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Publié le 15 juin 2017Lecture 10 min
Fabien PICARD, Julien ADJEDJ, Olivier VARENNE, Hôpital Cochin, Paris
Cette année encore, le congrès EuroPCR a réuni au Palais des Congrès de Paris plus de 11 000 participants pour présenter et débattre des innovations en cardiologie interventionnelle. En cette année particulière des 40 ans de la première angioplastie coronaire, les nombreuses sessions éducatives, de partages d’expériences cliniques et de résultats d’essais cliniques ont permis de faire l’état de l’art sur les interventions en maladie coronaire, valvulopathies, maladie périphérique, hypertension et autres domaines de la cardiologie interventionnelle.
Angioplastie coronaire
Antiagrégation après syndrome coronaire aigu
L’étude randomisée TOPIC (Timing Of Platelet Inhibition after acute Coronary syndrome), présentée par le Dr Cuisset et publiée simultanément dans l’European Heart Journal, a étudié le bénéfice potentiel d’un changement de double antiagrégation plaquettaire après syndrome coronaire aigu (SCA). Les recommandations actuelles de l’European Society of Cardiology préconisent une double antiagrégation plaquettaire par nouveaux inhibiteurs de P2Y12 (ticagrélor ou prasugrel) pendant 12 mois. L’étude a montré que chez les patients n’ayant pas présenté d’événement durant le premier mois après SCA traité par angioplastie, une stratégie de changement d’antiplaquettaire pour du clopidogrel était supérieure à une stratégie traditionnelle avec la même double antiagrégation jusqu’à 1 an.
Le critère de jugement principal était un critère composite de décès cardiovasculaires, de revascularisations urgentes, d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) et de saignements de grade 2 ou plus selon la classification BARC (Bleeding Academic Research Consortium). Un total de 645 patients a été inclus. Il existait une supériorité de la stratégie de changement d’antiagrégant à 1 mois sur le critère composite (13,4 % vs 26,3 % ; HR : 0,48 ; IC95 % : 0,34- 0,68 ; p < 0,01).
Néanmoins, l’étude manque de puissance pour les événements rares tels que les thromboses de stents. S’il n’a pas été retrouvé de différence significative sur les critères ischémiques, l’ensemble du bénéfice est dû à une réduction des saignements BARC ≥ 2 (4,0 % vs 14,9 % ; HR : 0,30 ; IC95 % : 0,18-0,50 ; p < 0,01), ces saignements allant du simple saignement identifié (clinique ou imagerie) mais non grave cliniquement (BARC 2) au saignement mortel (BARC 5). Ces résultats apportent de nouveaux éléments de stratégie à adopter sur la balance ischémiehémorragie et pourraient également avoir un impact de réduction de coût.
Stents
L’étude DESSOLVE III présentée par le Dr de Winter a montré que le stent au sirolimus avec polymère résorbable MiStent® (Stentys) était non inférieur au stent XIENCE (Abbott Vascular) à 12 mois dans une population tout venant. Cette étude randomisée a inclus 1 398 patients au sein de 20 sites européens.
À 1 an, l’incidence de TLF (target lesion failure) était de 5,8 % pour le MiStent® contre 6,5 % pour le XIENCE (p < 0,001 pour la non-infériorité). De plus, le taux de thromboses de stent était très bas dans les 2 groupes (< 1 %). Par ailleurs, il n’existait pas de différence entre les sousgroupes de patients traités. Avec des taux d’événements si bas pour ces stents de dernière génération, une preuve de supériorité sera difficile à atteindre, mais il semble que les courbes tendent à se séparer en faveur du MiStent® à 12 mois et il faudra attendre les résultats à plus long terme pour en juger (figure 1).
Figure 1. Étude DESSOLVE III montrant que le stent au sirolimus avec polymère résorbable MiStent® (Stentys) est non inférieur au stent Xience (Abbott Vascular) à 12 mois dans une population tout-venant.
Stents biorésorbables
De nombreuses données d’études randomisées et de registres ont été présentées cette année. Concernant la première génération de prothèses totalement résorbables, les résultats de l’étude AIDA (Amsterdam investigatorinitiated Absorb strategy allcomers) ont été présentés et publiés simultanément dans le New England Journal of Medicine.
Cette étude randomisée est la première étude menée dans une population reflétant la pratique quotidienne avec la prothèse ABSORB (Abbott Vascular). Cet essai multicentrique a comparé le stent résorbable ABSORB avec le stent XIENCE et montré une augmentation significative du taux de thromboses à 2 ans dans le groupe ABSORB (3,5 % vs 0,9 % ; HR : 3,87 ; IC 95 % : 1,78-8,42 ; p < 0,001). De manière angiographiques (petits vaisseaux, longues lésions, etc.) et procédurales (recours à la pré et postdilatation) n’étaient pas associées à une réduction significatives des événements. Néanmoins, il n’existait pas de différence notable en termes de mortalité ou de revascularisation du vaisseau initialement traité.
