Publié le 10 mar 2009Lecture 11 min
Valvulopathies
A. MIGNOT, Hôpital Cardiologique Bordeaux-Pessac
Les XIIes Journées écho-Doppler cardiovasculaire de Bordeaux
Les bonnes indications de l'échocardiographie d'effort dans l'IM organique
J.L. Monin, Paris
L’IM organique est une valvulopathie fréquente et d’évolution progressive, dont le diagnostic et la prise en charge demeurent problématiques. Si l’indication chirurgicale est indiscutable chez les patients porteurs d’une IM sévère symptomatique, celle-ci est recommandée chez les sujets asymptomatiques lorsqu’apparaissent des signes de mauvaise tolérance ventriculaire gauche (dilatation VG), une fibrillation auriculaire ou une élévation significative des pressions pulmonaires. La difficulté d’évaluer correctement la fonction systolique ventriculaire gauche (l’IM) est à l’origine d’une imprécision quant au délai optimal pour envisager une valvuloplastie mitrale, chez les sujets porteurs d’une IM organique sévère.
La dysfonction VG préopératoire latente est mieux appréhendée par la notion d’absence de réserve contractile, définie dans de nombreuses études et notamment par Leung DY et al. (J Am Coll 1996 ; 28 :1198-205), comme l’incapacité d’améliorer la FEVG d’au moins 5 % au décours immédiat d’une échocardiographie d’effort.
Cette notion de réserve contractile est corrélée à la fonction systolique VG postopératoire, et permettrait de guider le clinicien dans le choix du délai optimal de chirurgie, chez le patient asymptomatique.
Haluska et al. (Am Heart J 2003 ; 146 :183-188) aborde l’évaluation de la réserve contractile selon l’étude de la fonction longitudinale VG grâce au DTI par la mesure de l’onde S enregistrée au niveau de la paroi latérale du VG au repos et au pic de l’effort chez 86 sujets porteurs d’une IM organique sévère asymptomatique. La présence d’une réserve contractile était préalablement définie par une augmentation d’au moins 5 % de la FEVG entre le repos et le pic de l’effort. En analyse multivariée, le meilleur paramètre indépendant et prédictif de réserve contractile s’avérait être le pic de vélocité de l’onde S mesurée par TDI après effort (14 ± 4, vs 11 ± 3 cm/sec, p < 0,001).
Enfin en utilisant le 2D speckle tracking, Lancellotti et al. (J Am Soc Echocardiogr 2008, in press) ont pu démontrer que l’absence de réserve contractile était corrélée à une augmentation de moins de 1,8 % du 2D strain longitudinal global pour prédire une dysfonction VG postopératoire, tout en s’affranchissant des problèmes d’angulation rencontrés dans l’évaluation en TDI des pics de vélocités systoliques de la paroi latérale du VG.
Cependant, malgré toutes ces approches que ce soit par le biais de paramètres usuels tels que la FEVG ou l’index de volume télésystolique VG, ou de paramètres plus sophistiqués tels que le DTI ou le 2D speckle tracking, les recommandations européennes et américaines n’intègrent pas à ce jour l’échocardiographie d’effort dans l’arbre décisionnel de la prise en charge de l’IM organique sévère asymptomatique.
Bicuspidie et pathologie de l'aorte ascendante
Nouvelles approches diagnostiques et thérapeutiques
B. Cormier, Paris
La bicuspidie aortique est la plus fréquente des malformations cardiaques affectant près de 1 % de la population en particulier du sexe masculin.
Elle est une des causes essentielles d’insuffisance aortique du sujet jeune et constitue la deuxième cause de rétrécissement aortique (RAO) calcifié de l’adulte, qui nécessitera une chirurgie de remplacement valvulaire en moyenne 10 ans plus tôt qu’en cas de RAO dégénératif.
