Publié le 30 sep 2014Lecture 6 min
Comment limiter le risque hémorragique lors d’implantations de prothèses sous anticoagulants ?
M. CHAUVIN, service de cardiologie, Hôpital Civil, Strasbourg
Parfois négligée, parfois aussi mal maîtrisée, l’hémostase est cependant une étape de première importance au cours de l’implantation d’un stimulateur ou d’un défibrillateur cardiaques. Tout saignement et a fortiori tout hématome, sont le lit d’une infection, sans compter bien sûr les réinterventions parfois inévitables, toujours préjudiciables aux patients.
Une courte revue fondée sur l’expérience de l’auteur de ces lignes et la connaissance des antithrombotiques actuellement utilisés permettra d’illustrer le propos.
Commençons par un aphorisme : « On ne referme pas une poche tant qu’il reste un suintement sanguin », avec pour corollaire : « On doit avoir une vue globale du champ opératoire pendant et jusqu’à la fin de toute intervention ».
En d’autres termes : pas question de « bricoler » à l’aveugle dans des trous mal éclairés, de penser qu’un saignement dont on ne connaît pas l’origine s’arrêtera de lui-même ou de croire que l’enfouissement du boîtier favorisera l’hémostase !
Gérer le traitement antithrombotique avant l’intervention
Les précautions se prennent avant l’intervention et plus précisément pendant la phase de préparation du patient : que faire lorsque celui-ci prend un traitement antithrombotique ?
En premier lieu, comment gérer un traitement antivitamine K ? Faut-il encore rester sur le dogme d’un relais systématique par une héparine sous-cutanée ? Bien sûr, si l’arrêt d’un antivitamine K pendant quelques jours ne fait courir aucun risque au patient, beaucoup en profiteront pour le faire et on ne peut leur donner tort. Sinon pas de relais, car ils sont paradoxalement source d’hématomes en raison d’un inévitable chevauchement des deux traitements antithrombotiques au cours ou au décours de l’intervention. Il est parfaitement possible d’opérer avec un INR ramené temporairement autour de 2, y compris en présence d’une prothèse valvulaire de nouvelle génération. Dans ce cas, pas question d’entreprendre l’intervention sans parfaitement maîtriser la voie sous-clavière dans le cas où elle serait nécessaire.
Pour ce qui concerne les anticoagulants oraux directs qui n’ont toujours pas d’antidote, le problème est plus délicat et l’on essaiera autant que faire se peut de les arrêter au moins 24 h à l’avance.
Le problème se complique encore avec l’aspirine, le clopidogrel et d’autres antiagrégants. Leur interruption est souhaitable au moins 9 à 10 jours avant l’intervention pour éviter ces épuisants saignements en nappe peropératoires. Bien sûr, il y aura toujours le cas de ce patient fraîchement « stenté » et qui fera l’objet de discussions avec le coronarographiste. Mais d’une façon générale, il faudra éviter d’opérer sous antiagrégants, sauf urgence bien entendu.
L’incision faite, la dissection des plans sous-cutanés ne pose généralement pas de problèmes majeurs sinon peut-être lorsque se produit une effraction musculaire. On sait la difficulté d’interrompre un saignement même minime lorsqu’il provient d’un petit vaisseau intramusculaire. Évitons de traumatiser les muscles !
La confection de la poche est faite avant l’introduction des sondes
(figure 1)
Figure 1. La confection de la poche est faite avant l’introduction des sondes.
Il y a deux raisons à cela.
La première est un risque de tirer malencontreusement sur des sondes déjà en place lors du décollement, parfois énergique des tissus (c’est surtout vrai pour la poche des défibrillateurs, plus large que celle destinée à abriter un stimulateur).
