Publié le 30 nov 2012Lecture 7 min
Comment s’affranchir des surdétections de l’onde T en défibrillation implantable ?
J. LACOTTE, M. AÏT-SAÏD, Institut Cardiovasculaire Paris Sud, Massy
Un de vos patients préférés, implanté récemment d’un défibrillateur simple chambre en prévention primaire, vient de ressentir plusieurs chocs, de toute évidence inappropriés.
L’interrogation objective un double comptage en zone de fibrillation ventriculaire (figure 1) consécutif à une surdétection des ondes T (SDOT).
Allez-vous modifier les réglages du filtre passe-bas, du pourcentage d’adaptation de l’onde R ou simplement dégrader la sensibilité maximale ?
Figure 1. EGM d’un défibrillateur simple chambre St Jude : surdétection de l’onde T initiant un épisode de diagnostic et thérapie inappropriée. Noter la faible amplitude des ondes R (4 mm/mV) et le ratio R/T proche de 1.
La sensibilité ventriculaire s’adapte automatiquement à l’onde R
Pouvoir détecter les ondes R amples d’un rythme sinusal aussi bien que celles, microvoltées, d’une fibrillation ventriculaire nécessite un contrôle automatique de la sensibilité (CAS) ventriculaire, s’enclenchant après chaque battement détecté et opérant en trois étapes (figure 2) :
• Filtrage du signal (1) afin de diminuer l’amplitude des ondes de basse fréquence (T) sans réduire celle de l’onde R.
• Ouverture d’une fenêtre de détection avec une sensibilité initiale proportionnelle (2) au voltage de l’onde R (en général 50-75 % en nominal selon modèles), après une période de blanking (3).
• Augmentation de la sensibilité par paliers (4) jusqu’à la sensibilité maximale programmée (5), d’autant plus vite atteinte que l’onde R est de faible amplitude.
Figure 2. Principes du filtrage et de l’adaptation automatique de la sensibilité d’un défibrillateur. Filtrage du signal réalisé afin de diminuer l’amplitude des ondes T sans réduire celle des ondes R (1). Ouverture d’une fenêtre de détection avec une sensibilité initiale proportionnelle (2) au voltage de l’onde R, après une période de blanking (3). Augmentation de la sensibilité par paliers (4) jusqu’à la sensibilité maximale programmée (5).
La surdétection de l’onde T reste une situation rare
Parmi les causes de thérapies inappropriées, les phénomènes de surdétection représentent moins de 10 % des cas, tous mécanismes confondus : perte d’isolant, interférences, double comptage de T ou de R. Selon l’étude ALTITUDE (185 778 patients), ces phénomènes ne concerneraient que 3 % des patients dans les trois premières années postimplantation, dont une minorité correspondrait à une surdétection de l’onde T (SDOT)(1).
Certains cas de SDOT s’expliquent par une spécificité de la repolarisation produisant une onde T ample ou retardée : syndrome de Brugada, QT long. Parfois, l’effort joue un rôle favorisant en majorant l’amplitude de l’onde T.
Mais le plus souvent, la cause de la SDOT demeure la faible amplitude de l’onde R, qui aboutit à une sensibilité rapidement maximale. Un ratio T/R > 25 % serait un critère prédictif de surdétection(2), incitant à d’abord améliorer la détection de l’onde R, stratégie toujours applicable lors de l’implantation. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que :
• L’amplitude de l’onde T en peropératoire ne préjuge pas de celle mesurée ultérieurement dans la vraie vie, ni de sa dynamique.
• L’amplitude de l’onde R peut se dégrader significativement à distance de l’implantation, notamment en présence d’un myocarde fibreux (DVDA, CMD évoluée, sarcoïdose) ou cicatriciel (nécrose, cardiopathie congénitale opérée).
Enfin, le mode de stimulation pourrait favoriser les SDOT, le ratio R/T étant plus petit en mode DDD qu’en AAI, l’effet de la resynchronisation sur ce paramètre restant inconnu à ce jour(2).
