Publié le 30 nov 2008Lecture 9 min
Sténoses du tronc commun
L. LEBORGNE, CHU d’Amiens
La prévalence de l’atteinte du tronc commun (TC) chez les patients ayant une coronarographie varie entre 2,5 et 10 %(1,2). L’étude SYNTAX ouvre définitivement la possibilité de proposer deux attitudes de revascularisation pour le traitement des patients ayant une sténose du tronc commun (TC).
Les résultats de cette étude montrent en effet, un taux de survenue d’événements cardiovasculaires majeurs (décès, AVC, infarctus) identique entre les patients traités par angioplastie et ceux traités par chirurgie (7,0 % vs 9,1 % respectivement ; p = 0,29). L’angioplastie nécessite cependant plus souvent une revascularisation complémentaire à distance (12,0 % vs 6,7 % ; p = 0,02).
Le choix du mode de revascularisation future des patients avec sténose du TC va donc nécessiter de prendre en compte le risque opératoire et le risque de l’angioplastie. Une lésion peu complexe (appréciée par le score SYNTAX)(3) qui peut être facilement traitée par stenting avec un taux supposé de resténose faible, et ce d’autant que le risque opératoire apprécié par l’Euroscore(4) est élevé, pourra légitimement être traitée par angioplastie. Dans le cas contraire, la chirurgie reste l’option thérapeutique de choix.
Sténose distale du tronc commun
Mr. D. est un patient de 87 ans en très bon état général, avec un rétrécissement aortique serré non symptomatique jusqu’alors, et stable (0,8 cm2) depuis plusieurs années. Il est adressé pour un angor crescendo de classe IV. La fonct ion VG échographique est normale. La coronarographie retrouve une sténose serrée très calcifiée (figure 1) du TC et de la bifurcation se prolongeant à l’IVA proximale avec respect de l’ostium de la circonflexe (type C) (figure 2)(5), une sténose de l’IVA proximale et une sténose de la coronaire droite moyenne. L’indication de revascularisation est posée.
Figure 1. Calcifications massives du tronc commun et des ostia IVA/CX.
Figure 2. Sténose serrée du tronc commun et de l’ostium de l’IVA (vue araignée). Ostium de la circonflexe respecté. Bifurcation type C.
Deux attitudes se discutent :
- soit un traitement chirurgical avec simultanément revascularisation chirurgicale et remplacement valvulaire aortique ;
- soit une revascularisation par angioplastie et abstention thérapeutique dans un premier temps concernant le RAo.
Nous avons choisi l’angioplastie du tronc commun sur les arguments suivants :
Le remplacement aortique ne semble pas nécessaire actuellement car le patient était jusqu’alors asymptomatique et la sténose est stable depuis 2 ans. La symptomatologie qui gêne le patient est l’angor dont l’origine coronaire ne fait aucun doute.
L’Euroscore est calculé à 11, soit 25 % de mortalité intrahospitalière présumée.
Le score SYNTAX est calculé à 34 ce qui, d’après l’étude de Valgimigli(6), permet de prédire chez des patients tritronculaires un taux de survenue de décès, d’infarctus ou d’IDM de 8 %.
La fonction VG normale et le bon diamètre du TC et de l’IVA sont les facteurs prédictifs essentiels d’évolution favorable au cours et à distance de l’angioplastie(7). Les données de l’étude SYNTAX à paraître concernant ce score pour les patients avec sténose du TC seront essentielles pour estimer très exactement le risque dans cette population.
Procédure d’angioplastie
Le VASP et le PFA 100 sont systématiquement mesurés avant angioplastie du TC. Ils sont dans les zones considérées efficaces (19 % et > 300 s respectivement).
Mise en place d’une sonde de stimulation en stand by pour prévenir une bradycardie extrême dans le cas d’une réaction vagale lors du traitement des lésions de la coronaire droite ou de la procédure de Rotablator (même si cela est rare lors du traitement du réseau gauche) qui serait très mal tolérée avec le RAo.
Réalisation d’un stenting direct de la CD S2 avec un Driver™ 2,5/18 mm (figure 3).
Dans un premier temps, réalisation d’une athérectomie au niveau de la partie terminale du TC, de l’IVA ostiale et de l’IVA proximale avec des fraises de 1,25 et 1,5 mm (figure 4).
Prédilatation avec ballon 3,0/15 mm des lésions IVA et du TC distal suivie d’un stenting de la lésion IVA proximale par Driver™ 3,0/18 mm et stenting du TC distal et de l’IVA ostiale par un stent Vision® 4,0/18 mm.
Réalisation d’un kissing pour ouvrir les mailles vers la circonflexe (figure 5) puis inflation finale au niveau du tronc commun avec un ballon non compliant Quantum™ 4,5/8 mm.
L’échographie endocoronaire en fin de procédure confirme l’absence de protrusion de maille au niveau de l’ostium de la circonflexe (figure 6) sans sténose ni dissection et la bonne apposition du stent an niveau du TC avec une surface à 15 mm2.
L’évolution a été simple avec pic de troponine à 8 μg/l en rapport avec l’occlusion d’une petite branche bissectrice et d’une branche marginale du bord droit. À 3 mois, le patient très actif pour cet âge, est asymptomatique.
Figure 3. Stenting CD S2.
Figure 4. Avant et après Rotablator (OAD 30°).
Figure 5. Kissing sur le TC après stenting TC et IVA. Utilisation d’un ballon long vers la CX afin d’éviter le glissement du ballon en aval pourvoyeur de désendothélialisation.
