôme » qui fait trembler. Les ulcérations de l’œsophage liées à la température transmise au tissu, pouvant potentiellement fistuliser, pourraient être relativement fréquentes (8 % des cas expérimentalement) lorsque la puissance cible est programmée au delà de 25 W lors des applications à proximité de l’œsophage (Martinek et coll.). Les techniques de visualisation directe de l’œsophage pendant les procédures ne permettraient pas de réduire véritablement le risque. L’utilisation de la reconstruction 3D de l’œsophage, nécessairement figée, pendant les procédures utilisant les outils de cartographies serait d’une fiabilité médiocre comparée à l’opacification (dynamique) par la baryte (Lickfett et coll.) pour localiser sa position perprocédure. Le monitoring de la température œsophagienne ne serait pas non plus d’une grande utilité. Face à ces incertitudes, RossHart Technologies Inc. présente un système intéressant (EPSac) de refroidissement continu de l’œsophage (De Biase et coll.). Les résultats de la cryoablation La majorité des abstracts sur la cryoablation concernent l’ablation de la FA paroxystique et la déconnexion des veines pulmonaires au moyen d’un ballon. Ce dernier permet en effet de « geler » la circonférence d’une veine pulmonaire à son ostium (figure 2). Le but est d’obtenir d’emblée et de façon simple l’isolation électrique d’une veine pulmonaire potentiellement à l’origine d’une FA paroxystique. Figure 2. Ballon de cryoablation et son positionnement par voie transseptale dans une veine pulmonaire supérieure droite. Des séries homogènes de 18 à 346 patients rapportent des résultats assez semblables, plus ou moins optimistes, mais qui confortent l’intérêt de cette approche, et soulignent ses limites et donc les axes d’amélioration potentiels. Il existe deux dimensions de ballons (23 et 28 mm). Le plus grand est largement plus utilisé. La déconnexion des veines ciblées est obtenue dans 50 à 90 % des cas selon les séries, au ballon seul moyennant 1,8 à 2,5 applications de 5 min chacune. Le taux de déconnexion complète est amélioré par des applications additionnelles au moyen d’un cathéter « conventionnel » de radiofréquence ou de cryoablation, ce qui revient à une approche classique nécessitant l’utilisation d’un cathéter supplémentaire et qui, bien sûr, n’est pas l’objectif. Un rythme sinusal stable (sans antiarythmique) pendant le suivi serait obtenu dans 74 % des cas de FA paroxystiques et 38 % des cas de FA persistantes (Shumacher et coll.). Certaines veines demeurent inaccessibles au ballon, ou ne peuvent être isolées totalement malgré plusieurs applications du ballon. C’est le cas de certaines veines inférieures, ou bien ayant un ostium de forme ovale (Herrera et coll.). Ce seraient donc des contraintes anatomiques et non la source d’énergie qui expliqueraient les échecs de déconnexion. Les taux de récidives nécessitant une seconde procédure sont également homogènes, entre 25 et 30 % (Van Belle et coll. et Heintze et coll.), et sont associés à une reconnexion des veines pulmonaires. Les risques de complications et leur type renforcent l’intérêt de développer cette approche et cette source d’énergie. Finalement, pour des taux de succès assez comparables à ceux de la radiofréquence, aucune sténose veineuse pulmonaire n’a été rapportée, ni aucune menace œsophagienne. En revanche la particularité de la cryoablation en termes de complication réside dans la survenue de paralysies phréniques lors de l’isolation de la veine pulmonaire supérieure droite (près de 5 % des procédures). Fort heureusement, elle est, semble-t-il, toujours réversible, malgré un délai pouvant atteindre 9 mois. L’évolution de la technique permettra probablement de réduire les temps de procédure. C’est certainement l’un des objectifs d’une approche qui se veut conceptuellement plus simple et au moins aussi efficace que l’approche classique. Ils demeurent encore assez longs, autour de 140 min selon les séries et les durées de scopie sont plus longs que lors d’une approche anatomique utilisant un système de cartographie.   D’autres outils… Dans le but de simplifier l’approche de l’ablation de la FA tout en ayant une efficacité comparable, d’autres outils sont en évaluation clinique. Il s’agit d’une part de cathéters multipolaires permettant la cartographie et l’ablation de façon combinée, dans la FA paroxystique comme dans la FA persistante/permanente. L’ablation peut être réalisée de façon linéaire ou segmentaire. Ces cathéters présentent également l’avantage de pouvoir délivrer une énergie réduite à quelques Watts par électrode, ce qui en théorie peut réduire le risque de formation de thrombus et de dommage œsophagien. Deux séries de 4 à 39 patients (Dang et coll., Fredersdorf et coll.) présentent des résultats à court terme intéressants, comparables à l’approche classique. Aucune complication liée au matériel n’a été rapportée. Il s’agit d’autre part du cathéter MESH, déployable à l’ostium des veines pulmonaires pour une déconnexion circonférentielle. Il se présente comme une alternative à la déconnexion des veines pulmonaires par radiofréquence point par point. Selon les séries, les résultats sont très variables en termes de succès, de durée de procédure, de temps de scopie, de nécessité de recourir à un cathéter de radiofréquence classique pour finir d’isoler les veines pulmonaires ciblées (Stockman et coll., Meissner et coll.).   