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Cardiologie générale

Publié le 31 jan 2014Lecture 8 min

Le sport après 50 ans : qu’est-ce qui est raisonnable ?

J.-C. VERDIER, Institut Cœur Effort Santé, Paris

La pratique sportive après 50 ans doit être encouragée : c’est un âge où tout est encore possible… mais plus pour longtemps ! C’est le moment d’investir dans sa forme physique pour développer, voire renforcer, ses capacités et ainsi préserver son « capital santé ».
Bien sûr, la démarche doit être personnalisée pour favoriser une pratique harmonieuse. Il faudra donc savoir orienter vers des activités sportives bénéfiques et canaliser les énergies de ceux qui veulent aller au-delà du raisonnable… 

Capacités fonctionnelles et âge : des réalités incontournables...   Le vieillissement est un processus physiologique complexe qui conduit à une diminution des capacités physiques. Il est le reflet de modifications quantitatives et qualitatives des systèmes respiratoire, cardiocirculatoire et musculo-articulaire. Au niveau cellulaire, il est dû à l’accumulation de composants cellulaires endommagés dont l’élimination et la réparation ne sont plus aussi efficaces que celles assurées par des cellules jeunes. Les dommages causés par le stress oxydatif (majoré lors de la pratique sportive) constituent un facteur important de ce processus.   Baisse des capacités fonctionnelles métaboliques et cardiorespiratoires La quantification des capacités fonctionnelles est faite le plus souvent par la mesure du débit de consommation d’oxygène (VO2) : le VO2 max (et/ou VO2 pic) qui dépend de l’intégrité des systèmes respiratoire, cardio - circulatoire et musculaire ; chacun de ces systèmes pouvant en être le facteur limitant. Dans le langage courant, on parle de la VO2. Après 30 ans, on constate une diminution de 10 % par décade de VO2 max chez les hommes et les femmes sédentaires(1). Cette décroissance semble relativement indépendante de la pratique d’activité physique, la perte par décade restant importante : de 5 % à 10 % selon les études (figure 1).   Figure 1. Âge et baisse des capacités. Principaux mécanismes Mécanismes centraux - Modifications du système cardio-circulatoire Elles jouent un rôle déterminant dans la diminution des capacités fonctionnelles avec l’âge : réduction du débit cardiaque (Q) et de ses composants (fréquence cardiaque [FC] et volume d’éjection systolique [VES]) ; baisse de la FC maximale avec pente indépendante de la pratique sportive et baisse du VES plus sensible à cette pratique. – Modifications du système respiratoire Alors que la capacité pulmonaire reste stable, les volumes mobilisables diminuent dès 30 ans par baisse de l’élasticité thoraco-pulmonaire, imposant une augmentation du travail mécanique ventilatoire et ce, à des muscles respiratoires dont la force diminue… Tout cela entraînant une diminution des pressions inspiratoires et expiratoires après 50 ans. De plus, les capacités de diffusion alvéolo-capillaires déclinent… Ces modifications expliquent la gêne respiratoire ressentie aux fortes intensités d’effort après 50 ans (figure 2).   Figure 2. Poumons : diffusion et âge. Mécanismes périphériques L’amyotrophie est importante avec le vieillissement, conséquence de la diminution du nombre de fibres musculaires : la force décline d’environ 15 % par décennie, induisant une limitation périphérique importante. À l’origine de cette sarcopénie : - baisse des taux hormonaux (insuline, testostérone, estrogènes, hormone de croissance, prolactine et hormones thyroïdiennes) ; - stress oxydant avec production de radicaux libres toxiques (ROS, reactive oxygen species). À noter que cette production est majorée à l’exercice par l’augmentation de la consommation d’oxygène du muscle (20 % de la consommation totale d’O2 au repos et jusqu’à 80 % à l’exercice maximal). Par ailleurs, une baisse de la capillarisation musculaire va contribuer, en association avec la diminution de débit cardiaque, à limiter la disponibilité tissulaire de l’oxygène : différences artério-veineuses maximales de 10-12 ml/100 ml contre 14-16 ml/100 ml chez le sujet jeune.   Le sport après 50 ans : qu'est-ce qui est raisonnable ?   