Publié le 29 fév 2012Lecture 8 min
Quel(s) stent(s) pour nos resténoses ?
G. SCHOUKROUN, Hôpital Privé d’Antony
Avec le retrait du stent Cypher®, l’art délicat de la médecine fondée sur les preuves se heurte au mur de l’industrie.
Les études pionnières sur les stents actifs ont établi des recommandations en termes de traitement de la resténose intrastent nu. Ainsi, les stents actifs (DES) de première génération, malgré des résultats cliniques depuis plus ou moins contestés, gardent l’indication prioritaire, et surtout leur remboursement.
La faute à des études qui dans un cas ont des résultats confirmés à long terme, et dans l’autre, sont trop orientées sur le traitement des lésions de novo dans un souci primordial de non-infériorité – avant tout pour obtenir la mise sur le marché – pour avoir la puissance statistique de se comparer en termes de resténose.
Les métaanalyses et les registres de patients « de la vraie vie » ne sont pas recevables du point de vue des hautes autorités pour contester ce point : seuls le Cypher® et le Taxus® bénéficient du remboursement dans le traitement de la resténose intrastent.
Figure 1. Resténose diffuse intrastent nu de l’artère interventriculaire antérieure proximale 6 mois après angioplastie.
Figure 2. Traitement avec mise en place d’une endoprothèse active Cypher® 3,0 x 18 mm inflatée à 16 atm.
Du moins étaient-ils deux à en bénéficier… jusqu’ici
Ainsi, nous trouvons-nous dans une situation paradoxale où les nouvelles plateformes proposées sont arrivées à prouver leur intérêt par rapport à celles de leurs prédécesseurs, tandis que les anciennes gardaient strictement les indications remboursées sur certains segments. À tel point que l’industrie elle-même, en plein remaniement, choisit de ne plus commercialiser le stent emblématique pour se concentrer sur les futures moutures de l’intervention coronaire : l’ancienneté du dispositif le condamne sur l’autel du marché.
Et nous en sommes arrivés à cette situation désagréable : la voix de la raison et le principe de précaution qui avaient jusque-là prévalu ne sont plus les seuls critères qui guident la main du praticien.
Pour l’instant encore, seul le stent Taxus® est indiqué et remboursé dans le traitement de la resténose intrastent nu. Mais pour combien de temps ? Autrement dit : quelles garanties avons-nous que Taxus® sera commercialisé ad vitam aeternam ? Et, alors que certaines de nos plus éminentes voix posaient il y a peu de temps encore la question de l’intérêt à long terme de l’utilisation du Taxus®, à quels choix devons-nous nous préparer dans le futur, voire pour certains cas, dans l’immédiat ?
Ce que nous savons déjà
Que nous apprennent les grands essais face au Taxus® ?
Les indications et les bénéfices du Taxus® sont bien connus depuis longtemps et nous n’allons pas les rappeler ici. Mais il est certainement utile de nous remémorer rapidement les résultats avantageux des stents de nouvelle génération. Certes, ces études portent pour la plupart sur des lésions de novo, ou sur des patients « tout-venant » et ne sont pas spécifiques de la prise en charge de la resténose. Mais elles sont indicatives de l’efficacité et de l'innocuité de ces nouvelles plateformes avec le temps.
Ainsi, dans SPIRIT-III, à 5 ans, on se souviendra que la comparaison d’un stent de seconde génération à l’évérolimus (EES) avec un stent au paclitaxel (PES) montre une supériorité en termes de TVF (target vessel failure), TLF (target lesion failure) et MACE (major adverse cardiac events) pour l’EES.
Dans SPIRIT-IV, le taux de thrombose de stent à 3 ans est significativement diminué dans le groupe EES par rapport au groupe PES.
L’essai COMPARE incluait des patients « tout-venant » éligibles pour une angioplastie par DES ; 903 étaient traités par Taxus® Liberté® et 897 par XIENCE V. Après 3 ans, les données de l’étude ont montré une diminution des événements cardiaques, des thromboses de stent, des infarctus et des revascularisations dans le groupe XIENCE V.
Dans l’étude NOBORI-1, les résultats à 5 ans montrent un avantage pour le groupe Nobori® face au Taxus® en termes d’infarctus, de MACE, de TVR, de thrombose de stent et de TVF.
Ce qu’il faut encore savoir
Les caractéristiques particulières d’une lésion de resténose sont sa composition principalement fibrineuse, la complexité du tableau clinique et la multitude des facteurs de risque chez le patient qui en est atteint (notamment la fréquence du diabète). Dans ces conditions, étant donné ces spécificités, il n’est pas possible de s’appuyer sur les résultats des études dédiées à la mise sur le marché pour préfigurer de l’efficacité d’un DES dans la resténose intrastent. Pourtant, les DES de seconde génération peuvent arguer d’une meilleure délivérabilité, d’un coating mieux réparti, et d’une endothélialisation plus harmonieuse, qui diminue théoriquement le taux de thrombose. Bref, d’une avancée technique indéniable qui est un argument de choix au moment de l’implantation.
Certaines études observationnelles ou comparatives, d’autres sous-études encore, qui n’ont bien entendu pas la puissance des grands essais multicentriques dédiés, ont été réalisées.