D’origine génétique et de transmission autosomique dominante à pénétrance variable, l’anomalie histologique diffère peu de celle de la maladie de Marfan. Une augmentation de l’expression des métallo-protéinases est à l’origine des modifications constatées au niveau de la média. Les anomalies mécaniques comportent une augmentation de la rigidité et une diminution des propriétés élastiques. Il existe des perturbations hémodynamiques liées à l’anomalie de la valve, à l’origine des anévrysmes de l’aorte ascendante. On parle ainsi de « syndrome de bicuspidie » qui associe une anomalie valvulaire à une anomalie de l’aorte thoracique ascendante. Cette association est présente selon les études dans près de 50 % des cas. Il existe une hétérogénéité phénotypique en rapport avec le nombre de raphés, l’orientation et le développement de chaque sigmoïde, qui est à l’origine d’une anomalie de valve sur le mode sténosant ou fuyant. La bicuspidie aortique vraie correspond à l’association de 2 sigmoïdes aortiques symétriques à 2 commissures de morphologie conservée. Celle-ci est finalement assez rare, et il est plus fréquent (90 % des cas) de diagnostiquer des pseudo- bicuspidies aortiques, qui correspondent à la fusion des sigmoïdes antéro-gauche et antéro-droite.
Selon l’âge du sujet, on constatera une prévalence plus élevée de complications pariétales (sujet jeune) ou de complications valvulaires, en particulier sur le mode sténosant (sujet plus âgé).
Le pronostic est lié à l’association ou non d’une dilatation de l’aorte thoracique ascendante, y compris en l’absence de dysfonction valvulaire.
Celle-ci est considérée comme pathologique au-delà de 21 mm/m2 (mesure réalisée en télésystole) et augmente le risque de complications majeures telles que la rupture ou la dissection pariétale. La portion de l’aorte thoracique ascendante plus fréquemment concernée (45 % des cas) est l’aorte tubulaire selon Fazel et al (J Thor Cardiovasc Surg 2008 ; 135 : 901-7)
Les indications chirurgicales pour les anévrismes de l’aorte ascendante tendent à se rapprocher du Marfan selon les recommandations récentes.
Ainsi, en cas de bicuspidie aortique sans anomalie valvulaire (fuyante ou sténosante) :
• avec dilatation aorte ascendante supérieure à 40 mm, une surveillance annuelle est recommandée (niveau IC) ;
• avec dilatation de l’aorte ascendante supérieure à 50 mm ou d’augmentation de diamètre ≥ 0,5 cm/an (IC), une chirurgie est préconisée.
Les dilatations localisées à l’aorte thoracique tubulaire qui sont les plus fréquentes peuvent être traitées par un tube prothétique respectant le culot aortique alors que les dilatations de la racine aortique nécessitent une chirurgie de type Bentall.
En cas de bicuspidie aortique avec anomalie valvulaire de type sténosante, une chirurgie de type Bentall est recommandée (niveau IIC) dès lors que le diamètre sera supérieur 45 mm.
Concernant les traitements médicamenteux par bêtabloquant, celui-ci reste recommandé (niveau IIC) en cas de dilatation de l’aorte ascendante > 40 mm.
Apport de l'ETO dans l'évaluation de l'anatomie fonctionnelle de l'insuffisance aortique et de la réparabilité des valves aortiques
J.-L. Vanoverschelde, Louvain
La valve aortique est restée au cœur du sujet avec une place privilégiée de l’analyse fonction valvulaire aortique dans le choix d’une chirurgie conservatrice, grâce à l’utilisation raisonnée de l’ETO.
C’est avec un parallélisme de raisonnement sur la valve mitrale qu’a été établie une classification anatomique des différents mécanismes d’insuffisance aortique, afin de mieux appréhender le type de chirurgie envisagée.
Le but de la chirurgie conservatrice est de préserver la fonction valvulaire aortique. Ainsi, une plicature de tissu excédentaire pourra être proposée en cas de prolapsus, une annuloplastie sous commissurale en cas de dilatation annulaire, ou un raccourcissement du bord libre de la valve en cas de bicuspidie.
Le Polain de Waroux (Circulation 2007 ; 116 : I-264-I-269) rapporte son expérience à propos de 163 patients dans le domaine de la chirurgie conservatrice valvulaire aortique, en fonction du type anatomique diagnostiqué en ETO. Il note une bonne corrélation entre le diagnostic ETO et le diagnostic per-opératoire. Le taux de réparabilité est estimé aux alentours de 80 % en cas de type I et de type II, et seulement de 50 % en cas de type III. En outre, le taux d’événements cardiaques postopératoires est nul à 4 ans dans les types I et II, non négligeable dans les types III, avec un taux de récurrence qui suggère le caractère peu opportun de cette chirurgie réparatrice dans les types III (tableau).
