HTP-TEC
Publié le 30 mai 2023Lecture 6 min
Place de l’IRM cardiaque dans l’hypertension pulmonaire thrombo-embolique chronique
Olivier CHABOT, d’Ari Chaouat (CHRU Nancy-Université de Lorraine) lors des Rencontres de l’HTP-TEC
La fonction cardiaque dans les maladies vasculaires pulmonaires est le principal déterminant des capacités d'exercice et du pronostic de ces patients. Dans ce cadre, l'IRM cardiaque visualise très bien les cavités cardiaques droites. Elle permet des examens dynamiques et il donc possible de faire des mesures extrêmement précises et reproductibles, que ce soit le volume des cavités cardiaques et la masse ventriculaire droite, les flux, les contraintes au niveau du ventricule droit (le strain). Certaines séquences permettent de visualiser les vaisseaux pulmonaires, même si c’est moins précis que le scanner thoracique.
Pour réaliser une IRM cardiaque, un équipement particulier est nécessaire. Il s’agit de machines avec des bobines spéciales cœur, synchronisées à l’ECG, il faut avoir le logiciel dédié à l’imagerie cardiaque. Et souvent il n’y a qu'un équipement par établissement, ce qui en complique l’accessibilité.
Principales séquences en IRM
Avec une IRM cardiaque, il est possible de réaliser plusieurs séquences (figure 1) :
– images morphologiques (en « sang noir ») qui sont très précises en diastole et en systole ;
– images dynamiques (en « sang blanc ») avec la contraction des deux ventricules ;
– images de flux dans l'aorte et dans le tronc de l'artère pulmonaire, et il est possible de déterminer des différences de débit (quand on a les surfaces du tronc de l'aorte et du tronc de l'artère pulmonaire). Cela permet de diagnostiquer des shunts ;
– séquences de perfusion tissulaire ;
– séquences de viabilité, avec injection de produits de contraste qui permettent de voir la fibrose cardiaque ;
– visualisations des vaisseaux — la définition est moins bonne que le scanner — mais avec l'amélioration des techniques, c'est un examen qui a de l'avenir pour bien voir les images et les thrombi organisés dans l’hypertension pulmonaire thrombo-embolique chronique (HTP-TEC).
Figure 1. Différentes séquences réalisables en IRM cardiaque.
Avantages et inconvénients de l'IRM cardiaque
L’IRM ne permet pas de mesurer les pressions, donc pour le diagnostic ce n’est pas optimum. Mais avec une approche différente d'une mesure de pression, on peut arriver au diagnostic d'hypertension pulmonaire (HTP) (cf. infra). Concernant l’évaluation anatomique : celle du cœur est très bonne et probablement meilleure que l’échographie cardiaque, parce qu'il n'y a pas d'hypothèse de forme du ventricule droit, qui a une conformation particulière en croissant et qui n'est pas toujours très accessible en échographie. Il est possible de visualiser les vaisseaux, par contre la visualisation du parenchyme pulmonaire est moins bonne qu'au scanner.
Les avantages de l’IRM sont l’absence d’irradiation de l’IRM vs le scanner, l’'évaluation cardiaque et des flux. Les inconvénients de l’IRM sont, comme précisé plus haut, la difficulté de voir le parenchyme pulmonaire et qu’il s’agit d’une technique beaucoup moins accessible que le scanner, qui demande une certaine expertise avec un temps de post-traitement non négligeable.
Ce sont également des examens longs mais qu’il faut nuancer, en fonction de ce qu’on demande (pas d’obligation de faire tout l’éventail technique possible de l’IRM cardiaque et thoracique).
Diagnostic de l’HTP
Une étude du groupe de Sheffield, (Johns et coll.(1)), du registre anglais, a combiné plusieurs mesures IRM :
– la mesure de l'angle du septum en systole qui permet de prédire le niveau de pression artérielle pulmonaire ;
– la masse ventriculaire droite — en faisant un contourage du ventricule droit ;
– les images en sang noir (quand le sang est noir c’est qu'il y a un flux).
Plus les images intravasculaires sont grises, plus les pressions sont élevées et le flux ralenti.
Dans cette étude, les auteurs ont fait un score de 1 à 5, là où le flux est ralenti de manière de plus en plus proximale. En associant ces trois mesures, en prenant comme contrôle la mesure de pression artérielle pulmonaire moyenne de 25 mmHg, la sensibilité et la spécificité sont assez bonnes puisqu’avec les courbes ROC (Receiver Operating Characteristic), l’aire sous la courbe est de 95 %. Donc on arrive à approcher le diagnostic d’HTP avec cette technique d'IRM.
Mais selon les dernières recommandations : « Il n’existe pas de méthodes validées permettant de diagnostiquer une HTP en IRM »(2). Cela reste, pour le moment, de la recherche clinique.
Étiologie de l’HTP
Dans une étude publiée en 2017, l'équipe de Sheffield a comparé l'IRM avec des images en contraste de perfusions par rapport à la scintigraphie SPECT (Single Photo Emission CT), qui est maintenant l’examen le plus souvent réalisé, et l’angioscanner.
