Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 02 juin 2009Lecture 5 min
Une, deux ou trois sondes ?
J. LACOTTE, Unité de Rythmologie, Institut de Cardiologie, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris
Restaurer la séquence de contraction physiologique des cavités cardiaques est un des objectifs essentiels de l’implantation d’un stimulateur cardiaque.
Une stimulation de plus en plus physiologique
Restaurer la séquence de contraction physiologique des cavités cardiaques est un des objectifs essentiels de l’implantation d’un stimulateur cardiaque. Effectivement, un système double chambre, connecté à deux sondes, est implanté actuellement dans presque 80 % des cas (figure 1), le simple chambre étant réservé aux patients en arythmie ou à ceux nécessitant une stimulation épisodique (BAV paroxystique par exemple). Cependant, le choix proposé par les recommandations (ESC 2007, ACC/AHA/HRS 2008) entre un système simple ou double chambre reste plus ouvert que ce que semblent indiquer les pratiques actuelles.
Figure 1. Répartition des types de stimulateurs implantés en France de 2001 à 2006.
Le nombre de sondes ne fait pas tout
Le caractère physiologique de la stimulation est déterminé par trois éléments : le nombre de sondes et donc le type de boîtier, le mode de programmation qui fait de plus en plus la part belle à la conduction spontanée grâce à des algorithmes favorisant la conduction intrinsèque (DDDR ≠AV) et le site d’implantation des sondes qui conditionne grandement l’apparition d’asynchronismes.
Dysfonction sinusale : stimuler le ventricule le moins possible
La dysfonction sinusale se présente rarement de façon isolée, sauf dans certaines cardiopathies congénitales. Généralement, elle s’associe à un trouble du rythme atrial pour créer une maladie rythmique, sinon à un BAV lorsque la dégénérescence de voies de conduction est diffuse.
Dans ces conditions, la stimulation monosonde AAIR sera réservée aux dysfonctions sinusales pures, sans BAV ni arythmie (figure 2, cas B) avec comme avantage d’implanter le moins de matériel possible et de préserver le capital veineux d’un sujet jeune. Cependant, le principe de précaution fait qu’une majorité d’opérateurs préfère aujourd’hui implanter d’emblée un DDDR dans la crainte d’un BAV.
Figure 2. Type de stimulation en cas de dysfonction sinusale (adaptation des recommandations ESC 2007). DDDR ≠AV : double chambre avec algorithme favorisant la conduction atrio-ventriculaire intrinsèque.
Dans les autres cas (figure 2, cas A et C), le double chambre s’est peu à peu imposé après des années d’études randomisées et de polémique entre VVI et DDD. Les deux leçons finalement tirées de ces études sont que :
– le bénéfice obtenu avec un double chambre est nettement inférieur à celui que le bon sens attendait : pas d’impact sur la mortalité, peu ou pas d’influence sur les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, bénéfice modeste sur la qualité de vie et la survenue d’une fibrillation atriale ;
– le risque d’insuffisance cardiaque et de fibrillation atriale est directement corrélé au pourcentage de stimulation du ventricule droit, quel que soit le mode de stimulation (VVI ou DDD).
C’est pour cette raison que les industriels ont développé des stimulateurs double chambre dotés d’algorithmes favorisant la conduction intrinsèque (DDDR ≠AV), au prix d’un allongement parfois conséquent du délai AV (et de l’espace PR). Ce mode de stimulation est donc celui qui semble aujourd’hui le plus logique en cas de dysfonction sinusale associée à :
– une arythmie atriale (figure 2 cas A) ventriculaire peut s’avérer nécessaire en cas de pause ventriculaire favorisée par le traitement anti-arythmique ou bradycardisant ;
– un bloc atrio-ventriculaire, qu’il soit paroxystique ou permanent, même si les algorithmes favorisant la conduction AV n’ont plus d’intérêt en cas de stimulodépendance.
BAV et blocs bi ou trifasciculaires
En cas de trouble de la conduction atrio-ventriculaire ou intraventriculaire, le bon sens invite à implanter deux sondes afin de conserver la synchronisation atrio-ventriculaire. Il ne faut cependant pas oublier deux situations remettant cet objectif en question :
– l’oreillette n’est plus sinusale (figure 3, cas D), il n’y a donc aucun autre choix que la stimulation simple chambre ventriculaire, asservie ou non selon qu’il existe ou pas une insuffisance chronotrope ;
– l’oreillette est sinusale mais le trouble conductif est épisodique (BAV paroxystique ou découverte d’un bloc infrahisien asymptomatique révélé par un bloc bi- ou trifasciculaire), on peut donc se contenter d’une stimulation VVI de secours. Cette stratégie pose cependant la question de la progression du trouble conductif et du risque d’évolution vers un BAV complet justifiant l’atrialisation du dispositif.
De même que dans la dysfonction sinusale, la supériorité de la stimulation double chambre n’a jamais été démontrée de façon écrasante dans les BAV ; même une quantité non négligeable de patients s’avèrent handicapés par la stimulation VVI (syndrome du pacemaker). En l’absence de bénéfice pronostique du double chambre, les recommandations proposent un large choix allant du VVI au DDD (figure 3, cas E et F) en passant par le VDD (le boîtier fonctionne en double chambre avec une seule sonde ventriculaire dotée d’un dipôle flottant pour détecter l’oreillette). Dans ces conditions, le choix du VVI sera réservé aux patients non dépendants, peu susceptibles de le devenir (trouble conductif paroxystique), indemnes de toute cardiopathie risquant de s’aggraver avec une stimulation non physiologique (figure 3, cas E et F).
Figure 3. Choix du type de stimulation en cas de trouble conductif atrio-ventriculaire ou intraventriculaire (adaptation des recommandations ESC 2007). B2F/B3F : bloc bi- ou trifasciculaire. RS : rythme sinusal. * selon fonction chronotrope.
Quand rajouter une 3e sonde ?
Le patient n’a pas besoin d’être stimulé mais resynchronisé, ce qui correspond aux seules indications de stimulation biventriculaire reconnues actuellement. Les critères retenus dans les recommandations sont :
– insuffisance cardiaque classe III ou IV NYHA malgré un traitement médical optimal,
– fraction d’éjection ≤ 35 %, VG dilaté,
– rythme sinusal,
– durée QRS ≥ 120 ms.
On notera qu’aucun critère d’asynchronisme mécanique, déterminé par l’échographie, n’apparaît dans cette définition, ce qui pose plus généralement la question de l’intérêt de la resynchronisation chez les patients à QRS fins ou peu élargis, chez lesquels plusieurs études ont été réalisées, sans démontrer un bénéfice concordant et assez net pour modifier la pratique.
Le patient a besoin d’être stimulé mais risque être désynchronisé, problème d’autant plus fréquent qu’il existe une dysfonction systolique évoluée et que la stimulation est délivrée à l’apex du ventricule droit de façon permanente. Ces indications préventives ne sont pas codifiées actuellement alors que plusieurs études rapportent des résultats préliminaires contradictoires. Il est alors délicat de proposer une resynchronisation à titre systématique dans ces situations marginales où se pose également la question du défibrillateur.
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