Publié le 14 déc 2016Lecture 4 min
Radiothérapie et prothèses rythmiques - Quels risques, quelles précautions ?
J. TAIEB, CH d’Aix en Provence
Les cancers les plus fréquents concernent le poumon chez l’homme et le sein chez la femme. Plus de 50 % des cancers sont traités par des séances de radiothérapie. Le champ d’irradiation de l’accélérateur linéaire pour ces néoplasies se situe dans la région pectorale, parfois à proximité de l’implantation d'une prothèse rythmique (figure).
Figure.
L’objet de cet article est de faire la synthèse des différentes recommandations(1-3) concernant la prévention et la gestion des interférences d’une radiothérapie lorsque l’irradiation est située à proximité ou dans le champ de la prothèse rythmique. Les prothèses concernées sont les stimulateurs, les défibrillateurs implantables (DAI) et les systèmes de resynchronisation endocavitaires.
La sensibilité à l’irradiation des composants a augmenté depuis que la technologie des transistors bipolaires a été remplacée par celle des CMOS (Complementary Metal Oxyde Semiconductor) dans les années 1970. Les mémoires RAM embarquées de plus en plus volumineuses sont également vulnérables à l’irradiation.
Cette irradiation génère des perturbations par interférences électromagnétiques, mais également par ionisation directe et diffusée. Cette dernière peut survenir de façon retardée et les conséquences sur le fonctionnement de la prothèse rythmique s’avèrent difficilement prévisibles.
Les dommages sur les prothèses rythmiques vont de la simple déprogrammation jusqu’à la panne totale de l’appareil avec un caractère aléatoire lié à l’irradiation diffusée dans les tissus et à la résistance variable des prothèses (tableau 1). Outre la vulnérabilité des systèmes électroniques, la présence du boîtier dans le champ de la radiothérapie peut limiter les radiations sur les tissus et perturber la qualité du traitement délivré.
Sans pouvoir modéliser parfaitement le risque d’endommagement de la prothèse rythmique, il est possible de l’estimer en tenant compte de :
- la dose délivrée cumulée (Gy) ;
- l’énergie du faisceau (MV) ;
- la distance et l’orientation du faisceau par rapport au boîtier ;
- l’absence de protection (diaphragme, schielding) ;
- la stimulodépendance qui expose à un risque clinique d’asystolie ;
- des antécédents de troubles du rythme ventriculaires.
À partir de ces principes, le radiothérapeute, informé par une check-list de la présence d’une prothèse rythmique, évaluera en concertation avec le rythmologue le risque d’endommagement de la prothèse par la radiothérapie pour le limiter ce risque au maximum. Il sera consigné dans le dossier :
- le type de prothèse ;
- pour les stimulateurs, la présence ou non d’une stimulodépendance dont la dernière recherche date de moins de 3 mois ;
- pour le DAI, les antécédents ou non de troubles du rythme ventriculaire ;
- l’estimation de la dose absorbée cumulée prévisible. Celle-ci ne doit pas dépasser 2 Gy pour un stimulateur et 0,5-2 Gy pour un DAI selon les auteurs ;
- le niveau de risque, classé en faible, moyen ou fort (tableau 2).
L’organisation des séances doit respecter les principes suivants :
L’énergie du faisceau ne doit pas dépasser 10 MégaVolts.
L’asservissement doit être désactivé pendant les séances.
La programmation temporaire en mode asynchrone, par programmateur ou en plaçant un aimant sur le stimulateur, pendant chaque séance chez les patients stimulodépendants (haut risque).
Les thérapies antitachycardiques du DAI doivent être désactivées temporairement par la mise en place d’un aimant sur le boîtier.
Éviter dans la mesure du possible une irradiation directe sur le boîtier en modifiant l’orientation du faisceau. Si c’est inévitable, un repositionnement prophylactique du boîtier sera discuté chez les patients classés à haut risque. Cette attitude sera mise en balance avec une attitude conservatrice, en assumant le risque de dysfonctionnement et de défaut d’irradiation sur le tissu ainsi que les problèmes de cicatrisation potentiels à cause de l’irradiation. Si un repositionnement est proposé, il pourra être homolatéral ou controlatéral en utilisant si nécessaire des prolongateurs. À l’extrême, de nouvelles sondes seront implantées.
La surveillance scopée de la saturation d’oxygène et visuelle est recommandée. La présence d’un anesthésiste ou du cardiologue est préconisée dans la recommandation allemande pour les patients à haut risque.
L’équipe de radiothérapie devrait être formée à cette surveillance scopée des prothèses rythmiques, à la détection des dysfonctionnement (défaut de capture, inhibition, asystole, arythmie), à l’utilisation de l’aimant et du matériel de réanimation qui devra être disponible (défibrillateur externe).
Chez les patients à risque moyen et haut, un contrôle de la prothèse avant et après chaque séance est préconisé.
Après la dernière séance de radiothérapie, il est préconisé un contrôle de la prothèse à 1, 3, 6 mois pour rechercher des effets retardés de la radiothérapie sur la prothèse. La télécardiologie peut remplacer avantageusement ces contrôles quand elle est disponible.
Le patient devra être informé des risques d’endommagement du boîtier et de la désactivation temporaire des thérapies antitachycardiques du DAI pendant la procédure (aimant). Il doit également être informé des signes cliniques de dysfonction de la stimulation (lipothymie, palpitations, dyspnée).
Conclusion
Une bonne coordination entre radiothérapeute et rythmologue, ainsi que l’application de précautions guidées par la classification du risque sont essentielles pour éviter des drames chez ces patients implantés confrontés à une pathologie carcinologique déjà difficile à assumer.
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