Il y avait un consensus de l’équipe sur la présence d’une HTP-TEC ou non et cela a été comparé aux images en IRM de perfusion pulmonaire. Chez les patients ayant une HTP, les images de scintigraphie et d’IRM sont concordantes avec des sensibilités comparables proches de 100 % et une spécificité similaire de 81 %.
Dans cet arbre diagnostique d’orientation vers une HTP-TEC ou une HTAP, élément fondamental pour la prise en charge, peut-être qu'à l'avenir l’IRM permettra de remplacer la scintigraphie qui pose actuellement différents problèmes techniques.
Mais que disent les recommandations ? « La scintigraphie de ventilation/perfusion reste l'outil le plus efficace pour exclure l’HTP-TEC. Les techniques d'imagerie alternatives […] et la perfusion en IRM sont en train de se développer mais sont plus difficiles et coûteuses techniquement, et elles ont surtout une disponibilité limitée et manquent actuellement de validation multicentrique pour une utilisation dans ce cadre-là. » Sur la figure 2, on voit la comparaison entre une image de scanner et une image d’IRM avec ou sans produit de contraste. Les anomalies vasculaires sont visibles sur l’IRM mais la définition est quand même nettement inférieure au scanner. Il va falloir attendre des progrès pour utiliser l'IRM comme outil d'évaluation pré-thérapeutique dans l’HTP-TEC.
Figure 2. Comparaison de l’angioscanner thoracique (a) et de l’IRM (b) / IRM avec injection de gadolinium (c).
Suivi et évaluation du risque
Il n’existe pas de données ou de consensus concernant les objectifs thérapeutiques après endartériectomie pulmonaire ou angioplastie ou traitement médical dans l’HTP-TEC. D’ailleurs, il y a très peu de données sur l'évaluation du risque dans l’HTP-TEC par rapport à l’HTAP. Quelques études ont essayé de valider les scores ESC/ERS ou REVEAL (d’abord étudiées dans l’HTAP) pour l’HTP-TEC.
Une de ces études, M. Delcroix et coll.(3) publiée en 2018 a évalué le risque chez des patients du registre COMPERA, traités médicalement : soit inopérables, soit avec une HTP persistante après endartériectomie pulmonaire.
L'évaluation du risque, tel que défini dans l’étude du réseau français dont Athénais Boucly est 1re auteure (CF NYHA I ou II, distance TM6 > 440 m, NT < 50 ng/L ou NT-proBNP < 300 ng/L), à la réévaluation entre 3 et 24 mois après le début du traitement médical, permet d’assez bien discriminer les patients qui ont un mauvais pronostic, ceux qui ont un pronostic intermédiaire et ceux qui ont un bon pronostic. Mais cette étude ne concerne qu’une sous-population de ces patients qui ont une HTP-TEC.
Un des messages clés des dernières recommandations concernant l’HTAP (données insuffisantes dans l’HTP-TEC) dit que la stratification du risque en trois groupes a été validée et qu'on y a ajouté des données IRM et échographiques. Dans ce cadre, pour l'IRM, on a des seuils de fraction d'éjection ventriculaire droite, de volume d'éjection systolique indexé et de volume télésystolique du ventricule droit qui permet de stratifier le risque dans l’HTAP.
Ces recommandations sont fondées sur de multiples études reprisent dans une méta-analyse faite dans l’HTAP (presque 2 000 patients, 22 études de bonne qualité et validées par la méthode Cochrane(4)). Cette méta-analyse montre que la fraction d'éjection ventriculaire droite, le volume télésystolique et le volume télédiastolique du ventricule droit sont de bons examens pour évaluer le risque de mortalité. Cependant, ils sont un peu moins bons pour évaluer ou prédire l'aggravation clinique de ces patients. Il n’existe pas d’études de ce type spécifiquement pour l’HTP-TEC. Présentation d’un cas clinique d’un patient de 49 ans avec une HTP-TEC, inopérable.
On réévalue la fonction cardiaque en IRM après angioplastie pulmonaire : la fraction d’éjection ventriculaire droite a complétement changé elle passe de 30 % (ce qui est très bas et met le patient à haut risque si c’était une HTAP) à 51 % donc quasiment normalisée. Ce qui est frappant sur l’image, c’est la petite taille de l’oreillette gauche initialement, facteur de gravité important. L’avantage de l’IRM est de voir les 4 cavités cardiaques : non seulement le VD mais également les cavités cardiaques gauches.
Conclusion
• L'IRM cardiaque est un bon outil d'évaluation de la fonction cardiaque droite.
• En raison du peu d’études dans l’HTP-TEC, il n’y a pas de recommandation sur son utilisation dans le suivi.
• Les techniques avec rehaussement des contrastes sont en développement pour le diagnostic et l’évaluation pré-thérapeutique des patients ayant une HTP-TEC.
• À terme, l’objectif est de faire un examen d'imagerie unique qui permettra le diagnostic, d'éliminer une HTP-TEC et de faire un bilan pré-thérapeutique.
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