Publié le 15 juin 2018Lecture 6 min
Traitement radiologique des complications des abords d’hémodialyse
Luigi NOVELLI, service de radiologie interventionnelle, Hôpital Saint-Joseph, Paris ; Clinique Labrouste et Clinique du Parc Monceau
En France, environ 7 000 personnes parviennent chaque année au stade terminal d’une insuffisance rénale chronique. Ce nombre augmente d’environ 6 % par an. Près de 3 millions de personnes souffrent d’insuffisance rénale. La prise en charge des hémodialysés chronique passe par la création d’un abord vasculaire permanent qui peut être sujet à plusieurs complications.
La radiologie interventionnelle pourra souvent gérer ces complications et aider le bon développement de l’abord vasculaire.
Complications précoces
La thrombose
Le risque de thrombose est de 2 à 5 % durant les 48 premières heures.
On note une disparition du thrill et du souffle à l’auscultation pour une thrombose totale dans les heures qui suivent la réalisation de l’abord vasculaire. La thrombose est souvent la conséquence d’une mauvaise qualité de la veine ou de l’artère, d’une malfaçon chirurgicale ou d’une cause inexpliquée.
L’infection
Elle peut être légère (rougeur localisée) ou grave (abcès, hématome pulsatile).
Complications secondaires
La plupart sont accessibles à un traitement endoluminal :
– Sténose postanastomotique/ sténose « haute » ;
– Thrombose ;
– Sténose de l’artère nourricière ;
– Sténose veineuse centrale.
Les techniques endovasculaires permettent le traitement d’une grande partie de ces complications.
Certaines complications justifient la chirurgie
– Sténose postanastomotique (rarement) ;
– Anévrisme ;
– Nécrose cutanée « tâche noire » ;
– Excès de débit.
Sténose postanastomotique et sténose « haute »
L’écho-Doppler est l’examen de première intention dans la surveillance des fistules artérioveineuses (FAV) pour hémodialyse, et pour diagnostiquer et dépister des sténoses vasculaires.
Il permet de mesurer le débit, de décrire la sténose, de visualiser l’aspect fibreux de la postanastomotique et de vérifier l’état de l’artère donneuse.
La localisation des sténoses est différente selon la nature de la fistule (vaisseau natif ou prothèse).
Dans le cas des FAV, l’écho-Doppler détecte :
• les sténoses proches de l’anastomose qui sont donc responsables d’un retard de maturation ou d’un hypodébit(1) (figure 1).
• Les sténoses hautes sont responsables d’une augmentation de la durée de compression ou d’hémorragie des points de ponction.
Figure 1. Localisation des sténoses.
Leur traitement est pour la majorité des cas endovasculaire. L’échec de la dilatation est rare, entre 3 et 5 %. En cas de sténoses multiples, situation assez fréquente, l’abord vasculaire se fait en situation d’hypodébit et d’hyperpression : on traite d’abord la sténose responsable de l’hyperpression, la sténose haute, puis la sténose postanastomotique (figure 2).
Les thromboses récentes et courtes sont l’évolution naturelle d’une sténose.
L’abord vasculaire reste souvent perméable grâce aux collatérales et le taux de recanalisation généralement réalisé avec un guide droit est assez élevé(2,3).
Figure 2. A : Sténose préocclusive postanastomose et de l’artère radiale préanastomose. B : Résultat postangioplastie.
La thrombose
La thrombose est le résultat d’un retard de prise en charge des fistules sténosées. Elle est 3 fois plus fréquente pour les FAV prothétiques et pour les FAV hautes. Une sténose sous-jacente à la thrombose est retrouvée dans près de 95 % des cas. Les autres causes de thrombose peuvent être une chute tensionnelle ou une compression prolongée de l’abord.
Les techniques endovasculaires sont multiples : fibrinolyse locale, perfusion continue, Pulse-Spray (fibrinolytique ou solution saline), thrombo-aspiration.
Notre technique
On réalise une double ponction croisée de l’abord à proximité de l’anastomose ou ponction unique à l’anastomose avec des introducteurs en 8 ou 9 F voire parfois en 11 F.
Puis, l’ablation des thrombi se fait par thromboaspiration.
La mise en place d’un guide 0,035’’ vers les versants veineux et artériel est systématique pour certains. Elle est très utile en cas de sténoses multiples avec cathétérisme difficile, de fausse route ou de rupture.
Les complications du traitement endovasculaire sont exceptionnelles :
– hémorragies au point de ponction (± faux anévrisme) ;
– rupture lors des manœuvres de désobstruction ;
– infection potentiellement grave ;
– migration rétrograde de thrombus dans l’artère.
La thromboaspiration manuelle s’est donc imposée comme la technique endovasculaire de désobstruction utilisée en première intention dans presque toutes les situations.