La seconde est le risque de connecter et d’enfouir un boîtier trop rapidement alors même que des saignements peu vent apparaître avec retard ou ne pas être détectés immédiatement. Par conséquent, il convient de toujours faire la poche aux tous premiers temps de l’intervention, ce qui laisse ensuite la durée de celle-ci pour voir apparaître un saignement. La poche est minutieusement inspectée : il convient bien souvent de s’aider d’un écarteur de Farabeuf et de diriger un bon éclairage pour avoir la meilleure vue possible sur le champ opératoire.
L’habitude souvent prise d’engouffrer une compresse dans la poche pour arrêter un saignement dont on a mal précisé l’origine expose, d’une part, à la récidive dudit saignement après la fermeture de la poche et surtout, d’autre part, à l’oubli de la compresse dans la poche.
À moins d’utiliser des compresses marquées par un fil radio-opaque ou de compter celles-ci, on évitera dans la mesure du possible cette pratique : des stimulistes expérimentés doués pourtant d’une bonne mémoire ont pu oublier cette inopportune « carrée », source d’infection ultérieure.
La qualité de l’hémostase dépend de la localisation et de la taille de la poche
Les difficultés d’hémostase sont différentes selon la localisation de la poche et le matériel qui lui est destiné. Une poche rétropectorale pose des problèmes peropératoires bien sûr, pendant la traversée du muscle ; d’ailleurs cette pratique est beaucoup moins utilisée qu’auparavant.
Il est évident que plus le dispositif est volumineux, plus la poche doit être grande et plus les problèmes d’hémostase sont nombreux. Mais par contre, il est souvent plus facile d’avoir une bonne approche visuelle d’ensemble des parois lorsque la cicatrice est grande et la poche large.
La difficulté est d’un autre ordre lorsqu’il s’agit d’implanter un défibrillateur entièrement sous-cutané. Du fait du volume de l’appareil aujourd’hui proposé, la poche est plus large que pour les autres dispositifs. Elle est également déclive, ce qui augmente la difficulté d’observer toutes ses parois. Par ailleurs, la recommandation « officielle » de faire une ouverture dans la partie toute supérieure de cette poche prive l’opérateur, nous semble-t-il, d’une vue parfaite et globale des parois de celle-ci et donc d’éventuels saignements minimes : une ouverture à 1/3-2/3 de la hauteur de la poche ne crée pas de tension supplémentaire sur la cicatrice et les parois lors de la fermeture, et réduit nous semble-t-il, les risques de laisser un saignement inaperçu.
La fermeture
(figure 2)
Figure 2. On ne referme pas une poche tant qu’il reste un suintement sanguin.
Au moment de la fermeture, certains proposent des hémostatiques locaux. L’expérience n’est pas très répandue mais rien ne vaut une inspection soigneuse en s’assurant « qu’aucune goutte de sang ne perle ».
Un hémostatique local pourrait à la rigueur être utile lorsque des saignements minimes mais en nappe, en raison de la persistance des effets d’antiagrégants rendent la fermeture immédiate problématique, mais rien n’a encore vraiment été prouvé.
De même, certains trouvent dans le lavage à la polyvidone iodée de la poche un effet hémostatique : si la réelle justification de son utilisation est d’abord son action antibactérienne (bien qu’un simple lavage au sérum physiologique soit aussi très efficace), ses effets hémostatiques ne sont pas démontrés, ni dans la littérature ni dans les faits. Ne négligeons pas par ailleurs les éventuelles conséquences de l’agressivité du produit iodé sur les isolants des sondes, en particulier sur les polyuréthanes.
La pose d’un drain est fortement déconseillée en raison des risques infectieux. C’est aussi lors de son ablation que se forme paradoxalement un hématome, vraisemblablement en raison du traumatisme que l’extrémité du drain provoque sur les parois de la poche.
Conclusion
Voici donc quelques remarques et suggestions que l’on peut faire sur les problèmes d’hémostase rencontrés lors de l’implantation d’un dispositif.
Leur application allongera peut-être de quelques minutes une procédure, mais ce temps ne sera certainement pas perdu pour le bien-être du patient !
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