Publié le 20 déc 2019Lecture 7 min
Nouveautés du consensus EHRA/HRS 2019 sur l’ablation des arythmies ventriculaires
Philippe MAURY, Anne ROLLIN, CHU Toulouse
Cette année, une nouvelle conférence de consensus mondiale sur l’ablation des arythmies ventriculaires a été publiée(1), succédant à celles de 2009(2) et aux recommandations européennes et nord-américaines plus récentes sur la prise en charge globale des arythmies ventriculaires(3,4). Si beaucoup de choses restent inchangées, ces nouvelles règles modifient la prise en charge des patients avec arythmies ventriculaires sur un certain nombre de points.
Les indications
Il est d’abord rappelé que si la recherche et le traitement d’une ischémie sont utiles avant ablation (classe IIa), elles ne peuvent en aucun cas s’y substituer (classe III) pour le traitement préventif des récidives de tachycardies ventriculaires (TV) monomorphes (liées au substrat cicatriciel et non à l’ischémie).
L’ablation est désormais le traitement de première intention sur coeur sain pour les arythmies symptomatiques provenant de la chambre de chasse du ventricule droit (classe I) et peut être proposée après échec/inefficacité des antiarythmiques pour les autres localisations droites ou les diverses localisations gauches endo ou épicardiques (I ou IIa).
Concernant l’ablation des ESV fréquentes, l’IRM, voire la stimulation ventriculaire programmée, peut aider à stratifier le risque de mort subite en cas de cardiomyopathie structurelle (IIa), et une surveillance régulière de la fonction VG est utile chez les patients asymptomatiques avec FE conservée (IIa). L’ablation est une indication de classe I pour les cardiomyopathies secondaires aux ESV fréquentes (ou IIa, si elles participent à la cardiomyopathie ou gênent la resynchronisation) en cas de résistance/intolérance aux antiarythmiques. L’ablation est aussi indiquée en cas de fibrillation ventriculaire « focale » induite par des ESV monomorphes (IIa).
Pour les cardiopathies ischémiques, l’ablation des TV est nécessaire en cas d’orage rythmique ou de récidive sous traitement antiarythmique (plutôt que de le majorer) (classe I), ou si celui-ci est contre-indiqué, voire non désiré (IIa). L’ablation peut également être proposée après un premier épisode de TV chez les patients implantés de défibrillateur, dans le but de diminuer le risque de récidive et donc de thérapie (IIb, alors qu’elle était proposée en IIa en 2015)(3).
Pour les cardiomyopathies non ischémiques, l’ablation des TV est nécessaire en cas d’orage rythmique, de récidive sous traitement antiarythmique, ou si celui-ci est contre-indiqué (classe I) ou non désiré (IIa). L’ablation épicardique est considérée comme utile après échec par abord endocardique, ou d’emblée s’il existe une suspicion de substrat épicardique (IIa). Enfin l’ablation est justifiée en cas de TV récidivantes malgré un traitement médicamenteux et un défibrillateur sur sarcoïdose cardiaque (IIa), et peut être proposée à titre palliatif à court terme en cas de cardiomyopathie liée à une mutation sur le gène de la lamine A/C (IIb).
L’ablation des TV liées au système de conduction est désormais un traitement de première intention (réentrées branche à branche, TV fasciculaires post-infarctus ou TV fasciculaires focales) (classe I) ou peut être proposée après échec/intolérance des antiarythmiques (TV fasciculaires idiopathiques) (classe I).
Pour les cardiopathies congénitales et surtout les tétralogies de Fallot, l’ablation des TV est efficace pour la réduction des thérapies appropriées (classe I), et une ablation per-opératoire guidée par système 3D peut être envisagée en cas de TV récidivantes et de nécessité de geste chirurgical à visée correctrice (classe IIa). Pour les dysplasies/cardiomyopathies arythmogènes du ventricule droit, l’ablation doit être proposée en cas de TV ou thérapies récidivantes après échec/intolérance des antiarythmiques (classe I) ou même proposée en première intention en cas de refus du traitement (classe IIa), par voie épicardique de première ou seconde intention et dans des centres experts.
L’ablation peut aussi être proposée aux patients avec syndrome de Brugada et thérapies appropriées fréquentes ou en cas de cardiomyopathie hypertrophique et TV monomorphes récidivantes après échec/intolérance du traitement antiarythmique (classe IIa).
Avant la procédure
Il est désormais fortement recommandé d’éliminer la présence d’un thrombus intraventriculaire en cas de dysfonction systolique (classe I), et il est prudent d’éliminer un thrombus atrial en cas de fibrillation atriale associée (risque d’embol en cas de nécessité de cardioversion de TV/FV). De la même manière, l’imagerie (IRM ou autre) est conseillée pour planifier la procédure et diminuer le risque de récidives (classe IIa). Plus généralement, une IRM est préconisée avant implantation de défibrillateur en cas de cardiomyopathie non coronarienne (IIa), mais aussi ischémique (IIb) pour appréhender le substrat sans artéfacts en cas de future ablation.
