Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 02 juin 2009Lecture 6 min
Stimulation cardiaque - Une brève histoire... 50 ans déjà !
R. FRANK, Institut de cardiologie, CHU Pitié Salpêtrière Paris
La stimulation cardiaque électrique est un concept ancien qui date de la fin du dix-neuvième siècle, et ce sont les progrès de l’électronique qui ont permis d’en faire une méthode thérapeutique, initiée par Zoll en 1952.
Historique
La stimulation cardiaque électrique est un concept ancien qui date de la fin du dix-neuvième siècle, et ce sont les progrès de l’électronique qui ont permis d’en faire une méthode thérapeutique, initiée par Zoll en 1952. Les premiers stimulateurs utilisés en clinique au début des années 50 étaient externes ; ils sont devenus implantables avec l’apparition des transistors. La première implantation d’un stimulateur cardiaque, épicardique, a été réalisée le 8 octobre 1958 en Suède par Senning pour traiter un bloc auriculo-ventriculaire complet. L’appareil, rechargeable, n’a fonctionné que 6 heures et a été remplacé par un autre qui n’a duré qu’une semaine. Le patient a dû attendre 1961 pour être réappareillé, et vécut jusqu’en 2002 en ayant reçu 26 stimulateurs au cours de sa vie… Le premier stimulateur contenant des piles fut implanté en 1960 par Chardak, aux États-Unis, et fut à l’origine de la société Medtronic. Dès 1963 plusieurs sociétés proposaient en proposaient divers modèles, comme en France l’électronique appliquée, futur ELA Médical, actuel Sorin Group… Ces premiers appareils étaient ventriculaires, asynchrones, unipolaires et épicardiques, avec de nombreuses pannes liées la fragilité des électrodes et aux circuits électriques défaillants. Ils s’implantaient sur des blocs auriculo-ventriculaires syncopaux, considérés comme une maladie rare et mortelle à cette époque où aucune solution n’existait pour cette pathologie. En France, les pionniers des années 60 ont été J.-J. Welti à Paris, G. Faivre à Nancy, J. Torresani à Marseille et leurs équipes, en particulier B. Dodinot et G. Fontaine. Les progrès ont ensuite été multiples jusqu’aux appareils actuels.
Figure 1. Le premier appareil implanté en 1958 avec sa batterie rechargeable.
L’alimentation électrique
Pendant presque 15 ans, ces appareils étaient alimentés par des piles au mercure, les plus durables de l’époque, 2 à 4 ans. Elles avaient l’inconvénient de dégager de l’hydrogène ; les stimulateurs devaient alors être perméables aux gaz, mais étanches aux liquides. Les composants étaient pour cela noyés dans une résine transparente, l’araldite parfois imparfaite, à l’origine de nombreuses pannes. Les sociétés Cordis et Medtronic avaient la meilleure fabrication, donnant à cette dernière un leadership mondial. En 1970 d’autres sources d’énergie ont été proposées, la pile isotopique française de Paul Laurens, implantée à Broussais, avec une longévité de plus de 30 ans, ou la batterie rechargeable une heure chaque semaine de la Société Pacesetter, qui devait durer 5 à 10 ans. En fait, c’est la pile au lithium qui l’a emporté grâce à sa longue durée sous un petit volume dans un boîtier étanche et sans contrainte pour le patient.
La voie endocavitaire et les sondes
C’est S. Furman qui a proposé la voie endocavitaire temporaire dès 1958, mais des sondes définitives ne sont apparues qu’en 1963, cylindriques, de grande surface (50 à 100 mm2), fragiles, se déplaçant facilement, avec des seuils élevés... Les fils métalliques des électrodes sont devenus spiralés avec de nouveaux alliages pour être plus solides (1967). Les cônes de rétention et les barbes à leur extrémité sont apparus au début des années 70, puis la fixation active (1972) permettant une meilleure stabilité, facilitant en particulier la stimulation atriale. Par ailleurs, les seuils de stimulation ont baissé de façon spectaculaire au-dessous du volt lorsque leur surface active s’est rétrécie (1971, 25 mm2, 1990 : 6 mm2), est devenue microporeuse (1979) pour en éviter la polarisation, et s’est adjointe d’un milligramme de corticoïde (1983) pour diminuer la réaction fibreuse de l’endocarde.
Figure 2. Sonde endocavitaire permanente des débuts Elema 141 (1965) avec son électrode en forme d’olive.
