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Mise au point

Publié le 30 nov 2010Lecture 9 min

Cypher® et tronc commun

M. SILVESTRI, Polyclinique Parc Rambot, Aix en Provence

Le pontage aortocoronaire (PAC), du fait de ses bénéfices à long terme versus le traitement médical est resté de nombreuses années le traitement de référence pour les lésions du tronc commun gauche (TCG) non protégées. Il le reste encore, dogmatiquement pour certains, mais de façon de plus en plus nuancée, depuis la publication de nombreux registres et notamment des résultats du sous-groupe TCG de l’étude randomisée SYNTAX qui, avec 3 ans de recul à présent, montre que le stent actif au paclitaxel donne de bons résultats dans certaines populations de patients bien sélectionnés. 

Le stent coronaire actif coaté à la rapamycine Cypher® vient d’être le premier inscrit à la LPPR par la Haute Autorité de Santé (HAS) en France pour le traitement de la sténose du TCG. Un grand pas a donc été franchi dans notre pays. Malgré cela, tout n’est pas si simple et nous allons tenter en nous aidant de la littérature et de notre expérience, de répondre à deux questions principales :  • Cypher® est-il le stent à utiliser de première intention plutôt quʼun autre ? • Quelles sténoses du TCG pouvons nous traiter avec un stent actif ? Spécificité de Cypher® dans le TCG  La littérature traitant du Cypher® dans le TCG est abondante. Malgré cela, on trouve peu de séries publiées utilisant uniquement Cypher® et malheureusement aucune étude randomisée versus chirurgie. Technique Dans notre expérience, débutée dès 2003, la délivérabilité de Cypher® est acceptable pour atteindre la lésion du TCG sauf en présence de calcifications importantes. Il a pour lui une excellente force radiale et un étayage optimal de la paroi, ce qui est intéressant sur l’ostium particulièrement riche en fibres élastiques. L’accès à la branche fille à travers les mailles, le plus souvent vers la circonflexe, pose généralement peu de problèmes bien que la taille de la maille, à diamètre égal, ne soit pas la plus large du marché.  En revanche, il possède la perte tardive la plus faible de tous les stents avec, de ce fait, un taux de resténose bas reconnu.  Le diamètre disponible maximum n’étant que 3,5 mm, on peut penser que le Cypher® joue « petit bras » dans le TCG souvent de taille supérieure. La large expérience coréenne de Park infirme ces données puisque les résultats immédiats sur l’apposition et à long terme du late loss sont tout à fait satisfaisants. Le Cypher® peut, il est vrai d’après la notice d’utilisation, être postdilaté jusqu’à 4,5 mm à haute pression sans déstructuration du stent ni délamination du polymère, avec une force radiale constante et la conservation du principe actif du sirolimus d’après les ingénieurs Cordis (figure 1). L’absence de commercialisation d’un Cypher® de 4 ou 4,5 mm reste tout de même un mystère !    Figure 1. Cypher® de diamètre 3,5 mm surdilaté à 4,5 mm. Quid de la sécurité et du risque de thrombose tardive souvent létale lorsqu’elle survient dans le TCG ? L’expérience coréenne dans MAIN-COMPARE(1), utilisant préférentiellement le Cypher® (77 %) montre un taux de thrombose bas et acceptable (< 1 %). Surtout, ce dernier n’est pas supérieur à celui des BMS.  Chieffo(2) publie un taux de thrombose certaine ou possible de 0,9 % à 29 mois parmi 731 TCG et ce, sans valeur prédictive de l’un ou l’autre stent actif Taxus® ou Cypher®. L’étude SP-DELFT(3) sur deux groupes de patients traités par Cypher® (152) et Taxus® (136) ne rapporte qu’une seule thrombose tardive certaine (0,3 %) chez un patient ayant reçu 3 Taxus® et respectivement 0,6 %, 1,1 % et 4,4 % de thromboses certaines, possibles et probables. Enfin, Kim(4) ne collige qu’un cas de thrombose à J 35 (0,6 %) parmi 83 % de patients traités par Cypher® dans sa série et suivis en moyenne à 1 an. Rappelons que dans l’étude SYNTAX, à 3 ans, on dénombre autant de thromboses précoces de stents Taxus® que d’occlusions symptomatiques de pontages.  Même si la thrombose de stent sur le TCG est un événement gravissime qui emporte le patient le plus souvent, sa fréquence est suffisamment faible pour pouvoir être « acceptée »car tout au plus équivalente aux autres causes de mortalité du PAC.    En revanche, elle est beaucoup plus mal vécue sur le plan psychologique par les proches car elle est brutale et inattendue et par le cardiologue interventionnel car plus « culpabilisante », la banalisation du geste technique d’angioplastie étant faussement rassurante. À coté, souvent, la « dramatisation » initiale du PAC nivelle quelque peu l’impact de la survenue d’un décès.  Taxus® ou Cypher® dans le TCG ? Quelques études ont comparé les deux stents : - la référence est l’étude germanique ISAR-Left Main(5) (figure 2) qui conclut à un match nul en termes d’événements cardiaques et cérébraux majeurs (MACCE) entre les deux stents actifs (13,6 % pour Taxus® et 15,8 % pour Cypher® ; p = 0,44).   Figure 2. ISAR-Left Main : décès IDM ou réinterventions à 2 ans. - Pas de différence non plus dans MAIN-COMPARE(6) en termes de décès, IDM ou TLR (tableau).   - Enfin, l’étude RESEARCH(7), menée entre 2002 et 2004, a suivi 110 patients ayant reçu un Cypher® (55) ou un Taxus® (55) à 660 jours en moyenne. Le taux de MACE était similaire pour Cypher® et pour Taxus® (25 % et 29 % respectivement ; p = 0,74) avec un critère composite décès, infarctus (16 % vs 18 %) et un TLR (9 % vs 11 %) également comparables entre les deux stents. L’ostium, le corps et la bifurcation Lorsque, dans son malheur, le patient a la « chance » d’avoir une sténose ostiale ou du corps du tronc, et si de plus elle est isolée, nous savons à présent qu’il s’agit d’une excellente indication de stent actif, le pronostic étant tout à fait favorable comme l’a montré Chieffo(8). Parmi 147 patients dont 19,7 % de diabétiques traités avec Cypher® (72,8 %) et suivis en moyenne à 2,4 ans, avec un suivi angiographique pour 72 % d’entre eux, la resténose n’est que de 0,9 % et la mortalité de 2,7 %. Les lésions de bifurcation du TCG restent à plus haut risque de resténose (10 à 15 %), quel que soit le type de stent actif utilisé. Bien que le débat demeure (RESEARCH)(7), la technique utilisée semble influencer significativement le TLR. Les études coréenne(9) et italienne(10) montrent que les techniques complexes de stenting multiple sont associées à un taux de resténose élevé et qu’une stratégie simple avec un seul stent donne des résultats à long terme similaires à ceux des lésions hors bifurcation. 1 ou 2 Cypher® ? En cas de localisation distale sur la bifurcation, le registre multicentrique japonais publié par Toyofuku(11) montre, parmi 380 bifurcations, que Cypher® utilisé seul pour couvrir le TCG et une des branches fait mieux que 2 Cypher® en termes de survie à 3 ans (5,5 % vs 12,2 % ; p = 0,02) et en termes de TLR (11,1 % vs 30,9 % ; p < 0,0001).   Ceci confirme que le stenting provisionnel de la branche secondaire doit être privilégié. L’ouverture de la maille par un kissing permet de couvrir l’ostium de la branche fille le plus souvent (figure 3).    Figure 3. Ouverture de maille du Cypher(R) dans une bifurcation (photo Dr O. Darremont). Comparaison avec la chirurgie  Aucune randomisation Cypher® versus chirurgie n’a été publiée, quel dommage ! Les études comparatives non randomisées de Palmerini, Lee et Chieffo (Taxus® et Cypher®) montrent comme souvent l’absence de différences en termes de décès, IDM avec un taux de TLR en défaveur des stents actifs mais significativement moindre qu’avec les BMS. En termes de décès, IDM et AVC, le registre non randomisé MAIN-COMPARE ne met pas en évidence de différence à 3 ans entre les patients appariés ayant un stent actif (669 pour Cypher® et 189 pour Taxus®) et ceux ayant eu un PAC (HR = 1,40 [0,88-2,22]). Seul le taux de nouvelle revascularisation nécessaire est significativement supérieur chez les patients stentés mais avec un gap à présent beaucoup plus étroit par rapport aux BMS, d’environ 8 %. Quels troncs communs dilater et comment ? Le Cypher® fait donc jeu égal avec le Taxus® dans le TCG. Depuis le dernier congrès TCT, nous savons à présent qu’à 3 ans, selon l’étude SYNTAX, le Taxus® fait aussi bien que la chirurgie dans le sous-groupe des troncs en termes de MACCE chez les patients avec un score Syntax < 32. Sur le plan scientifique, il est délicat d’extrapoler avec le Cypher® mais tout laisse à penser que les résultats seraient les mêmes. Il faut espérer que l’étude PRECOMBAT en Corée et REVASCULARIZE aux États-Unis nous éclaireront un peu plus. L’étude randomisée multicentrique mondiale EXCEL qui va démarrer permettra de trancher entre chirurgie et stents Xience™ pour les troncs communs chez les patients avec un score Syntax < 33.  Dans l’immédiat, bien sûr, l’expérience de chaque centre est primordiale, la preuve en est dans l’étude SYNTAX où, dans les 5 centres français à haut volume, le cardiologue fait aussi bien que le chirurgien avec moins de stents et moins de longueur de stents malgré plus de double mammaire que dans les autres pays participants.  Les recommandations viennent de passer au niveau IIb B, même IIb A pour le tronc isolé. Nous avons donc déjà bien progressé, mais il n’en reste pas moins qu’une rigoureuse sélection des patients est indispensable.  Soyons simples mais rigoureux avec le plus souvent, si possible, un seul stent actif (provisional stenting), quel qu’il soit, mais bien déployé, à la taille adéquate, au bon endroit, à haute pression et couvrant toute la lésion sans manquer l’ostium, en s’aidant de l’IVUS pour ceux qui y croient et en ont l’expérience, et ne quittons jamais le cathlab sans un résultat parfait.  Revascularisons de manière « fonctionnelle » pour les lésions associées, en implantant des stents seulement s’ils sont utiles et nécessaires pour le patient, c’est-à-dire si l’ischémie est prouvée, avec l’aide de la FFR comme le préconise De Bruyne car moins on stente et plus court on stente, moindres sont les événements.  En cas de calcifications massives, de score Syntax > 32, d’anatomie du TCG complexe, s’il faut implanter plusieurs cm de stents, chez un diabétique, même si l’égo de l’interventionnel en prend un coup, pour l’instant le chirurgien fera mieux que nous. C’est une question de bon sens.  En conclusion Cela n’engage que nous et de façon empirique, mais mon sentiment est qu’il est probablement possible d’être plus compétitif et de réduire le faible gap actuel d’événements entre chirurgie et stents actifs, surtout à cause des lésions associées, grâce à tous ces petits moyens cumulés cités plus haut, et peut-être grâce aux nouvelles générations de stents à venir (à polymères résorbables ou totalement résorbables) qui ne laisseront plus de matériel étranger dans la coronaire.  

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