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Cardiologie interventionnelle

Publié le 16 juin 2015Lecture 7 min

Fractional Flow Reserve (FFR) : concepts et applications

E. PUYMIRAT, Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris

Au cours de ces dernières années, les explorations physiologiques invasives ont pris de plus en plus d’importance au sein des laboratoires de cathétérisme cardiaque. Parmi ces explorations, la mesure de la réserve coronaire ou FFR (Fractional Flow Reserve) est de loin la plus étudiée et la plus utilisée. De multiples études ont démontré son intérêt dans la prise en charge thérapeutique des sténoses intermédiaires, des sténoses complexes (tronc commun, bifurcation...) et des patients pluritronculaires. En France, son utilisation est encore limitée, notamment pour des raisons économiques car cette exploration n’est à ce jour pas encore prise en charge.

Quelques rappels de physiologie coronaire   La circulation coronaire représente 5% du débit cardiaque et est schématiquement divisée en deux compartiments (figure 1) : Le premier compartiment correspond aux vaisseaux épicardiques (diamètre > 400 μ) dans lequel les résistances sont minimes (vaisseaux dits « de conductance » ). La pression au sein de ce compartiment est donc à peu près la même que la pression aortique. Le second compartiment correspond aux microvaisseaux (diamètre < 400 μ) au sein duquel les résistances sont majeures (vaisseaux dits « de résistance »).   Figure 1. La circulation coronaire a comme particularité de pouvoir s’autoréguler de façon à maintenir un débit coronaire constant (pour des pressions moyennes de perfusion comprises entre 60 et 130 mmHg). Pour cela, les variations de pression sont compensées par des modifications de résistances (Q= ∅ P/R) mettant en jeu différents facteurs (neurohormonaux, métaboliques, endothéliaux, physiques...) (figure 2). La différence entre le débit coronaire de base (régulé) et le débit coronaire obtenu avec une dilatation maximale des coronaires correspond à la réserve coronaire. La réserve coronaire peut être mesurée directement en salle de cathétérisme cardiaque (FFR) et est altérée en cas de lésions coronaires.   Figure 2.  La réserve coronaire correspond à la différence entre le débit coronaire de base (régulé) et le débit coronaire obtenu avec une dilatation maximale.   Trois explorations physiologiques (figure 1) sont réalisables au sein des laboratoires de cathétérisme cardiaque(1) : 1. La FFR, qui mesure la réserve coronaire au sein des vaisseaux épicardiques. La FFR présente comme avantage d’être indépendante des conditions hémodynamiques et des anomalies de la microcirculation. C’est de loin l’exploration la plus étudiée et la plus utilisée. 2. L’IMR (Index of Microvascular Resistance), un index de résistance des microvaisseaux. 3. La CFR (Coronary Flow Reserve), qui explore l’ensemble de la circulation coronaire.    Mesure de la FFR   La FFR se définit comme un rapport de flux entre une artère sténosée et la même artère en l’absence de sténose au cours d’une épreuve d’hyperhémie (vasodilatation maximale)(2,3). En pratique, la FFR peut être facilement obtenue par le rapport entre la pression distale moyenne (Pd) et la pression aortique moyenne (Pa) au cours d’une hyperhémie (figure 3). La pression dans une artère coronaire normale est égale à la pression aortique. La valeur normale de la FFR est donc de 1. Une FFR de 0,70 signifie que le vaisseau sténosé ne fournit que 70% du débit théorique (c’est-à-dire en l’absence de sténose) (figure 4). Figure 3. Figure 4.  La valeur normale de la FFR est de 1 (a). Une FFR de 0,70 signifie que le vaisseau sténosé ne fournit que 70% du débit théorique (c’est-à-dire en l’absence de sténose) (b).  