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Polémique

Publié le 31 mai 2016Lecture 5 min

Stimulation endocardique ventriculaire gauche : où en est-on ?

S. AMRAOUI, P. BORDACHAR, CHU Bordeaux

La resynchronisation biventriculaire est une thérapeutique recommandée et aujourd’hui largement diffusée pour les patients avec dysfonction ventriculaire gauche et asynchronisme ventriculaire. La sonde ventriculaire gauche (VG) est habituellement positionnée dans une branche latérale ou postérolatérale du sinus coronaire conduisant à une stimulation épicardique. En dépit de progrès importants du matériel spécifiquement conçu pour le positionnement de la sonde dans une branche du sinus coronaire, la procédure d’implantation de la sonde ventriculaire gauche reste parfois complexe et se solde par un échec chez 3 à 10 % des patients.
De plus, en raison de contraintes anatomiques, le site de stimulation est plus souvent imposé que réellement choisi ce qui pourrait expliquer en partie le nombre difficilement compressible de patients non répondeurs. Le positionnement d’une sonde endocardique VG constitue une approche alternative. Elle est proposée en cas d’échec d’implantation mais également pour réduire la proportion de patients non répondeurs à la resynchronisation.

Quelques cas de stimulation endocardique VG par voie transapicale chirurgicale, ou accidentels par voie transaortique (ponction de l’artère sous-clavière) ou transseptale (patients avec foramen ovale perméable) ont été décrits. Les premiers cas de stimulation endocardique VG transseptale volontaires par ponction du septum interauriculaire ont été réalisés dans notre service à partir de la fin des années 1990 pour les rares patients ayant subi un échec de positionnement par le sinus coronaire et présentant une contre-indication à la chirurgie. Différentes techniques (voie jugulaire, approche mixte couplant abord sous-clavier et abord fémoral) ont ensuite été proposées dans quelques centres dans le monde. Les limitations Il existe un certain nombre de limitations à cette voie d’abord : L’absence de matériel dédié complique la procédure d’implantation. La présence d’une sonde dans le système cardiovasculaire où qu’elle soit peut entraîner la formation d’un thrombus. Les complications emboliques peuvent revêtir un caractère bien plus marqué pour une sonde située dans le VG en raison du risque d’embolisation systémique et d’accident vasculaire cérébral. Un traitement au long cours par anticoagulant est donc indispensable avec son lot d’arrêts inopinés ou de surdosage et de complications hémorragiques. La sonde traverse la valve mitrale avec un risque théorique augmenté de fuite mitrale et d’endocardite mitrale. La gestion d’une infection de matériel pourrait s’avérer difficile. En effet, une extraction percutanée paraît trop risquée devant le risque d’embolisation systémique d’une végétation ou d’un thrombus. Une extraction chirurgicale serait alors indispensable chez ces patients fragiles à risque opératoire élevé. Les avantages La stimulation endocardique VG présente toutefois des avantages non négligeables : Le choix important de sites de stimulation VG permet une optimisation des seuils de stimulation et permet de réduire considérablement le risque de stimulation phrénique, deux facteurs parfois limitants lors d’une implantation traditionnelle. La stimulation endocardique VG apparaît plus physiologique que la stimulation épicardique avec le respect d’un gradient d’activation endocarde-épicarde, ce qui pourrait réduire le risque d’arythmie induite. La raison principale pour sélectionner cette voie d’abord pourrait être d’optimiser la réponse à la resynchronisation et de réduire le nombre de non-répondeurs par deux mécanismes distincts : un choix plus important de sites de stimulation (accès à une grande majorité des sites VG) et une supériorité hémodynamique de la stimulation endocardique par rapport à une stimulation épicardique. En effet, sur différents modèles animaux, il paraît clair que stimuler l’endocarde du VG permet un bénéfice significatif par rapport à une stimulation épicardique au même site. Ces différences très largement significatives n’ont toutefois pas été retrouvées chez l’homme. Pour quels patients ? Différentes populations pourraient théoriquement bénéficier d’une stimulation endocardique : - En troisième intention après échec de la voie traditionnelle et lorsque le risque opératoire paraît trop important pour adresser le patient au chirurgien. - En seconde intention, chez les patients non répondeurs à la resynchronisation traditionnelle. - En première intention pour une primo-implantation. L’extension des indications de cette voie d’abord passe au préalable par trois étapes indispensables : - Le développement de matériel dédié permettant une implantation simple intégralement réalisée par voie sous-clavière. - La démonstration d’une faisabilité et d’un taux de complications acceptables. - La démonstration d’un intérêt hémodynamique et clinique pour le patient. Il existait jusqu’à présent peu de données permettant d’évaluer de façon précise la faisabilité, la sécurité et l’impact clinique d’une stimulation endocardique puisque la seule revue de la littérature ne retrouvait que quelques études monocentriques avec des effectifs restreints. L’étude ALSYNC ALSYNC(1) est la première étude multicentrique, prospective, non randomisée, portant sur l’évaluation de la stimulation endocardique VG. Son objectif principal était d’analyser la faisabilité et la sécurité d’un système de stimulation permettant d’implanter une sonde endocardique VG intégralement par voie sous-clavière (figure). Elle a inclus 138 patients. Les résultats semblent clairement favorables en termes de faisabilité avec un succès d’implantation de près de 90 % et des seuils de stimulation satisfaisants au prix d’un risque probablement accru d’hématome de loge (procédure réalisée sous héparine). Figure. Radiographie d’un patient porteur d’un défibrillateur triple chambre (sonde VG antéro-basale par le sinus coronaire), non répondeur à la resynchronisation, ayant secondairement bénéficié de l’ajout d’une sonde endocardique VG par voie transseptale. En revanche, sur un suivi de 6 mois, en dépit d’un traitement anticoagulant au long cours, 6,8 % des patients ont présenté un accident ischémique transitoire et 3,8 % un accident vasculaire cérébral. En l’absence de groupe contrôle, ces résultats sont difficiles à interpréter, mais le taux élevé de complications thromboemboliques semble problématique et constitue un frein au développement de la technique. Cette étude n’avait pas été dimensionnée pour évaluer un éventuel bénéfice clinique supérieur de la stimulation endocardique. Perspectives Plus de 15 ans après les premiers cas décrits, la stimulation endocardique VG transseptale reste encore aujourd’hui relativement confidentielle et restreinte à quelques centres dans le monde. La société Medtronic a développé un système d’implantation dédié à ce type de procédure avec une implantation en un seul temps par voie sous-clavière, ce qui constitue un premier pas important et indispensable au développement de la technique. La faisabilité retrouvée avec ce système dans l’étude ALSYNC semble satisfaisante. En revanche, le taux de complications et leur gravité potentielle, la nécessité d’un traitement anticoagulant au long cours, la difficulté de prise en charge en cas d’infection limitent aujourd’hui l’extension des indications de cette voie d’abord, d’autant plus que la supériorité clinique n’est pour l’instant que théorique et n’a pas été formellement démontrée. Conclusion  Si positionner des sondes dans le VG ne constitue donc peut-être pas la solution idéale, stimuler l’endocarde et choisir son site de stimulation pourraient quand même être la voie à suivre. Le développement de stimulateurs sans sonde positionnés dans la cavité VG pourrait représenter le compromis idéal entre un risque de complications limité et une réponse optimisée.  

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