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L'ESPRIT DE LUGDUNUM

Publié le 15 juin 2020Lecture 3 min

Business as usual

Patrick LERMUSIAUX, service de chirurgie vasculaire et endovasculaire, Hospice civils de Lyon, CHU de Lyon
Prémonitoire ! Chaque année je donne un cours en école d’ingénieurs et j’encourage les étudiants à délaisser un peu aviation et automobile pour se consacrer aux technologies médicales. J’explique aussi que les experts ne servent à rien ! Soit les choses sont démontrées et pas besoin d’experts, soit il n’y a pas d’études et personne ne connaît la solution. Nous sommes en plein dedans. L’homme Au gré des mutations, le monde vivant s’est doté il y a, à la louche, 5 millions d’années, d’un truc nouveau qui a été sélectionné. Le petit dernier a une technique simple, il détruit tout devant lui et ne s’est jamais aussi bien porté. Depuis ma naissance, la population mondiale a triplé. Quelques plantes ne s’en tirent pas trop mal car elles ont su lui plaire, je veux dire, riz, blé, maïs et pomme de terre. Idem pour les chiens et les chats. Dans la steppe, que craignait l’antilope ? Le changement climatique qui prend quelques millions d’années, les prédateurs, je pense aux lions, et les autres antilopes qui vont venir brouter son herbe. Que craint l’homme actuel ? La même chose : le changement climatique qui est plus rapide et ses prédateurs, les microbes et virus. Les autres hommes lui font la guerre. Ainsi, la grippe de 1918 aurait fait plus de morts que la Première Guerre mondiale. Bien sûr, nous affrontons d’autres risques : séismes, inondations, faim, cancer et ceux que nous créons nous-mêmes (pollution, tabac, alcool, obésité, énergie nucléaire, voiture, couteaux, tondeuses, motos et patinettes, etc.) Le virus Le coronavirus est un virus sans grande ambition. Il se déplace timidement dans la région avec les chauves-souris, alors que le virus de la grippe utilise l’intercontinental avec les grands migrateurs. Lors de sa réplication, un crétin de ribosome a remplacé quelques uraciles et guanines. L’a t-il fait pour faire le malin ou parce qu’il lui manquait quelques acides aminés ? Je ne sais pas, mais en tout cas, le nigaud venait de créer une formule 1, une arme de destruction massive, le super SARSCov- 2. Moins de 1 gramme de matière fissile a été nécessaire pour détruire Hiroshima. J’avoue ne pas connaître le poids du SARS-Cov-2, mais en matière de destruction, il fait peut-être encore mieux que E = mc2. Les leçons On ne va pas se mentir, nous n’étions pas prêts et on ne fera pas l’économie d’une petite revue de morbidité et de mortalité, sans chercher à qui revient la faute, sans designer de coupable, mais pour comprendre comment nous avons été surpris comme une antilope qui oublierait l’existence des lions. Nous avions pourtant reçu un tir de semonce avec H5N1. Pour les incendies, il faut beaucoup de Canadairs, même s’ils ne volent pas souvent ; les épidémies posent le même problème. Pour les guerres on se prépare, mais comment ? La ligne Maginot, le porte-avion nucléaire sont des armes superbes mais pas pour cette guerre-là (d’ailleurs notre porte-avion a été dézingué par le petit virus…). J’imagine une négociation un peu tendue avec la Chine et, comme par hasard, apparaît un risque de pénurie sur l’héparine, fabriquée en Chine comme chacun sait. Et adieu cardiologie, chirurgie cardiaque et vasculaire. Tous nos logiciels sont américains – qui demeurent, je l’espère, nos amis –, et ces derniers peuvent donc bloquer notre informatique à tout moment. Les Américains l’ont bien compris lorsqu’ils ont failli confier leur 5G aux Chinois ! Imaginez l’hôpital ou la clinique sans informatique ! Nous sommes début mai, au moment ou je vous parle. Qu’en sera-t-il en septembre ? Virus définitivement disparu, virus qui ne revient, comme les huitres, que les mois en « r » ? Virus chronique comme le HIV ? Énième confinement ? Comme en médecine, vous voyez, les avis d’experts relèvent de la boule de cristal et nous collectionnons les prophètes ! Pour Niels Bohr, la prédiction est un exercice très compliqué, spécialement quand elle concerne le futur, et cela reste vrai. Notre planète brûle et ce petit virus lui aura donné un court répit. Nous laisserons en héritage une dette abyssale ! Où en serons nous en fin d’année, après cette longue introspection : business as usual ?

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