Tout d’abord, convaincre que l’activité physique est bénéfique à cet âge… Il suffit de lire, dans la littérature récente, l’excellent article de Chi Pang Wen(2) démontrant l’effet bénéfique de la pratique sportive chez les sédentaires dès que 15 min lui sont consacrées par jour : baisse de 14 % de mortalité à 3 ans… chaque quart d’heure d’activités quotidiennes en plus majorant l’effet protecteur, et ce, chez les hommes comme chez les femmes, porteurs ou non de cardiopathie.   En pratique, valoriser le premier pas et tendre progressivement vers les recommandations européennes et nord-américaines… sans oublier de souligner que les bénéfices sont d’autant plus marqués que le sujet est déconditionné au départ !   Une démarche raisonnée… Avant de donner des conseils, se référer au bilan de référence. La visite médicale de non contre-indication à la pratique sportive (VMNCI) de la Société française de médecine du sport, avec : - son interrogatoire (signé) ; - son examen clinique (complet) ; - son ECG (normal ou anormal) et ses examens complémentaires fonction des données recueillies et des recommandations tant cardiologiques (EE, écho, holters…) que pneumologiques, orthopédiques, etc.(3-5). Se rappeler que l’aptitude physique est propre à chacun et liée à de nombreux paramètres : - âge ; - sexe ; - état des systèmes cardiorespiratoire et locomoteur ; - passé sportif ; - pratique actuelle (type de sport, nombre de séances par semaine, durée et intensité des entraînements, etc.). Ce qui permet de situer le niveau du pratiquant (tableau). Toutes ces données permettent de personnaliser les conseils. Sans oublier un facteur de risque majeur : l’esprit de compétition… Les objectifs de la raison… - Optimiser le capital cardiovasculaire ; renforcer le capital musculaire et développer souplesse, proprioception et coordination. - Intégrer d’éventuelles limites : métaboliques, respiratoires, rhumatologiques, neurologiques, cardiologiques, etc. - Respecter les règles de bonne pratique sportive (Les règles d’or du Club des cardiologues du sport). Quels marqueurs de la raison ? La FC d’entraînement (FC W) Elle est exprimée en fonction de la FC max. : - obtenue lors de l’épreuve d’effort (ECG) ; - recueillie sur le terrain (cardiofréquencemètre) ; - estimée : FC W = FC repos + 0,6 à 0,8 (Heart rate reserve - HRR) Karvonen, FC W = 75 % F.M.T. (220 - âge) Astrand, FC W = 208 - (0,7 x âge) Tanaka, FC W sous bêtabloquant : - FC W = FC repos + 0,8 (HRR) Meurin - FC W = 164 – (0,7 x âge) Brawner. Elle est déterminée lors de l’épreuve avec analyse des échanges gazeux : - FC au seuil d’adaptation ventilatoire (SV 1). N. B. : FC W toujours inférieure à celle autorisée + + L’intensité de l’effort Elle est déterminée en fonction des capacités maximales de chacun (W max.) approchées par l’interrogatoire ou mesurées lors d’une épreuve d’effort (avec ou sans analyse des échanges gazeux) : - effets bénéfiques pour W > 40 % W max. ; - effets d’autant plus bénéfiques que l’intensité augmente ; - moindres bénéfices pour des intensités élevées (> à 85 % de W max.) (figure 3). Figure 3. Bénéfices des activités physiques. Fonction de leur intensité (% de W max.). La durée de l’effort - 15 min d’effort au minimum, précédées d’un échauffement et suivies d’une récupération active ; - 30-45 min pour l’optimisation des effets protecteurs cardiovasculaires ; - 90 min au maximum pour éviter fatigue et dérive neurohormonale. La fréquence des séances Après chaque séance d’entraînement spécifique (course, cyclisme, etc.), un temps de récupération est nécessaire, tant pour la reconstitution des stocks énergétiques que pour la réparation des microlésions musculo-tendineuses et articulaires. Cette période est indispensable à la progression des performances (phénomène de surcompensation). Son non-respect entraîne une baisse des performances, voire l’arrêt de la pratique sportive pour fatigue chronique ou pour lésions (figure 4). Figure 4. Entraînement et capacités physiques : évolution en fonction des périodes de récupération… respectées ou non.   