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Insuffisance cardiaque

Publié le 14 fév 2014Lecture 5 min

Prise en charge de l’insuffisance cardiaque : éviter l’inertie

M. DEKER

CNCH
 
La prise en charge de l’insuffisance cardiaque (IC) a progressé depuis ces dernières décennies grâce à de nouvelles armes thérapeutiques, médicaments, stimulateurs et défibrillateurs, chirurgie traditionnelle, transplantation cardiaque, assistance circulatoire et bientôt cœur artificiel. Ces traitements ont prouvé leur efficacité en termes de survie et de qualité de vie. Encore faut-il savoir les utiliser pour en tirer un réel bénéfice et améliorer le pronostic des patients insuffisants cardiaques. 

Un pronostic médiocre à court terme   L’IC est actuellement la première cause d’hospitalisation chez les plus de 65 ans, avec une mortalité intrahospitalière de 7,5 %. Après un épisode de décompensation aiguë, le pronostic des patients IC reste médiocre : 16 % décèdent dans les 6 mois suivant l’hospitalisation, 34 % seront réhospitalisés pour une autre décompensation aiguë et 112 % pour une autre cause, ce qui témoigne de la polypathologie de ces malades. Selon une étude transversale du groupe insuffisance cardiaque de la Société française de cardiologie, parmi les patients hospitalisés pour IC sur une journée, 36 % souffraient d’IC à fraction d’éjection (FE) préservée (ICFEP) ; chez ces patients âgés de 79 ans en moyenne, la durée d’hospitalisation moyenne était de 13 jours et le taux de mortalité hospitalière de 8,2 % ; trois facteurs ont été trouvés liés à la mortalité : l’âge, la FE basse et l’altération de la fonction rénale. Ces données sont corroborées par une enquête réalisée par l’Assurance maladie. Le risque de réhospitalisation s’accroît à mesure des hospitalisations itératives. Le pronostic de l’ICFEP est identique à celui de l’IC systolique (ICS), en termes de mortalité et de réhospitalisations. Dans l’étude SHIFT ayant évalué l’ajout d’ivabradine versus placebo chez plus de 6 500 patients ayant une ICS stable, les taux de mortalité (par décompensation aiguë ou autre cause cardiaque) sont de 10 % à 1 mois et de 23 % à 6 mois posthospitalisation. Dans l’ICS, les décès après hospitalisation pour IC sont principalement dus à la défaillance cardiaque (40 %), mais aussi à la mort subite (30 %), alors que la mortalité de cause extracardiologique est supérieure dans l’ICFEP. Malgré l’amélioration de l’offre de soins, le risque de réhospitalisation après une décompensation aiguë reste stable, aux alentours de 25 % dans l’ICS ou l’ICFEP, et le risque de mortalité augmente à mesure des réhospitalisations, surtout à partir de la deuxième. Ce risque de réhospitalisation est bien corrélé avec le syndrome congestif, qui peut facilement être détecté par la prise de poids et la symptomatologie, d’où l’importance de la surveillance clinique : le dépistage de ces anomalies infracliniques devrait aboutir à une adaptation rapide du traitement. Un élément de surveillance simple est la fréquence cardiaque (FC) : une augmentation de 5 bpm de la FC de repos entraîne une augmentation de 16 % du risque de décès (par défaillance de la pompe cardiaque pour une FC > 75 bpm) ou d’hospitalisation.   Comment éviter les réhospitalisations précoces ?   La prise en charge du syndrome congestif est un élément déterminant pour éviter les défaillances aiguës et les réhospitalisations précoces. Elle suppose la reconnaissance des signes précoces – laquelle passe par l’autosurveillance et l’éducation thérapeutique du patient, le suivi médicalisé et éventuellement la télésurveillance en développement –, devant conduire à adapter le traitement. Selon les recommandations européennes, la prescription d’un diurétique et d’un IEC forme le socle de la prise en charge. Elle doit être suivie de celle d’un bêtabloquant et de l’introduction précoce d’un antagoniste des récepteurs minéralocorticoïdes si le patient IC reste symptomatique