D’autres études randomisées (ABSORB China, ABSORB Japan) et registres ont apporté des résultats divergents sur les événements à long terme des stents ABSORB avec des taux de thromboses allant de 0,6 % pour certains registres à plus de 3,6 % pour ABSORB Japan à 3 ans. À noter qu’un registre de l’Institut de Cardiologie de Montréal avec une suivi d’environ 500 patients à 3 ans retrouvait sensiblement les mêmes résultats qu’AIDA, à savoir un taux de thromboses non négligeable (2,6 % à 3 ans) sans que l’on puisse identifier de prédicteur à cela (fort taux de postdilatation, lésions tout venant).
Signalons également, la présentation des résultats à 2 ans de l’étude BIOSOLVE-II qui étudiait la sécurité et l’efficacité de la prothèse résorbable Magmaris (Biotronik) avec des résultats encourageants (aucune thrombose de stent à 2 ans dans cette cohorte d’une centaine de patients très sélectionnés) : un essai à transformer !
La route semble donc encore longue pour les stents biorésorbables mais l’évolution de leurs plateformes va sans doute améliorer l’efficacité et la sécurité de ces prothèses dans les années à venir.
Occlusions coronaires chroniques
Les études randomisées sur les désobstructions d’occlusions chroniques sont peu nombreuses et leurs résultats discordants. Récemment, les études EXPLORE et DECISIONCTO n’avaient pas montré de réel bénéfice de la désobstruction par rapport au traitement médical. Des données rassurantes ont été présentées par le Dr Werner.
L’étude EuroCTO a randomisé 396 patients avec angor stable entre désobstruction (n = 259) et traitement médical optimal (n = 137). Les patients ayant bénéficié d’une désobstruction avaient une meilleure qualité de vie, caractérisée par des douleurs angineuses moins fréquentes et une capacité physique améliorée. Une revascularisation était obtenue dans 86,3 % des cas et le taux de changement de groupe pour désobstruction dans le bras traitement médical optimal était de 7,3 %. En raison, d’un taux d’inclusion faible, l’étude a recruté moins de patients que prévu. Néanmoins, les résultats obtenus, associés à un faible taux de complications périprocédurales (1,5 % de tamponnade et aucun décès) nous fournit des données encourageantes chez ce type de patients.
Physiologie coronaire
D’après les résultats d’une analyse commune de deux essais cliniques randomisés sur l’iFR (instantaneous wavefree ratio), DEFINE-FLAIR et iFRSWEDEHEART présentés par le Dr J. Escaned, l’utilisation de l’iFR serait comparable à la FFR en termes de classification des sténoses pour décider ou non d’un traitement par angioplastie.
Basée sur la valeur d’iFR ou de la FFR, la décision de revascularisation ou non par angioplastie, qu’il s’agisse de coronariens stables ou de sujets avec un SCA, a conduit à un nombre très bas d’événements cardiovasculaires à 1 an (critère de jugement primaire). Néanmoins, les taux d’événements cardiovasculaires (décès, infarctus non fatals, revascularisations coronaires non programmées) à 1 an étaient comparables dans les deux groupes (iFR : 4,12 % vs FFR : 4,05 % ; p = NS) avec 45 % de sténoses traitées médicalement avec la FFR et 50 % avec l’iFR.
Valvulopathies
Aortique
L’étude REPRISE III, présentée par le Dr T. Feldman, est la première étude randomisée mettant face à face la nouvelle prothèse LOTUS™ (Boston Scientific) et la CoreValve® Evolut™ R (Medtronic) chez des patients avec une sténose aortique à haut risque chirurgical.
Cette étude randomisée 2:1 avec plus de 600 patients dans le groupe LOTUS™ et plus de 300 dans le groupe CoreValve® a démontré la non-infériorité de la valve LOTUS™ sur le critère de sécurité à 30 jours et à 1 an. De plus, la valve LOTUS™ semble supérieure sur le critère composite d’efficacité à 1 an (critère composite incluant décès, AVC invalidant et fuite paravalvulaire modérée à sévère : 16,7 % vs 29 % ; p < 0,001) (figure 2). Néanmoins, ces résultats impressionnants sont contrebalancés par un taux 2 fois plus élevé d’implantations de pacemaker avec la valve LOTUS™ (15,8 % vs 29,1 % ; p < 0,001). De plus, l’inclusion des fuites paravalvulaires dans le critère primaire d’efficacité et le taux élevé d’AVC inattendu dans le groupe CoreValve® font interpréter ces résultats avec précaution.
Figure 2. Étude REPRISE III, première étude randomisée mettant face à face la nouvelle prothèse LOTUS™ (Boston Scientific) et la CoreValve(R) Evolut™ R (Medtronic) chez des patients avec sténose aortique à haut risque chirurgical. La valve LOTUS™ semble supérieure sur le critère composite d’efficacité à 1 an (critère composite incluant décès, AVC invalidant et fuite paravalvulaire modérée à sévère : 16,7 % vs 29 % ; p < 0,001).