La stratégie de sédation-analgésie-anesthésie doit être discutée en amont et disponible pendant la procédure (classe I), en sachant qu’anesthésie générale/sédation profonde sont à éviter en cas d’arythmies sur cœur sain (IIa), et qu’une sédation moyenne ou profonde ne peut être envisagée que chez un patient stable et en cas de procédure longue ou douloureuse (ex. : épicardique) (IIb). En règle générale, il convient d’être prudent, voire méfiant, vis-à-vis de l’anesthésie générale et de son type pour l’ablation des arythmies ventriculaires chez certains patients fragiles (critère majeur du PAAINESD Risk Score, développé pour prédire le risque de décompensation hémodynamique pendant la procédure)(1).
Les ponctions artérielles et veineuses devraient désormais se faire sous repérage échographique pour limiter les complications (classe I). La compression manuelle (classe I) est préférée après cathétérisme veineux, quoique les techniques d’hémostase par suture cutanée puissent être pratiquées (IIa). Pour les cathétérismes artériels, la compression manuelle ou la fermeture par système dédié sont toutes deux préconisées (classe I). La réversion de l’héparine par protamine est raisonnable avant ablation des désilets vasculaires (IIa).
Pour l’abord épicardique, une coronarographie ou un coro-scanner sont indispensables pour le repérage des gros troncs coronaires (classe I). La présence d’une assistance chirurgicale cardio-thoracique est également nécessaire en cas de tamponnade ou pour réaliser un abord chirurgical en cas d’adhérences (classe I). Enfin, le repérage du nerf phrénique gauche par stimulation à énergie maximale est nécessaire (classe I).
Après la procédure, la gaine peut être retirée d’emblée (IIa) sauf en cas d’épanchement/ tamponnade (où un drain doit être laissé en place, classe I), ou en cas de risque hémorragique important (IIb). L’instillation intra-péricardique de corticoïdes permet de diminuer le risque de douleurs péricardiques (IIa).
Chez certains patients particulièrement instables ou à haut risque sur le plan hémodynamique, une assistance mécanique percutanée prophylactique temporaire peut se discuter au cas par cas (IIa) ou pour permettre le mapping d’arythmies instables et mal tolérées (IIb).
Une anticoagulation efficace par héparine intraveineuse est nécessaire pour toute cartographie/ablation endocardique ventriculaire gauche (voire droite si risque thromboembolique particulièrement important) (classe I), qui sera antagonisée par protamine en cas de nécessité secondaire d’accès épicardique (IIa).
L’échographie intra-cardiaque permet de repérer l’ostium et le trajet des artères coronaires, de définir l’anatomie des muscles papillaires et de dépister précocement une tamponnade (classe I), et éventuellement de repérer les zones pariétales amincies et hypocontractiles et les thrombus intracardiaques (IIb).
Les systèmes électro-anatomiques 3D sont désormais considérés comme indispensables (cardiopathie structurelle, classe I) ou potentiellement utiles (cœur sain, IIa) ainsi que la navigation magnétique (robotique) (IIa).
Un traitement temporaire par anti-agrégants est raisonnable après ablation endocardique ventriculaire gauche « limitée » (IIa) alors qu’un traitement anti-coagulant oral transitoire peut être discuté pour des ablations plus conséquentes (IIb). Un traitement par héparine après ablation dans le ventricule gauche est possible, mais fait courir le risque d’hémorragies (IIb).
Une stimulation ventriculaire programmée non invasive (NIPS) via le défibrillateur est utile dans les jours suivant l’ablation de façon à optimiser les réglages de l’appareil, prédire le risque de récidives, et donc d’envisager une éventuelle nouvelle procédure (IIa).
Une expertise avancée est recommandée pour les cardiologues réalisant des ablations d’arythmies ventriculaires, ainsi qu’un apprentissage continu (classe I)(5).
Les procédures d’ablation chez des patients avec comorbidités et risque important doivent être effectuées dans une structure hospitalière dédiée. Une expertise en cardiologie interventionnelle doit être présente sur site avec imagerie coronarienne et vasculaire, et possibilité de placement d’assistance mécanique. Une chirurgie cardiothoracique de support doit être présente sur place en cas d’abord épicardique, du fait du risque de sternotomie et de circulation extra-corporelle. La disponibilité d’une équipe d’anesthésie est indispensable pour toute procédure d’ablation d’arythmie ventriculaire.
Techniques d’ablation
L’ablation du substrat en cas de TV sur cardiopathie structurelle est jugée utile pour diminuer le risque de récidive et donc doit faire partie de la stratégie d’ablation (classe I). La cartographie multi-électrode permet une meilleure caractérisation du substrat arythmogène (IIa), et en l’absence d’anomalie endocardique, une cartographie de voltage unipolaire peut aider à dépister un substrat intramural/ épicardique (IIa).
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