L’ETO permet une analyse fine de la fonction valvulaire aortique et une meilleure prise en charge thérapeutique chirurgicale des insuffisances aortiques. La possibilité de réparation valvulaire doit être envisagée dès lors que l’insuffisance aortique relève d’un type I ou II, au regard des excellents résultats publiés par l’équipe de Vanoverschelde.
Cependant, une collaboration étroite entre échocardiographiste et chirurgien s’impose afin d’améliorer la faisabilité de ces nouvelles techniques, qui restent réserver à l’heure actuelle à des équipes réduites et hautement expérimentées.
Les pièges du diagnostic du rétrécissement aortique
J.-G. Dumesnil, Québec
Si les recommandations européennes et américaines s’accordent pour définir selon des critères précis la notion de rétrécissement aortique sévère, la pratique clinique révèle souvent des discordances entre les différents paramètres utilisés et l’état clinique du patient.
Le recouvrement de pression est un facteur qui doit être pris en compte avant d’estimer le caractère sévère ou non d’une sténose aortique chez les sujets dont le diamètre de la racine aortique n’excède pas 30 mm.
En outre, l’association fréquente dans cette population âgée de sujets concernée par le rétrécissement aortique dégénératif d’une hypertension artérielle systolique (HTA), est source d’une mauvaise estimation.
En effet, L’HTA masque la sévérité du RAO, par une altération de la compliance aortique à l’origine d’une détérioration de la fonction VG.
La mesure de la pression artérielle devrait être donc être généralisée avant toute échocardiographie : le laboratoire d’échocardiographie doit être le laboratoire d’hémodynamique du 21e siècle !
Le cas du RAO serré avec bas gradient moyen transaortique sans altération de la fonction systolique VG a été abordé au regard des résultats de l’étude menée par Hachicha et al. (Circulation 2007 ; 115 : 2856-2864). Cette situation clinique n’est pas rare puisque la prévalence est estimée aux alentours de 35 %. L’hypertrophie ventriculaire gauche concentrique associée à une diminution de la cavité ventriculaire gauche, entraînent une augmentation de la postcharge à l’origine d’une augmentation de l’impédance valvulo-artérielle, un défaut de remplissage à l’origine d’un bas débit, et, par conséquent d’un bas gradient transvalvulaire aortique. Il s’agit donc davantage d’un défaut de remplissage de caractère restrictif, et non pas d’un défaut d’éjection. Les auteurs avancent même un caractère pronostic plus péjoratif en cas de gradient diminué dans ce contexte de RAO serré à bonne fonction systolique VG, en partie liée au retard à la prise en charge chirurgicale en raison d’une sous estimation de la sévérité du RAO.
Ces différentes situations cliniques ont permis de mettre l’accent sur la nécessité d’une prise en charge globale du malade, en fonction de son évaluation hémodynamique d’une part et de ses caractéristiques morphologiques d’autre part.
Évaluation du polyvalvulaire : une situation difficile
C. Tribouilloy, Amiens
L’évaluation des polyvalvulopathies est une situation difficile tant pour le clinicien que pour l’échocardiographiste. En toute logique, celle-ci doit reposer sur l’utilisation des critères classiques utilisés pour les valvulopathies isolées. Cependant, aucun des paramètres usuels n’a de valeur exclusive, et c’est finalement l’approche multiparamétrique au cas par cas, qui permet de mieux en appréhender la sévérité.
Dans le cadre de régurgitations mitrale et aortique qualifiées de modérées, isolément, la notion de retentissement ventriculaire gauche sera primordiale à prendre au compte, y compris face à dans la prise en charge thérapeutique du patient.
Dans le cas particulier d’une double valvulopathie mitrale et aortique sténosante, si l’évaluation du rétrécissement mitral (RM) peut se faire selon les critères usuels de surface et de gradient moyen, l’estimation de la sévérité du rétrécissement aortique (RA), devra prendre en compte au préalable celle du RM. En effet, le RM serré est à l’origine d’une diminution du débit cardiaque, et peut entraîner une sous-estimation du RA (bas gradient transaortique) alors même que la fonction VG est conservée.