Ces données sont rassurantes sur les résultats des deux prothèses et pourront sans douter guider le choix du type de valve en fonction des comorbidités du patient, de l’anatomie de la valve aortique et du degré de calcification de l’aorte.
Dans le domaine du TAVI, des données également rassurantes concernant la durabilité des prothèses percutanées, sont venues de l ’étude danoise NOTION ( Nordic Aortic Valve Intervention) qui a été présentée à EuroPCR. Après 4 ans, il n’existait pas de différence significative sur la mortalité, le taux d’AVC ou d’infarctus entre TAVI et chirurgie avec des performances hémodynamiques (surface valvulaire et gradient moyen) pérennes et supérieures en faveur du TAVI.
Mitrale
Plusieurs nouveaux outils de traitement de l’insuffisance mitrale ont été présentés avec notamment les résultats du nouveau système de réparation mitrale PASCAL (Edwards) qui permet une réparation bord à bord de l’insuffisance mitrale et qui a montré des résultats encourageants à 30 jours.
Ce système présentant de plus longues attaches, l’accrochage des feuillets mitraux semble facilité et permet une accroche indépendant e de chaque feuillet. Chez les 23 patients ayant bénéficié de ce système, une réduction de l’insuffisance mitrale a été possible dans 96 % des cas sans complication majeure. D’autres systèmes de réparation d’une insuffisance mitrale fonctionnel le tels que le Cardioband (Edwards) ou le système Arto™ (MVRx), permettant de réduire le diamètre antéropostérieur de l’anneau mitral pour réduire la fuite fonctionnelle ont été présentés et semblent prometteurs (figure 3).
Figure 3. Nouveautés présentées pour le traitement interventionnel de l’insuffisance mitrale : le système PASCAL (Edwards), Arto® (MVRx), Cardioband (Edwards), Mitralign (Mitralign).
Tricuspide
Réparation, valves, nouveaux systèmes. Tout reste à faire dans le domaine de l’insuffisance tricuspide et il est certain qu’il existe un espace à combler dans ce domaine.
Plusieurs thérapies ont été présentées cette année. Une étude multicentrique de 15 patients sur le Cardioband (Edwards), permettant de réduire en moyenne de 27 % la taille de l’orifice tricuspide (dimension septolatérale) a montré une amélioration de la régurgitation mitrale et du stade de dyspnée. Une autre étude de 14 patients évaluant le Trialign (Mitralign) a également démontré une amélioration des dimensions valvulaire, du degré de régurgitation et des symptômes.
Maladie vasculaire périphérique et AVC
Concernant la maladie vasculaire périphérique, plusieurs études concernant les stents et les ballons actifs ont été présentées.
Dans le cadre de la maladie fémoro-poplitée où l’angioplastie au ballon actif est l’approche préférentielle, les données sur le stent Misago® (Terumo) – un stent autoexpansible en nitinol implanté chez 505 patients – ont révélé un taux de resténose à 1 an de 34,5 %, comparable aux résultats obtenus avec le stent Zilver® PTX® (Cook Medical). En outre, aucune fracture sévère de stent n’a été rapportée. Néanmoins, la place de ces stents nus en nitinol reste débattue dans le traitement de l’artériopathie fémoro-poplitée et il faudra attendre des résultats d’études randomisées avant d’étendre leur application en pratique quotidienne.
Concernant l’angioplastie carotidienne, les résultats du stent auto-expensible Roadsaver® (Terumo), un stent en nitinol avec une fine souscouche réalisant un filet de nitinol tressé pour permettre de couvrir la plaque et d’éviter l’embolisation précoce et tardive de débris au travers du stent sont prometteurs. Chez 100 patients présentant une sténose carotidienne symptomatique > 50 % ou asymptomatique > 80 %, à haut risque pour une endartériectomie ont été inclus. À 30 jours, le taux d’événements (décès, AVC ou infarctus) était faible avec seulement 1 % d’AVC mineur. À 1 an, 4 patients avaient présent é un AVC ipsilatéral avec un pourcentage de patients sans événement à 90,7 %. Par ailleurs, plusieurs sessions se sont consacrées à la prise en charge aiguë des AVC ischémiques et plusieurs cas de thrombectomie ont été montrés. Avec 9 essais randomisés positifs en faveur d’une thérapie interventionnelle dans les AVC ischémiques aigus, nul doute que les unités de prise en charge interventionnelle vont se développer dans les années à venir et que les cardiologues interventionnels auront un rôle à jouer dans ce domaine.
Conclusion
Fêtant les 40 ans de l’angioplastie coronaire, cet Euro- PCR a une nouvelle fois été plein d’enseignements.
Les sessions éducatives ont permis de faire le point sur les techniques maintenant bien développées comme l’angioplastie coronaire ; les sessions d’innovations nous ont rappelé qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir afin de traiter nos patients avec les meilleurs soins possibles.
La recherche nous permet de continuer à relever des défis dans les domaines de plus en plus nombreux que compte la cardiologie interventionnelle. Le congrès nous a une nouvelle fois permis d’en découvrir les meilleurs développements.
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