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Vasculaire

Publié le 23 juin 2013Lecture 8 min

Comment diagnostiquer les démences vasculaires ?

S. BENISTY, Unité sensori-cognitive, Institution nationale des Invalides, Paris

Les démences vasculaires (DV) regroupent l’ensemble des syndromes démentiels secondaires à des lésions cérébrovasculaires. Comme la maladie d’Alzheimer, leur diagnostic de certitude repose sur l’examen neuro pathologique. Cependant, contrairement à cette pathologie, elles constituent un groupe hétérogène sur le plan physiopathologique.  

Un cadre hétérogène  Les principales entités associées au concept de DV sont :    • Les démences par infarctus multiples, dont la description a marqué la naissance du concept actuel de DV (figure A).  Le plus souvent, les infarctus cérébraux à l’origine d’une démence sont de volume supérieur à 100 ml, bihémisphériques et se constituent à la suite de plusieurs épisodes vasculaires aigus. En présence d’une démence, les principaux arguments diagnostiques en faveur d’une démence par infarctus multiples, réunis dans le score ischémique d’Hachinski, sont :  - le terrain (hypertension artérielle, antécédents d’AVC) ; - le profil évolutif (installation brutale, aggravation par paliers, présence de fluctuations) ;  - la présence de signes ou symptômes neurologiques focaux.    • Les démences par infarctus stratégique sont secondaires à un épisode vasculaire unique à l’origine de lésions localisées au niveau de régions stratégiques pour la cognition. L’infarctus thalamique, uni- ou bilatéral (figure B), en représente le prototype.    • Les démences vasculaires ischémiques sous-corticales sont secondaires à une maladie des petites artères cérébrales. Elles représentent la forme de DV la plus fréquente chez le sujet âgé, où sa principale étiologie est l’artériolosclérose liée à l’âge et à l’hypertension artérielle. Leurs lésions caractéristiques sont bien visualisées en IRM.  Elles comprennent :  - les lésions de la substance blanche, en hypersignal sur les séquences IRM FLAIR (figure C) et T2 ou hypodenses au scanner cérébral ;  - les infarctus lacunaires, de diamètre inférieur à 15 mm, typiquement localisés au niveau des noyaux gris centraux et de la substance blanche sous-corticale et parfois difficile à distinguer d’espaces périvasculaires dilatés ;  - les microsaignements, lésions hémorragiques de taille inférieure à 10 mm en hyposignal sur les séquences IRM T2-écho de gradient (ou T2*) à l’IRM et plutôt localisés, comme les lacunes, dans les régions profondes.  Sur le plan clinique, le profil cognitif est caractérisé par un ralentissement psychomoteur, des perturbations des fonctions exécutives, alors que le déficit mnésique peut être modéré. Ces déficits cognitifs sont fréquemment associés à des troubles du contrôle émotionnel et à des symptômes non cognitifs (hémiparésie, dysarthrie, dysphagie, symptômes parkinsoniens, troubles de la marche et de l’équilibre, troubles sphinctériens). Ces troubles évoluent sur un mode progressif et/ou par à-coups.    • Les démences vasculaires secondaires à des lésions hémorragiques multiples  Chez le sujet âgé, ce sous-type de DV est le plus souvent secondaire à une angiopathie amyloïde cérébrale sporadique, pathologie définie histologiquement par des dépôts de protéine amyloïde dans la paroi des petits vaisseaux cérébraux. Elle est fréquemment associée à la maladie d’Alzheimer.  À l’imagerie cérébrale (figure D), les lésions évocatrices de cette affection sont hémorragiques (hématomes lobaires récidivants, microsaignements, hémosidérose leptoméningée et hémorragie sous- arachnoïdienne) et ischémiques (lésions de la substance blanche à prédominance postérieure). Un déclin cognitif et des signes neurologiques transitoires peuvent être observés de façon indépendante des conséquences cliniques des hématomes récidivants.    • Les démences post-infarctus sont l’ensemble des démences s’installant à la suite d’un infarctus, dans un délai compris le plus souvent entre 3 mois et un an. Contrairement aux entités précédentes, sa définition est clinique et non neuropathologique. Elle regroupe donc des DV pures, ainsi que des formes dites « mixtes » où coexistent lésions vasculaires et neurodégénératives.    Les démences vasculaires s’intègrent aujourd’hui dans le cadre plus large du déficit cognitif vasculaire (vascular cognitive impairment) où elles sont associées aux déficits cognitifs légers secondaires à des lésions vasculaires (vascular mild cognitive impairment).   Les critères diagnostiques de démence vasculaire    Après le score d’Hachinski, proposé en 1975 et qui n’intègre pas l’imagerie cérébrale, quatre critères diagnostiques de DV ont été proposés au début des années 1990. Ceux-ci ne sont pas interchangeables et sélectionnent des sous-groupes différents. Ainsi, certains critères comme ceux de DV probable du NINDS-AIREN (National institute of neurological disorders and stroke-Association internationale pour la recherche et l’enseignement en neurosciences) sont les plus spécifiques mais les moins sensibles.  