L’évaluation concomitante d’une insuffisance mitrale et d’un RA est également source de difficultés.
Quand le RA est serré, la surface maximale du jet régurgité de l’IM peut être élevée, alors même que l’IM est minime, en raison d’une franche élévation du gradient VG-OG en systole. À l’inverse, une IM sévère peut conduire à une diminution du débit cardiaque, qui aboutira à un gradient transaortique peu élevé, alors même que la surface aortique est en faveur d’un RA serré.
Enfin, l’association moins fréquente d’une insuffisance aortique sévère et d’un rétrécissement mitral serré, n’autorise pas l’application de l’ensemble des critères usuels pour évaluer la sévérité de l’IA. En effet, le RM serré minore l’élévation de la PTDVG, « allongeant » le PHT ; seuls la SOR par la zone de convergence et la mesure du diamètre de la vena contracta restent alors fiables. De plus, la dilatation du VG, qui témoigne d’un retentissement pathologique d’une IA sévère, est également prise en défaut : le VG pouvant être peu ou pas dilaté, en raison du caractère serré du RM.
L’analyse quantificative et échocardiographique de ces polyvalvulopathies demeure complexe. C’est en connaissant les pièges diagnostiques et en prenant en compte la situation clinique globale du patient, que l’approche multiparamétrique reste la plus proche des réalités hémodynamiques.
Valvulopathies médicamenteuses
B. Iung, Paris
Les valvulopathies liées à une cause médicamenteuse demeurent rares, car probablement sous-estimées, mais suscitent un intérêt croissant en raison de l’imputabilité de nouvelles et diverses molécules dont les implications pronostiques restent à ce jour incertaines. La première classe médicamenteuse incriminée dans la survenue de ces valvulopathies était celle des anti-migraineux dérivés de l’ergot de seigle (méthysergide). La caractérisation échocardiographique fut décrite dans les années 1970, par un épaississement valvulaire, à l’origine d’une valvulopathie restrictive. Dans les années 1990, l’intérêt pour les valvulopathies médicamenteuses a été relancé par la mise en évidence de lésions valvulaires après la prise d’anorexigènes dérives des amphétamines (fenfluramine, dexfenfluramine, phentermine). Aux États-Unis, on considère que la prescription concomitante de fenfluramine-phentermine a concerné plus de 1,5 millions de sujets, et l’imputabilité de ces deux molécules notamment dans la survenue de valvulopathies restrictives (mais également d’hypertension artérielle pulmonaire fixée) a été à l’origine du retrait de ces classes médicamenteuses en 1997. Plus récemment (2004-2007), les antiparkinsoniens de la classe des agonistes dopaminergiques (pergolide et cabergolide) ont été associés à une augmentation de la prévalence de valvulopathies restrictives, et cela de manière dose-cumulée. Une limitation de leur prescription a donc été instaurée, mais ces molécules, dont l’efficacité par ailleurs est indiscutable, sont toutefois toujours commercialisées.
Bien qu’il s’agisse de drogues hétérogènes, l’hypothèse d’un mécanisme commun a été évoquée en raison de l’aspect assez similaire des lésions histologiques observées. Ces anomalies sont proches de celles observées au cours des tumeurs carcinoïdes, évoquant la possibilité d’un rôle d’anomalies du métabolisme de la sérotonine et de ses dérivés. Il existe désormais des arguments permettant de relier les atteintes valvulaires médicamenteuses aux récepteurs sérotoninergiques 5HT2b, car les différentes drogues incriminées ont une haute affinité pour ces récepteurs Roth et al. (N Engl J Med 2007 ; 356 : 29-39) (figure).
Figure. Mécanismes de toxicité au niveau de la valve mitrale des drogues liées aux récepteurs sérotoninergiques 5HT2b.
Roth BL, N Engl J Med 2007 ;356 :29-39.
À la lumière des données de la littérature sur l’imputabilité des drogues énoncées ci-dessus, il convient de ne pas sous-estimer l’existence des valvulopathies restrictives médicamenteuses. Le problème du rapport bénéfice-risque doit mettre en parallèle l’intérêt thérapeutique du médicament considéré et le risque évolutif de la valvulopathie.
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