Figure 6. Aspect angiographique final en araignée et IVUS au niveau de l’ostium CX montrant les mailles bien apposées et l’absence de lésion significative sur la CX ostiale. Occlusion de la petite branche bissectrice.
Commentaires
La réalisation préalable d’une athérectomie rotationelle a facilité la mise en place et le déploiement du stent dans ce réseau très calcifié. Cette procédure ne semble cependant pas diminuer le taux de resténose(7) à l’inverse de ce qui avait été suggéré avec l’athérectomie directionelle(8). L’athérectomie permet probablement, par réduction préalable du volume de la plaque, d’éviter une bascule trop importante de celle-ci vers la circonflexe surtout lorsqu’il n’y a pas de lésion significative au départ sur celle-ci.
La réalisation de l’échographie endocoronaire semble indispensable dans ce contexte afin de choisir la longueur et le diamètre optimal du stent (ce qui n’est pas possible en angiographie lorsque le TC est diffusément atteint). Dans le cas présent, elle a permis aussi d’apprécier que les mailles ont été bien ouvertes au niveau de la bifurcation et qu’il n’y a pas de lésion menaçante au niveau de l’ostium de la circonflexe. Dans les résultats préliminaires du registre Main Compare, la non-réalisation de l’échographie endocoronaire était un facteur prédictif de mortalité avec un hazard ratio de 0,5 (p = 0,019) chez les patients ayant reçu un stent actif. Le rapport sensibilité/spécificité (Se et Sp = 60 %) est égal à 1 pour la survenue d’une resténose lorsque la surface du stent est à 10 mm2 en fin d’angioplastie du TC.
Dans le cas présent, étant donné le risque accru de survenue de complications sous association clopidogrelaspirine de façon prolongée à cet âge, nous avons choisi de placer des stents non actifs bien que les stents actifs soient plus efficaces avec un taux de resténose deux fois moins important (9,3 % vs 17,5%)(9).
Si le RAo de ce patient devenait symptomatique dans le futur, une endoprothèse aortique pourra éventuellement lui être proposée.
Sténose ostiale du tronc commun
LM. A. âgé de 50 ans a comme antécédents un pontage iliofémoral croisé et une lobectomie pulmonaire inférieure droite pour nodule bénin. Il est hospitalisé pour un angor instable avec des lipothymies évoluant depuis 48 h. L’échocardiographie montre une FEVG normale. Nous avons mis en évidence chez ce patient :
- une sténose de la carotide interne droite à 85 % ;
- une sténose très serrée de l’ostium du TC (figure 7) et une sténose intermédiaire de la première diagonale.
Figure 7. Sténose ostiale serrée du TC. Absence de reflux du produit de contraste dans l’aorte et chute de pression à l’intubation de la sonde guide.
Deux attitudes se discutent à nouveau :
- soit le traitement chirurgical, précédé systématiquement d’une endartériectomie carotidienne ;
- soit une revascularisation par angioplastie.
Chez ce patient, nous avons là encore choisi la revascularisation par angioplastie :
L’euroscore est à 6, soit une mortalité hospitalière présumée de 4,31%.
Le score SYNTAX est faible, calculé à 6.
Dans l’étude de Chieffo(10), la mortalité hospitalière des patients traités pour sténose de l’ostium ou de la partie moyenne du TC est de 0,7 %, la mortalité cardiaque à 2 ans de 2,7 % et le TLR inférieur à < 1 %.
Dans le registre Main Compare, le TVR à 3 ans était de 10 % pour les patients avec une lésion du TC proximal traités avec stent actif (résultats préliminaires), mais cette valeur est probablement beaucoup plus basse dans le cas de ce patient qui n’a pas d’autre lésion coronaire.
Enfin, après discussion avec le patient – ce dernier refusait l’idée d’une réintervention à cause d’une thoracotomie précédente très algique – il est décidé de le revasculariser par angioplastie.
Procédure d’angioplastie
Le VASP et le PFA 100 sont dans les zones considérées efficaces (40 % et > 300 s). Prédilatation avec un ballon Maverick 3,0/8 mm afin de pouvoir réaliser une échographie endocoronaire préalable et choisir la taille et la longueur et du stent (figure 8).
Figure 8. Mesure de la taille du TC avant stenting (diamètre 4,1 mm).
Stenting du tronc commun avec un Taxus® 4,0/8 mm déployé à 16 bars.
L’échographie endocoronaire en fin de procédure confirme que le stent est bien déployé (13 mm2), bien apposé et qu’il ne déborde pas dans l’aorte et au niveau de la bifurcation. L’évolution a été simple sans élévation de troponine.
L’endartériectomie carotidienne a été réalisée à J15. Après 4 mois le patient est toujours asymptomatique.
Commentaires
Les sténoses de l’ostium ou de la partie moyenne du TC sont les sténoses les plus favorables à l’angioplastie. Étant donné le calibre important du TC et la simplicité de la procédure, le taux de resténose est très bas(10) quand un stent actif est utilisé (jusqu’à un diamètre de 4 mm) et les complications majeures ( thromboses notamment) quasi nulles. Les stents actifs ne sont pas disponibles pour des diamètres supérieurs à 4 mm.
Figure 9. Résultat angiographique et échographique : le stent Taxus® de 4,0/8 mm est bien déployé (surface 13 mm2) et ne déborde pas sur la bifurcation.
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