Ablation des tachycardies jonctionnelles par ré-entrée intranodale Insulander et coll. présentent une importante série suédoise de 2 830 patients consécutifs sur une période de 10 ans qui illustre l’efficacité de l’ablation dans le traitement de ce trouble du rythme : 97 % de succès primaire, 99 % de succès définitif en cas de nécessité d’une seconde procédure, pour un faible taux de complications sérieuses (0,4 %, dont le bloc auriculo-ventriculaire : 0,3 %). La cryoablation est certainement la méthode de choix désormais dans cette indication comme en témoigne la série de 315 patients de la même équipe : pour une efficacité comparable (seulement 6 % de récidives et un succès global de 98 %), aucun bloc auriculoventriculaire définitif n’est à déplorer (seulement quelques BAV transitoires). Kanagasundrum et coll. ont d’ailleurs documenté, grâce à l’utilisation d’un système de cartographie 3D couplé à la cryoablation, que la zone où les applications sont responsables de blocs transitoires, est la région postéroseptale, à distance du His.   Ablation des tachycardies ventriculaires L’évaluation du substrat responsable des tachycardies ventriculaires a retenu l’intérêt de plusieurs auteurs. Les zones « malades » faiblement voltées responsables des circuits de tachycardie sont identifiables par cartographie électro-anatomique (contact mapping) mais également de façon dynamique (non-contact mapping), grâce au système Ensite®, Saint Jude Medical. La corrélation paraît très bonne avec un gain de temps potentiel très intéressant (Pappalardo et coll.). Chez les ischémiques, les cartes d’amplitude révèlent des zones cicatricielles denses en cas de revascularisation tardive, beaucoup plus hétérogènes en cas de revascularisation précoce, mais associées à des tachycardies ventriculaires plus rapides et plus facilement inductibles (Wijnmaalen et coll.). Chez ces patients, l’utilisation du non-contact mapping ou du contact mapping a des résultats comparables en termes de succès primaire d’ablation des tachycardies ventriculaires (90 %). Cependant le non-contact mapping présente plusieurs avantages que soulignent Baldo et coll. : meilleure efficacité sur les TV mal tolérées, temps de procédure et de scopie significativement plus courts. Enfin, Lacotte et coll. rapportent leur expérience, peu commune, sur l’intérêt et la faisabilité de l’ablation par voie épicardique en seconde intention après échec de l’approche endocavitaire, permettant de venir à bout de la TV clinique dans 76 % des cas chez 30 patients, ayant en général une cardiomyopathie avec altération de la fonction ventriculaire gauche.   Robotisation… Le pilotage des cathéters à distances, présente plusieurs avantages, notamment la réduction de l’exposition à l’irradiation, en particulier lorsque la robotisation est associée à un système de cartographie 3D, la précision dans la réalisation d’une tâche, l’amortissement des défauts de la manipulation (tremblement…). Cependant, assez peu de communications abordent ce sujet. Il existe deux systèmes : Stereotaxis® (guidage des cathéters dans un champ magnétique (figure 3) et Hansen® (bras et gaine robotisés permettant une manipulation à distance). L’avantage de ce dernier (en dehors d’un coût et d’un volume moindres) est de pouvoir s’utiliser avec tous les cathéters du marché. Stereotaxis® est un concept tout à fait nouveau nécessitant des cathéters dédiés très souples. Les communications insistent sur le temps possiblement gagné et sur la réduction de l’exposition aux rayons X. Des cathéters de radiofréquence irrigués utilisables avec Stereotaxis® ont vu le jour, mais peu de patients ont été traités, et l’on attend de réelles séries comparatives avec une approche conventionnelle, car l’utilisation des cathéters irrigués 4 mm a montré, dans l’ablation de la FA en particulier, une supériorité manifeste comparativement aux non irrigués et un moindre risque de « charring » (coagulation en bout de sonde, surtout avec des électrodes de 8 mm). Figure 3. Système Stereotaxis®, intégration du système de cartographie 3-D Carto®. En pratique   La robotisation va s’améliorer et s’intriquer davantage avec l’imagerie 3D. Les années à venir vont certainement démontrer son utilité et continuer de transformer la rythmologie.

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