Publié le 29 fév 2016Lecture 6 min
Unités de prise en charge des syncopes : buts et modalités
J. MANSOURATI, Département de cardiologie, CHU de Brest
La syncope est une cause fréquente d’admission aux urgences. Son coût n’est pas négligeable et sa prise en charge optimale permet d’éviter des examens et des hospitalisations inutiles dans les situations bénignes, sans méconnaître les situations à risque. Une organisation structurée des spécialités prenant en charge la syncope, appelée unité de syncopes (US) ou syncope unit, a été suggérée en 2009 dans les recommandations européennes(1).
Les objectifs de ces unités sont de bien stratifier le risque du patient, d’assurer une démarche de qualité pour un meilleur diagnostic étiologique et enfin, le cas échéant, de proposer un suivi optimal du patient. En juin 2015, un consensus d’experts du Groupe de rythmologie de la Société européenne de cardiologie (EHRA) a fait le point sur les compétences, les bénéfices et les attentes d’une US, son mode de fonctionnement et ses indicateurs de qualité(2). Nous en rapportons les principales données.
L’US ne désigne pas une structure proprement dite mais peut consister en une unité virtuelle donnant l’accès rapide à un avis d’experts et permettant l’organisation d’une prise en charge (PEC) adaptée aux recommandations. Cette PEC permettra de diminuer la proportion de syncopes sans diagnostic précis, qui peut atteindre jusqu’à 40 % selon les auteurs, et d’assurer un traitement plus rapide lorsque le pronostic vital du patient est en jeu. L’organisation de la PEC par une seule unité permet, par ailleurs, d’éviter de multiplier les examens déjà réalisés ou inutiles car souvent prescrits de façon systématique sans logique et sans intérêt. L’exemple le plus flagrant est celui du bilan neurologique systématique (scanner cérébral voire IRM et écho-Doppler des artères cérébrales), sans distinction entre une syncope par définition d’origine cardiaque ou réflexe et une perte de connaissance qui pourrait être d’origine neurologique.
Un algorithme décisionnel précis établi par un référent expert en la matière peut être proposé et mis en œuvre dès l’admission aux urgences du patient (figure). Une fois l’interrogatoire, l’examen clinique et les premiers examens de débrouillage réalisés, le patient sera rapidement orienté, selon l’hypothèse diagnostique, vers la spécialité adéquate pour la poursuite d’un bilan réfléchi et un suivi efficace. L’intérêt de l’US est alors d’obtenir une programmation rapide des consultations et des examens complémentaires et de raccourcir les durées d’hospitalisation pour un meilleur rapport coût/efficacité. L’orientation du patient sera priorisée vers un cardiologue, un neurologue, un psychiatre, un pédiatre ou un gériatre en fonction de la présentation clinique (syncope, perte de connaissance évoquant une crise comitiale, terrain psychiatrique, enfant ou sujet âgé polymédicamenté, etc.).
Figure. Mode de fonctionnement proposé par le consensus EHRA (European Heart Rhythm Association) et HRS (Heart Rhythm Society).
Quelques études ont prouvé la diminution des admissions à l’hôpital et de la durée de séjour lorsqu’une PEC est bien structurée. L’étude randomisée SEEDS réalisée chez des patients à risque intermédiaire admis en service d’urgence et comparant une PEC structurée et une PEC de routine a ainsi montré une réduction d’un peu plus de 50 % du nombre et de la durée des hospitalisations(3). L’étude randomisée EDOSP a montré une réduction du nombre des hospitalisations de 77 % et de leur durée de 40 %(4). Dans cette dernière étude, bien que le taux de diagnostics positifs ait été le même chez les patients admis en US que chez ceux suivis en routine, une réduction de coût de 629 $ par patient a été retrouvée.
Modèle d’US
Il n’y a pas de modèle unique d’US, mais différentes expériences existent déjà.