À propos du stent au biolimus A9
Les données présentées à partir de l’analyse de sous-groupes de l’étude NOBORI-2(1) font part de 284 patients porteurs de resténose intrastent qui ont été traités par la mise en place d’un stent Nobori®, dans une cohorte de 3 067 patients « tout-venant » éligibles à un traitement par stent actif. L’analyse statistique des données s’attachait à rendre compte du TLF à 12 mois – critère combiné de décès, de TLR et d’infarctus. Àprès 1 an, dans le cas de la resténose intrastent traitée par Nobori®, ce TLF est de 8,1 % et de 11,6 % à 2 ans (tableau 1).
Ce sont des chiffres très honorables à mettre en perspective pour des patients complexes (statistiquement, avec davantage d'antécédents de revascularisation, plus volontiers dyslipidémiques et plus souvent hypertendus). Également, des chiffres assez satisfaisants selon les auteurs, en termes d’efficacité et d'innocuité, compte tenu du tableau clinique initial, d’autant que les caractéristiques techniques des lésions incluaient plus souvent des traitements de pontages (p < 0,001) ou des lésions ostiales (p < 0,001).
Dans une étude observationnelle prospective(2), 46 patients porteurs de resténose intrastent nu étaient traités, soit avec un stent à l’évérolimus (EES), soit avec un stent au zotarolimus (ZES) (n = 23 dans les deux groupes), pour un suivi clinique à un an. Le critère principal était les événements cardiaques majeurs : critère combiné de décès, TVR et IDM (tableau 2).
Deux patients (8,7 % des patients) ont finalement dû être revascularisés dans le groupe ZES, l’un par chirurgie, l’autre par angioplastie itérative. Aucun autre événement cardiaque indésirable n’a été noté, et en particulier il n’y a eu aucune thrombose de stent à 1 an. Dans le groupe EES, les résultats étaient encore meilleurs car aucun événement cardiaque indésirable n’a été retrouvé au final (MACE = 0 %).
Ces résultats permettent d'imaginer que le traitement de la resténose intrastent nu par un stent actif de seconde génération semble suffisamment sûr et efficace : peu (ou pas) de revascularisations itératives, et peu (ou pas) d’événements cardiaques majeurs. Les faibles cohortes et le design monocentrique et non randomisé sont, de l’avis des auteurs, les faiblesses d’une étude qui a pourtant les mérites de poser la question de l’utilisation des stents actifs de seconde génération dans le cadre de la resténose intrastent nu en termes clairs.
À propos du stent à l’évérolimus
Dans ce cas, le stent à l’évérolimus a été directement comparé au Taxus® dans la resténose intrastent nu. Une étude prospective observationnelle, publiée en 2011(3), a comparé deux groupes porteurs de resténose intrastent nu, comparables mais non randomisés, qui étaient traités avec soit un stent à l’évérolimus (EES, n = 79), soit avec un stent au paclitaxel (PES, n = 95) (tableau 3).
Le critère principal à savoir les événements cardiaques à 1 an était de 4,5 % dans le groupe EES versus 13,6 % dans le groupe PES (p = 0,0663). Les résultats en termes de thrombose, de survie et de revascularisation étaient également rapportés. Le TLR était particulièrement à l’avantage du stent EES, l’utilisation du stent PES apparaissant comme le seul facteur prédictif péjoratif de revascularisation à 1 an dans la comparaison entre les deux groupes (p = 0,0193) !
XERES(4) est une étude multicentrique prospective dont les résultats ont été présentés au TCT 2011 : 102 patients « tout-venant », porteurs de resténose intrastent nu, ont été inclus entre 2009 et 2010 et les stent s implantés étaient le XIENCE V ou XIENCE Prime. Un contrôle angiographique a été réalisé à 9 mois, avec pour 27 patients une imagerie par IVUS (tableau 4).
Le critère principal mesuré était le late loss : 0,39 ± 0,62 mm. Au terme de l’étude, le TLR guidé par la clinique est de 2 % (et 7 % après l’angiographie de contrôle). En IVUS, la sténose est évaluée à 22 % du diamètre de l’artère en moyenne (33 % en surface), le mécanisme de la diminution de calibre étant dû à un défaut d’expansion du stent dans 74 % des cas et à une prolifération néo-intimale dans seulement 26 % des cas. On note une thrombose de stent per procédure traitée ad hoc, et un décès par « mort subite » au décours de l’hospitalisation. Une étude qui confirme encore les excellents résultats en termes d’efficacité et de sécurité du stent Xience dans le traitement de la resténose intrastent nu.
Conclusion
Le praticien angioplasticien, démuni du stent Cypher®, n’a plus la liberté de choix du traitement de la resténose intrastent nu. Seul le stent Taxus® est désormais agréé par les hautes autorités de santé et remboursé dans cette indication.
Bien loin de vouloir contester son efficacité, on peut toutefois relever que d’autres stents actifs arrivés plus tard sur le marché semblent correspondre aux critères d’efficacité et d'innocuité indispensables à la réglementation.
Le choix, en matière de traitement, n’est pas un mal, loin de là. Ce n’est pas un luxe non plus. C’est souvent une nécessité et les considérations auxquelles l’angioplasticien doit s’astreindre au cas par cas en témoignent.
Nos éminents groupes de réflexion s’accorderont-ils sur ce point et seront ici d’un grand secours pour notre pratique quotidienne. Le traitement de la resténose intrastent ne peut pas être l’apanage du seul Taxus®. Encore faudra-t-il faire entendre la voix de leurs délibérations au plus haut niveau pour réconcilier la spécificité du notre pratique quotidienne et les impératifs de notre politique de santé.
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