Ces critères requièrent :  - une relation temporelle entre l’installation de la démence et un épisode vasculaire aigu ;  - la présence de signes focaux à l’examen neurologique ;  - des infarctus multiples ou « stratégiques » à l’imagerie cérébrale.  À l’inverse, d’autres, comme ceux du DSM-IV ou de l’ICD-10, qui reposent sur la mise en évidence de signes focaux et d’une pathologie cérébrovasculaire à l’imagerie, sont plus sensibles mais peu spécifiques, et conduisent à sélectionner fréquemment des démences mixtes. Enfin, la plupart de ces critères sont adaptés au diagnostic de démence vasculaire par infarctus multiples ou uniques et moins à celui du diagnostic de DV ischémique sous-corticale, dont l’évolution peut être progressive.  Aussi, en 2000, le NINDS-AIREN a proposé des critères révisés pour le diagnostic de ce sous-type de DV. Ces derniers intègrent les particularités du profil cognitif (syndrome dysexécutif, déficit mnésique de profil « sous-cortical »), son profil évolutif et les lésions radiologiques caractéristiques (lésions de la substance blanche diffuses et/ou infarctus lacunaires multiples). Ils sont plus sensibles mais restent insuffisants pour différencier les formes pures et mixtes de DV.    De nouveaux critères diagnostiques, émanant de l’American Stroke Association et de l’American Heart Association, « destinés à la pratique », ont été publiés en 2011. Ils se distinguent des précédents sur plusieurs points :  • comme les derniers critères diagnostiques de maladie d’Alzheimer, ils incluent l’ensemble des déficits cognitifs vasculaires ou Vascular cognitive impairment (VCI) au sein desquels démence et MCI sont différenciés par l’étendue des déficits cognitifs et leurs conséquences sur les activités de la vie quotidienne, indépendamment de séquelles motrices ou sensitives d’un AVC ;  • la définition de la démence ne requiert plus la présence d’un déficit mnésique ;  • les principaux sous-types de VCI sont les déficits cognitifs postinfarctus et la pathologie cérébrovasculaire sous-corticale ;  • l’origine vasculaire « probable » du déficit cognitif est établie par la mise en évidence d’une relation chronologique entre les manifestations vasculaires et l’installation des troubles cognitifs ou bien d’une relation « évidente » entre le déficit cognitif et la pathologie cérébrovasculaire sous-corticale, la présence de signes focaux n’étant plus requise ;  • le diagnostic de « VCI possible » est retenu quand l’ensemble des arguments pour un VCI probable n’est pas réuni ou lorsqu’il existe des arguments en faveur d’une pathologie neurodégénérative ou d’autres pathologies pouvant entraîner un déclin cognitif, tels que la mise en évidence d’un déficit cognitif d’aggravation progressive avant et après l’AVC ou la présence de biomarqueurs de la pathologie β-amyloïde positifs (biomarqueurs du LCR, tomographie par émission de positrons utilisant des ligands de la substance β-amyloïde).    Ces critères prennent en compte les avancées récentes dans le domaine des pathologies du déclin cognitif et proposent une approche diagnostique pragmatique, utilisable dans notre pratique quotidienne. Cependant basés, comme les précédents, sur le concept original de DV, ils individualisent des populations hétérogènes sur le plan physiopathologique. De plus, ils ne proposent pas de cadre diagnostique satisfaisant pour les déficits cognitifs où coexistent lésions vasculaires et dégénératives, fréquentes chez le sujet âgé.    En l’absence de traitement spécifique des formes vasculaires de déficit cognitif, les conséquences pratiques de ce diagnostic sont limitées. En effet, si une prise en charge de la pathologie vasculaire sous-jacente est justifiée (équilibration des facteurs de risque cardio vasculaires, prévention secondaire adaptée en présence d’un infarctus cérébral), elle dépend du diagnostic de la pathologie vasculaire et non pas de celui de déclin cognitif secondaire.    Figure A. Infarctus corticaux multiples (séquence IRM T1). B. Infarctus bithalamique (séquence IRM T2). C. Infarctus lacunaires et hypersignaux de la substance blanche (séquence IRM FLAIR), D. Hématomes cérébraux multiples (TDM).  En conclusion    L’approche diagnostique des déficits cognitifs vasculaires devrait comprendre la description de leur sévérité et de leur profil, la mise en évidence d’une pathologie cérébrovasculaire en lien avec ces déficits mais également la caractérisation de la pathologie vasculaire sous-jacente (pathologie des artères cérébrales de gros calibre, artériolosclérose liée à l’HTA, angiopathie amyloïde, etc.). Les critères diagnostiques actuels ne permettent de répondre que partiellement à ces conditions.   "Publié dans Neurologie Pratique"

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