Coronaires
Publié le 14 sep 2014Lecture 4 min
Sémiologie du syndrome coronarien aigu du sujet âgé : les idées reçues
N. PESCHANSKI, service des urgences, CHU de Rouen
La douleur thoracique est l’un des symptômes les plus fréquents en médecine d’urgence. La priorité chez tout patient qui présente une douleur thoracique est d’exclure les pathologies engageant le pronostic vital, au premier rang desquelles on retrouve les causes cardiaques en général, et le syndrome coronarien aigu (SCA) en particulier. La décision de réaliser un bilan complémentaire est fréquente. La typologie des examens repose alors sur les données cliniques de l’interrogatoire et de l’examen, sans omettre le terrain qui est, ici, un aspect fondamental de la prise en charge.
Le patient âgé présentant une douleur thoracique
La présentation d’un patient âgé aux urgences pour une douleur thoracique est souvent atypique et permet rarement d’orienter le praticien sur une étiologie précise. L’anamnèse détaillée, souvent difficile, est appuyée par les constatations d’un examen clinique rigoureux. Celui-ci sera complété par un ECG systématique et le plus souvent une radiographie thoracique, ainsi que des examens biologiques(1).
L’interrogatoire peut être rendu particulièrement difficile chez la personne âgée compte tenu de pathologies intercurrentes. La connaissance des facteurs de risque fournit des renseignements importants sur la probabilité d’une maladie donnée, peut guider l’évaluation clinique et déterminer le choix des explorations complémentaires. Bien que la description de la douleur thoracique soit souvent atypique et peu précise, toute évocation d’une symptomatologie intéressant la sphère thoracique doit alerter le praticien lors de son examen clinique.
Chez les personnes âgées, les symptômes généraux peuvent être d’une importance particulière. Les symptômes associés peuvent apporter des éléments permettant parfois la distinction entre une origine cardiaque et d’autres étiologies, gastro-intestinales ou pulmonaires, bien qu’elles puissent coexister dans une proportion non négligeable de cas (jusqu’à 35 % des patients présentant une souffrance coronaire)(2).
L’ECG du patient âgé présentant une douleur thoracique
L’ECG est la pierre angulaire du raisonnement clinique appliqué à la douleur thoracique : il est non invasif et permet l’acquisition de nombreuses informations, voire de poser un diagnostic. Comme chez l’adulte jeune, on recherchera les signes en faveur d’un SCA avec ou sans un sus-décalage du segment ST.
Cependant, certaines anomalies sont fréquentes chez le sujet âgé et ne doivent pas exclure le diagnostic : hypertrophie ventriculaire gauche (HVG), trouble du rythme supraventriculaire, en particulier fibrillation et flutter auriculaire(3).
Démarche diagnostique
La présentation clinique d’un SCA chez le patient âgé ne revêt que rarement un caractère typique permettant d’orienter rapidement le praticien. Celui-ci doit donc s’attacher à trouver le bon rapport bénéfice/risque et coût/efficacité des investigations pour aboutir au diagnostic. L’anamnèse détaillée, souvent difficile dans cette population, est appuyée par les constatations d’un examen clinique rigoureux. Celui-ci sera complété par un ECG systématique et le plus souvent une radiographie thoracique, ainsi que des examens biologiques. L’examen clinique est le plus souvent normal et c’est l’ECG 18 dérivations qui orientera le diagnostic(4).
Le risque qu’une douleur thoracique résulte d’une cardiopathie ischémique stable ou d’un SCA (angor instable ou infarctus du myocarde) augmente de 1 % par an environ à partir de 40 ans. La présence d’une HVG, d’une dyslipidémie, d’un diabète ou d’antécédents familiaux de coronaropathie augmente encore ce risque. Ainsi, des descriptions atypiques comprenant une sensation d’oppression, de pesanteur, de brûlures, de gêne à l’estomac, ou encore une sensation de « trop-plein » thoracique, de « nœud » médiothoracique, de « boule dans la gorge », de douleurs diffuses abdominothoraciques, de soutien-gorge trop serré, de douleurs dentaires, de cervicalgies ou d’irradiations douloureuses doivent alerter le praticien.
Parmi les tableaux initiaux atypiques fréquents, la dyspnée d’effort est commune dans l’ischémie myocardique du sujet âgé et peut précéder la sensation douloureuse. Le patient peut également décrire un malaise lipothymique, mais une réelle syncope est le plus souvent associée à une complication rythmique de l’infarctus. Par ailleurs, la notion de douleur ou de malaise provoqué par l’effort, le froid, le stress ou les rapports sexuels restent des symptômes classiques d’angine de poitrine. Par contre, les douleurs répondant à la nitroglycérine sublinguale (dont l’usage doit être mesuré chez la personne âgée) ne permettent pas d’affirmer l’étiologie cardiaque. La gestuelle du patient peut être d’une aide précieuse pour préciser cette anamnèse. Le rythme circadien de la symptomatologie est également important. En effet, la douleur thoracique postprandiale, bien qu’évocatrice d’une maladie gastrointestinale, peut être symptmatique d’une cardiopathie ischémique sévère (en particulier en cas d’atteinte du tronc commun ou tritronculaire). Enfin, une asthénie profonde peut être au premier plan d’une coronaropathie par ailleurs peu douloureuse(5,6).
Les pièges
Les pièges de la symptomatologie thoracique douloureuse de la personne âgée sont fréquents et leur liste n’est pas exhaustive. Le défi pour le clinicien consiste à considérer toute symptomatologie atypique ou fruste comme un signe clinique majeur. Ainsi, il convient de ne jamais sous-estimer une information anamnestique ou à l’examen clinique dans cette population fragile dont la prévalence des pathologies graves est importante. Lorsque le diagnostique de SCA est le plus probable, l’urgence est alors thérapeutique et une stratégie est à envisager avec le cardiologue (7).
Conclusion
Toute symptomatologie thoracique aiguë de la personne âgée doit faire rechercher un SCA. Dès que le diagnostic est posé, les principes de la prise en charge du SCA chez la personne âgée aux urgences ne diffèrent pas de ceux de l’adulte jeune. Les options thérapeutiques qui se présentent au clinicien en fonction des pathologies seront par contre adaptées à l’âge et au terrain du patient en tenant compte du rapport bénéfice/risque de chaque traitement envisagé.
"Publié dans Gérontologie Pratique"
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