Les premières US
Elles ont été expérimentées en Italie puis adoptées par d’autres pays européens et les États-Unis. Elles sont généralement situées en cardiologie et dirigées par des cardiologues ayant une expertise dans le domaine. Les patients sont soit adressés directement en consultation externe, soit via les urgences. Ce modèle a parfois évolué vers des US virtuelles basées sur l’expertise sans personnel dédié, mais avec une organisation informatisée. Une évaluation de ces unités est effective en Italie où environ 70 US existent. La certification est faite par le GIMSI (Groupe italien multidisciplinaire pour l’étude de la syncope). Des US similaires existent aussi dans des services de gériatrie ou de médecine interne.
Les unités ambulatoires d’évaluation des syncopes et des chutes
C’est un autre modèle qui a été développé à Newcastle en Grande-Bretagne. L’approche dans ce cas est multidisciplinaire et repose sur les algorithmes de démarche diagnostique des chutes (chez les sujets âgés) et des pertes de connaissance en lien avec les urgences et différentes disciplines.
Les centres de référence
Les centres de référence proposent un accès rapide aux spécialistes. Les patients sont adressés par les médecins traitants ou les services d’urgence et un questionnaire décrivant leurs symptômes et leurs antécédents permet de les orienter vers les spécialistes adéquats après analyse par des infirmières spécialisées.
Les US tertiaires
Elles sont tenues par un seul spécialiste (neurologue, cardiologue ou interniste). Les patients sont adressés par des cardiologues et des neurologues pour la réalisation, en externe, de bilans supplémentaires. Il s’agit dans ce cas de syncopes inexpliquées souvent réflexes et parfois de pseudo-syncopes d’origine psychogène ou des épilepsies.
Les US d’observation
Les US d’observation sont présentes dans les services d’urgence. Les patients sont en général à risque intermédiaire et surveillés pendant une période de 6 heures durant laquelle différents tests sont réalisés et des avis spécialisés sont obtenus rapidement pour éviter l’hospitalisation.
Les centres de syncopes et de chutes
Ils sont tenus par des cardiologues et des gériatres et proposent un avis neurologique rapide et l’utilisation d’outils informatiques intégrant la PEC du patient en fonction de son risque.
US : composition, équipement et accès suggérés
Parmi les éléments proposés par le consensus d’experts dans l’organisation de ce type de structure figurent :
Un personnel dédié
Un ou plusieurs médecins experts de la syncope, des infirmières entraînées et un support administratif. Le rôle de chaque membre du personnel dépend de l’organisation de l’unité. Les infirmières peuvent avoir une délégation de tâche pour l’évaluation initiale des patients et leur orientation. Le personnel peut être employé à temps partagé en fonction du volume de patients.
Des locaux et un équipement minimum
Ils devraient être disponibles et intégrer :
- un appareil ECG et de surveillance continue de l’ECG et de la pression artérielle ;
- une table pour le test d’inclinaison (tilt test) ;
- des enregistreurs Holter ECG, des enregistreurs d’événements (externes ou implantables), des appareils de mesure ambulatoire de la pression artérielle ;
- des tests simples du système nerveux autonome.
Un accès facile à l’échographie cardiaque, aux explorations électrophysiologiques, aux épreuves de stress, à l’imagerie neurologique et aux consultations de cardiologie, neurologie, médecine interne, gériatrie et psychologie en cas de besoin.
La possibilité d’appliquer le traitement dans l’unité sauf PEC nécessaire dans une autre unité en fonction de l’étiologie.
Une base de données facilement consultable et permettant l’évaluation de l’unité et la participation à la recherche dans ce domaine.
Indicateurs de qualité
Ces indicateurs sont essentiellement basés sur le nombre de patients ayant un diagnostic précis (au moins 70 %), un taux de pertes de connaissance inexpliquées au maximum à 20 % et moins de 5 % de taux de réadmissions pour récidive. Il est également proposé d’évaluer le taux de patients ayant eu un ECG, une recherche d’hypotension orthostatique et la réalisation des autres examens de débrouillage.
Les unités de syncope sont donc un modèle de prise en charge des pertes de connaissance répondant aux recommandations et à l’évolution des moyens diagnostiques. Elles ont prouvé leur intérêt et leur bénéfice économique. Elles pourraient devenir un standard avec des prérequis et des critères d’évaluation bien définis. Leur développement est toutefois à adapter à chaque structure en fonction de la population concernée.
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