Par rapport à la chirurgie, les résultats du traitement percutané sont au moins équivalents pour les pontages et meilleurs au niveau des veines natives. Le taux de succès immédiat du traitement percutané est élevé (> 90 %).
Le traitement percutané est parfois complexe et requiert des opérateurs entraînés et un matériel adapté.
Les taux de perméabilité primaire post-thrombo-aspiration sont compris entre 30 et 60 % à 6 mois et entre 20 et 40 % à 1 an.
Le taux de perméabilité secondaire se situe entre 60 et 87 % à 1 an et entre 64 et 75% à 2 ans(4,5) (figure 3).
Figure 3. A : Thrombose avec FAV radiale. B : Résultat postaspiration. C : Résultat postangioplastie.
La sténose de l’artère nourricière
Après la création chirurgicale de l’anastomose, la différence de pression entre les réseaux artériel et veineux est la cause d’une majoration du débit, qui est à la base du développement de l’abord vasculaire. Les lésions distales des artères de l’avant-bras limitent fortement le débit et elles sont donc la cause d’un retard de maturation. La révision chirurgicale de l’anastomose est souvent difficile surtout si l’artère nourricière est pathologique (figure 4).
Figure 4. A : FAV radiale, retard de maturation ; B et C : pré et postangioplastie de l’artère radiale.
Notre technique
Une ponction de l’artère humérale/radiale post-anastomose est réalisée avec un désilet 4 F puis une angioplastie est pratiquée avec un ballon (3,5, 4 x 120 mm) sur guide 0,014’’.
La littérature retrouve une perméabilité primaire à 12 mois d’environ 83 % et à 24 et 36 mois d’environ 74 % et 58 % ; la perméabilité secondaire est de 86 % à 3 ans.
La sténose veineuse centrale
La fistulographie précise la lésion et permet une éventuelle dilatation. Les lésions sont iatrogènes dans plus de 90 % des cas.
Parmi les causes principales de sténose centrale, on retrouve :
– les cathéters veineux centraux Port-à-Cath ;
– les cathéters d’hémodialyse ;
– les cathéters de réanimation ;
– les électrodes de pacemakers.
Les lésions doivent être respectées quand elles sont asymptomatiques. Elles ne majorent pas les pressions veineuses de façon importante et ne sont presque jamais responsables de l’occlusion d’un abord.
En revanche, toute lésion symptomatique doit être traitée.
Un double abord fémoral et brachial est rarement nécessaire. Pour l’angioplastie, on aura recours à des ballons de calibre adapté (12 à 16 mm), le plus souvent suffisant.
Le stenting sera nécessaire en cas de recoil avec persistance de la collatéralité.
Le taux d’échec est faible. Le risque de complication est exceptionnel (figure 5)(6-8).
Figure 5. A : Sténose du tronc brachiocéphalique veineux (TBCV) FAV humérale gauche avec œdème du bras. B : Résultat postangioplastie avec un ballon haute pression 12 x 40 mm.
Cas particulier de l’ischémie
La fréquence de l’ ischémie est d’environ 10 % aux stades II et III : 1 à 2 % de FAV au poignet, 5 à 15 % de FAV au coude et 36 % de FAV à la cuisse.
Trois mécanismes, très souvent associés, peuvent être responsables de cette complication :
– le vol vasculaire ;
– l’existence de lésions artérielles ;
– l’augmentation des pressions veineuses secondaires à une lésion de l’abord vasculaire ou à une sténose centrale.
La technique endovasculaire permet le traitement de l’hypodébit et de l’ischémie veineuse. Cette dernière sera traitée par angioplastie du côté veineux de la FAV.
• Pour l’ischémie artérielle, avant d’évoquer le diagnostic d’un vol vasculaire il est indispensable d’éliminer l’existence des lésions artérielles. Celles-ci peuvent siéger en amont ou en aval de l’anastomose.
• Pour les FAV proximales, les lésions en amont de l’anastomose se situent au niveau des artères sous-clavière et humérale et leur traitement par angioplastie est très simple.
• Pour les FAV distales, la dilatation des artères radiale et cubitale permettra d’obtenir une nette amélioration des symptômes. Une dilatation pourra être effectuée par voie humérale par voie antérograde avec un désilet 4 F ou en utilisant l’abord vasculaire.
L’utilisation de longs ballons profilés sur guide 0,014’’ et parfois la technique du palmar arch assurent un succès technique d’environ 82 % avec un taux de guérison des symptômes ischémiques d’environ 65 %.
Dans notre expérience, la dilatation de l’artère qui alimente la main directement et ensuite via les arcades, est un abord vasculaire extrêmement efficace dans le traitement de l’ischémie.
On utilisera le même schéma thérapeutique pour le traitement des lésions en aval de l’anastomose(9-11).
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