Solutions matérielles
S’il s’agit d’améliorer l’amplitude de l’onde R, les solutions interventionnelles sont relativement restreintes. Selon que la SDOT est détectée à l’implantation ou ultérieurement, on pourra :
• Repositionner la sonde en peropératoire est l’attitude à privilégier en essayant d’obtenir un ratio R/T > 25 %. Rappelons à ce sujet que le choix d’un site d’implantation septal ou apical ne semble pas interférer avec la qualité de la détection ni avec la sécurité de la défibrillation(3).
• Changer de sonde pour un modèle vraiment bipolaire, car celles disposant d’un dipôle intégré semblent plus souvent pourvoyeuses de surdétections : 21/52 patients avec dipôle intégré versus 4/49 avec dipôle dédié (p = 0,0002) au terme d’un suivi moyen de 2 ans(4).
• Ajouter une sonde de stimulation dédiée à la détection, en parallèle de celle consacrée à la défibrillation. Cette attitude sera plus logique en cas de réintervention, ainsi que chez les rares patients pour lesquels les sites optimaux pour la détection et la défibrillation sont distincts.
En revanche, il ne semble exister aucune stratégie permettant de diminuer l’amplitude de l’onde T, ni de position de sonde plus favorable, sans oublier que les mesures peropératoires ne peuvent être transposées à celles finalement enregistrées par le défibrillateur (filtrage différent, position, effort).
Quant au choix du boîtier, il est préférable d’opter pour des modèles autorisant des réglages fins du CAS dès lors que le patient présente des anomalies importantes de la repolarisation, bien qu’aucune étude contrôlée ne démontre la supériorité d’un fabricant en termes de prévention des SDOT.
Solutions logicielles
Elles sont généralement suffisantes pour contourner le problème, l’idéal étant bien sûr de l’anticiper. Néanmoins, la dégradation des capacités de détection pose le problème de la sous-détection d’une arythmie ventriculaire devant être traitée.
Le filtrage de l’onde T, s’il n’est pas activé en nominal, reste la solution la plus pertinente car elle ne semble pas altérer la détection de l’onde R et abouti donc à une amélioration du ratio R/T (figure 3). Cependant, tous les fabricants ne disposent pas de cette possibilité de filtrage, parfois accessible via des réglages experts, même si elle tend à se généraliser.
Figure 3. Effet de l’activation du filtre basse fréquence sur un défibrillateur St Jude Medical : atténuation des ondes T, stabilité voire amélioration de l’amplitude des ondes R, correction de la surdétection grâce à l’augmentation du ratio R/T.
Les modifications du CAS sont à effectuer avec prudence quel que soit le paramètre retouché (figure 2) compte tenu de la dégradation des capacités de détections consécutives à :
• L’augmentation du pourcentage d’adaptation de l’onde R (50 à 75 % en nominal, programmable avec une majorité de modèles).
• L’allongement du blanking (très variable selon les fabricants et pas toujours programmable).
• La diminution de la sensibilité maximale, solution le plus commune (0,15 à 1,2 mV selon les boitiers avec des valeurs nominales allant de 0,3 à 0,8 mV).
En l’absence de recommandations claires, ou de données publiées, il semble préférable de ne pas dégrader plusieurs de ces paramètres simultanément et idéalement de vérifier la nouvelle programmation lors d’une induction de FV. Préventivement, certains praticiens ont pris l’habitude de tester la détection de FV avec une sensibilité minimale, à l’implantation. Il s’agit de s’assurer qu’il existe une marge de sécurité importante, utilisable ultérieurement en cas de SDOT ou de baisse d’amplitude de l’onde R. Là non plus, aucune étude prospective n’a validé la fiabilité de cette stratégie.
Quelques conseils pratiques
Eviter les sondes à dipôle intégré en cas d’anomalies importantes de la repolarisation ou de cardiopathie très évoluée et préférer des boîtiers avec algorithmes dédiés (filtres).
Essayer d’obtenir une onde R ≥ 5 mV à l’implantation.
Tester la détection de la fibrillation ventriculaire en sensibilité minimale à l’implantation.
En cas de surdétection de l’onde T, l’activation d’un filtre basse fréquence est à préférer aux modifications des paramètres de contrôle automatique de la sensibilité.
Vérifier la bonne détection d’une FV en cas de modifications importantes des réglages de sensibilité automatiques.
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