Après 50 ans, ce temps de récupération s’allonge… incitant à espacer de 48 h les séances mobilisant les mêmes structures musculo-tendineuses et articulaires pour éviter d’éventuelles « technopathies ». Bien sûr, le pratiquant de « haut niveau » saura adapter ses propres temps de récupération. Pour argumenter : une étude portant sur 43 647 coureurs à pied(6) a retrouvé la fameuse « courbe en J inversé » ou en « U » illustrant une moindre réduction du risque cardiovasculaire pour une charge d’entraînement hebdomadaire supérieure à 32 km par semaine (20 miles)… Entre chaque séance spécifique, des séances de renforcement musculaire, de gymnastique, d’assouplissement… peuvent trouver leur place. Au final, 5 à 6 séances d’activités physiques dans la semaine !   Le sport : au-delà du raisonnable après 50 ans...   La pratique sportive dite de « haut niveau » s’accompagne de moindres effets protecteurs en termes de mortalité cardiovasculaire. Les responsables désignés sont : - les hautes intensités d’effort (> à 85 % de W max.) avec sécrétion accrue de catécholamines ; - la durée de l’effort avec déshydratation, hyperthermie et insuffisance rénale fonctionnelle ; - la charge d’entraînement avec fatigue chronique et stress vasculaire.   Que dire à toutes celles et ceux qui veulent faire leur premier marathon pour fêter leurs 50 ans ? L’article de T. G. Neilan(7) illustre de belle façon qu’il n’est pas anodin de courir les 42 km du marathon de Boston sans une préparation adaptée… L’étude a porté sur la relation entre charge d’entraînement dans les 4 mois précédant la course et les modifications cardiaques observées (données échographiques et biochimiques). La conclusion est que les sportifs s’entraînant « peu » avant un marathon (moins de 56 km/semaine) font souffrir leur cœur, alors que ceux s’entraînant de façon plus adaptée (plus de 72 km/sem.) ne présentent pas de modification péjorative des paramètres étudiés. Nous sommes loin des 32 km/semaine… et comparons les contraintes imposées lors d’un marathon, à des sujets ayant parcouru, dans les 4 derniers mois, 900 km contre 1 150 km… soit une différence d’entraînement de 35 % ! Sur le terrain, la différence dans la performance est de 43 min, faisant passer la durée de l’effort de moins de 4 h à plus de 4 h, traduisant le passage de l’endurance à l’ultra-endurance avec nette majoration des contraintes (hyperthermie, déshydratation, désordres électrolytiques, acidose, etc.). Si d’autres « challenges » sont envisagés, toujours prendre en compte les risques liés à l’environnement (l’altitude, le froid, la chaleur, etc.). Un autre aspect à ne pas négliger est celui des défenses immunitaires : plus la charge d’entraînement est grande, plus l’organisme oriente son métabolisme vers la production d’énergie et délaisse d’autres fonctions, dont les défenses immunitaires. C’est ainsi que l’on constate une augmentation du nombre d’infections bénignes chez les sportifs en fonction de la charge (ou surcharge) d’entraînement (figure 5). Au final, les problèmes arrivent lorsqu’il y a déséquilibre entre les aspirations et les capacités !   Figure 5. Fonction immunitaire, infections et entraînements. Conclusion   La pratique régulière d’activités physiques personnalisées est souhaitable… C’est sans doute l’un des meilleurs investissements à long terme que l’on puisse faire dans nos sociétés modernes !  Pour qu’elle soit raisonnable après 50 ans, il faut accepter les réalités d’une physiologie qui nous « rattrape » avec ses multiples limitations… sans oublier les réalités de la vie quotidienne : travail et vie sociale. Tout cela doit être intégré dans une personnalisation de la pratique sportive pour qu’elle aide à bien « mûrir ».  Les objectifs de santé sont clairs : développer endurance et force musculaire ; préserver souplesse et coordination ; le tout dans un climat de plaisir et de sécurité.  Pour le praticien(8), savoir évaluer, éduquer… et conseiller !  Si la compétition n’est pas interdite, le sportif doit répondre à un véritable « cahier des charges » pour y être autorisé(9), car en cas d’inadéquation entre les aspirations et les capacités, des accidents dramatiques peuvent survenir. Face à des sportifs de « l’extrême », ne pas hésiter à recourir à des avis spécialisés…   Références disponibles sur simple demande à biblio@axis-sante.com

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