Figure 3. Stimulateur Medtronic de 1968 noyé dans l’araldite, montrant son circuit et ses piles (avec les potentiomètres de réglage par aiguille transcutanée dans les deux ergots), sa sonde bipolaire « lisse », et le plus petit des stimulateurs (1990).
Les circuits électroniques
Les premiers étaient faits de composants discrets soudés, transistors, capacités et résistances, puis au fur et à mesure des progrès de l’électronique, ils ont étés remplacés par des circuits hybrides, puis intégrés ; enfin en 1980, les premiers microprocesseurs sont apparus, en France, avec ELA médical, en Hollande avec Vitatron. Depuis, ce sont de véritables microordinateurs, permettant des modes de stimulation plus complexes. Les mémoires de plus en plus grandes ont ajouté à ces prothèses thérapeutiques des outils de diagnostic et de monitorage de leur fonctionnement, mais aussi de reconnaissance des arythmies du patient (Mugica 1978). Ils sortent même du champ de la rythmologie, avec la détection de l’apnée du sommeil (Garrigue, ELA 2002) et de l’accumulation de fluide intra-thoracique pour détecter une poussée d’insuffisance cardiaque (Yu, Medtronic 2005).
Les réglages et la surveillance
On pouvait parfois modifier la fréquence et le voltage des premiers stimulateurs par des potentiomètres que l’on atteignait par une aiguille transcutanée, ou par induction, mais c’est en 1972 que sont apparus les premiers appareils réglables. La surveillance se faisait par analyse oscilloscopique de l’impulsion jusqu’à l’emploi des microprocesseurs en 1980. Depuis, la programmation et l’interrogation se font par télémétrie avec des programmateurs, microordinateurs spécifiques de chaque fabriquant. Enfin, si la télétransmission téléphonique de l’ECG date de 1972, la télésurveillance automatique a été proposée par la société Biotronic en 2002.
L’hémodynamique
À l’origine, les stimulateurs étaient asynchrones, à rythme fixe, et mis à des patients syncopaux en BAV complet, rapidement gênés lorsqu’une conduction réapparaissait. Le PM sentinelle n’est apparu qu’en 1966 (Cordis, Medtronic). Dès 1963, l’Atricor de Nathan proposait les premières tentatives de synchronisation AV avec un appareil épicardique VAT, c’est-à-dire détectant l’oreillette et asynchrone sur le ventricule, vite abandonné du fait de difficultés techniques. Ce n’est qu’en 1973 qu’est commercialisé le premier stimulateur « bifocal », DVI, asynchrone sur l’oreillette, mais les sondes atriales étaient encore balbutiantes. En fait c’est le progrès technique, lithium, circuits intégrés, et sondes « accrocheuses », qui a permis, au début des années 80, la stimulation double chambre. L’asservissement de la fréquence à un autre paramètre que l’oreillette était concurrente à partir de 1982. On a vu fleurir de multiples capteurs, ventilation minute, QT, vibrations corporelles, accéléromètre, température, gradient électrique, dp/dt, PEA, dont seuls sont restés les capteurs de déplacement et de la ventilation minute. Enfin c’est en 1995 que le concept de resynchronisation ventriculaire dans l’insuffisance cardiaque fut appliqué par S. Cazeau et l’équipe du Val d’Or, avec le succès que l’on sait, et l’apparition des appareils multisites. Le dernier raffinement date de 2003, avec la stimulation double chambre qui préserve l’activation ventriculaire normale dans la dysfonction sinusale.
Les indications
Si les premiers appareils s’adressaient aux bradycardies permanentes, puis paroxystiques en stimulant le ventricule, la stimulation atriale pour la dysfonction sinusale n’a été possible qu’avec des sondes adaptées (Moss 1970), et l’on a vite remarqué que cette stimulation atriale pouvait prévenir le déclenchement de la fibrillation atriale. L’interruption de tachycardies par des stimulateurs automatiques ou déclenchés par les patients, développée dans les années 80 (Coumel, Fisher), a pratiquement disparu avec les ablations des tachycardies supraventriculaires, mais cette fonction est incluse dans tout défibrillateur implantable. J.-C. Daubert avait proposé la resynchronisation atriale (1994) pour prévenir certains flutters atypiques ; ce concept de resynchronisation s’est en fait diffusé pour les ventricules avec l’indication la plus récente, le traitement de l’insuffisance cardiaque lorsque les cavités sont désynchronisées.
Tous ces progrès ont été possibles grâce à une collaboration permanente entre médecins de tous pays et des ingénieurs, reflétée par la création d’un congrès médico-technique en 1978 par Welti et Mugica, Cardiostim, qui a fêté ses 30 ans l’an passé.
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