avec FE ≤ 35 %. Après avoir optimisé le blocage neurohormonal, il convient de s’intéresser à la FC, paramètre majeur du pronostic à court terme. Or, 30 % des patients IC demeurent tachycardes malgré le traitement bêtabloquant, lequel a pour effet essentiel de diminuer les décès par mort subite. L’ivabradine, ralentisseur spécifique de la FC, trouve ici sa place : elle diminue de 18 % les primo hospitalisations et les réhospitalisations ainsi que la mortalité par défaillance de la pompe cardiaque grâce à un effet antiremodelage ventriculaire gauche lié à la diminution des volumes télédiastolique et télésystolique et l’augmentation de la FE.   La prise en charge débute dès la sortie d’hospitalisation   On sait que 14 % des patients IC ne consultent pas leur médecin traitant dans les 2 mois suivant l’hospitalisation pour décompensation et que 66 % ne consultent pas de cardiologue. Munis d’une ordonnance pour 3 mois, ils n’en comprennent pas la nécessité, de même qu’ils s’abstiennent de suivre les recommandations hygiénodiététiques. Or, la sortie d’hospitalisation est une période à très haut risque. Comparativement à de nombreux pays, la durée de séjour hospitalière pour IC est longue en France (12 jours en moyenne, 4 aux États-Unis), ce qui entraîne des coût s énormes et ne garantit nullement un meilleur pronostic car la mortalité posthospitalière est directement corrélée à la durée de séjour hospitalier. Afin d’améliorer ce bilan, il est nécessaire de mettre en place la prise en charge hors hôpital avant la sortie : éducation thérapeutique sur l’hygiène de vie et les éléments cliniques à surveiller par le patient ; prise de rendez-vous avec le médecin traitant et avec le cardiologue. L’ordonnance de sortie, remise au patient et transmise au médecin correspondant, et accompagnée d’un bref résumé d’hospitalisation, devrait consigner le programme de traitement et les éléments de surveillance. Il serait également préférable que les patients hospitalisés pour une poussée d’IC soient pris en charge par un cardiologue, dans la mesure où ces derniers prescrivent davantage de traitements de fond et moins de diurétiques, contrairement aux internistes. Un programme de retour à domicile PRADO a été mis en place par l’Assurance maladie avec le concours de la Société française de cardiologie, lequel a déjà été expérimenté dans 4 régions (Aquitaine, Normandie, Alsace et Picardie) et devrait être généralisé. Son objectif est d’améliorer la prise en charge des patients IC dès la sortie de l’hôpital et de gérer la période de transition des 2 premiers mois avec l’aide d’une infirmière libérale et du médecin traitant. Les patients éligibles à ce programme bénéficient éventuellement avant la sortie d’une éducation réalisée par l’équipe hospitalière ; les rendez-vous de consultation avec le médecin traitant, le cardiologue et l’infirmière libérale sont pris ; il sera suivi à domicile sur un rythme hebdomadaire par l’infirmière pendant 2 mois, par le médecin traitant avec une première consultation sous 8 jours puis à 2 mois et par le cardiologue après 1 mois. L’idéal serait, bien sûr, de pouvoir coupler la télémédecine au programme PRADO et d’établir une check- list nationale des éléments de surveillance. Au minimum, le suivi peut être assuré sur des indicateurs simples en contrôlant le poids, la pression artérielle et la FC, sans oublier le ionogramme. Il est aussi indispensable de planifier l’introduction du bêtabloquant et d’expliquer au patient les modalités de son suivi ; ce dernier doit être convaincu de la nécessité de consulter son médecin traitant et son cardiologue pour optimiser les thérapeutiques et adapter le traitement sans attendre la défaillance qui conduit à la réhospitalisation.   D’après J.-J. Dujardin (Douai), M. Galinier (Toulouse), P. Jourdain (Pontoise) et F. Mouquet (Lille) – 19e Assises du Collège national des cardiologues des hôpitaux

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