La FFR est donc un index de la sévérité du retentissement fonctionnel d’une sténose coronaire calculée à partir de pressions mesurées au cours de la coronarographie. Elle reflète l’impact physiologique de la sténose sur le myocarde en termes d’ischémie inductible. Elle permet ainsi d’avoir une idée précise du retentissement fonctionnel d’une lésion en allant au-delà du simple aspect morphologique qu’apporte la coronarographie. Les résultats de la FFR sont très bien corrélés à ceux des tests non invasifs (épreuve d’effort, scintigraphie myocardique, échographie de stress)(4,5). En outre, la FFR présente de nombreux avantages puisqu’il s’agit d’une mesure indépendante des anomalies de la microcirculation ; elle donne des informations spécifiques directement disponibles en salle de cathétérisme en permettant de localiser précisément la lésion à traiter ce qui peut alors se faire dans le même temps ; enfin, sa précision diagnostique est supérieure en cas de sténose intermédiaire(4,5).   Les seuils à retenir sont : - FFR  ≤ 0,80 : lésion hémodynamiquement significative ; - FFR > 0,80 : lésion hémodynamiquement non significative. Il existe toutefois « une zone grise » entre 0,75 et 0,80 où les résultats peuvent être discordants (figure 5). Dans ce cas, il faut donc considérer la lésion comme significative(1-3).   Figure 5.  FFR ≤ 0,80 : lésion significative ; FFR > 0,80 : lésion non significative Applications de la FFR   La FFR permet donc de définir directement en salle de cathétérisme cardiaque si une lésion a un retentissement fonctionnel ou non. Si c’est le cas, la lésion peut alors être traitée dans le même temps (angioplastie ad hoc).   La FFR présente un intérêt particulier dans plusieurs situations(1) :   Évaluation des lésions intermédiaires où le recours à l’angioplastie est très subjectif. La FFR permet de ne traiter que les lésions ayant un retentissement fonctionnel et d’éviter ainsi les angioplasties inutiles et potentiellement dangereuses (« réflexe oculo-sténotique »). Évaluation de lésions complexes, notamment les lésions de bifurcations, les lésions du tronc commun, les pontages. Évaluation des patients pluritronculaires permettant ainsi de définir la meilleure stratégie de revascularisation (la revascularisation devant être optimale fonctionnellement sans être forcément anatomiquement complète). Test non invasif non réalisé ou non interprétable (bloc de branche gauche, obésité...). La FFR peut être réalisée chez les patients asymptomatiques (recherche d’ischémie silencieuse), en cas d’angor (stable ou instable), ou de syndrome coronaire aigu sans sus-décalage du segment ST (SCA ST-). En revanche, la FFR n’est pas applicable dans les jours suivant un infarctus (SCA ST+) car là elle n’évalue que la réserve coronaire dédiée au muscle restant viable. Son résultat serait donc sous-estimé(1).   Comment mesurer la FFR en pratique   La FFR est une mesure extrêmement simple et rapide (durée < 10 min) qui nécessite de cathétériser la coronaire (de préférence avec une sonde d’angioplastie), puis d’introduire un guide de FFR (équivalent d’un guide d’angioplastie avec en plus un capteur de pression en distalité à placer en aval de la lésion à évaluer).   La mesure doit être réalisée après l’injection d’un bolus intra-coronaire d’un vasodilatateur coronaire (le plus souvent de l’adénosine) (figure 6). Le rapport Pd/Pa est alors directement obtenu sur la machine. En pratique, 2 mesures sont réalisées(1). Figure 6. La figure 7 met en évidence une lésion intermédiaire de la coronaire droite moyenne dont il est difficile de juger avec l’angiographie seule si elle est significative ou pas. En l’absence de test d’ischémie préalable, la FFR permet directement en salle de répondre à cette question. Si la lésion est significative (FFR ≤ 0,80), l’angioplastie peut alors être réalisée dans le même temps avec le guide déjà en place (figure 8).   Figure 7.  La lésion justifie une évaluation par FFR (test d’ischémie non réalisé au préalable) pour rechercher un retentissement fonctionnel.     Figure 8. Pa : 93 mmHg. Pd : 73 mmHg. Pd/Pa = 0,78. Cette lésion est bien significative (FFR < 0,80) et justifie donc une angioplastie.   Que retenir des études ?   De nombreux travaux ont déjà été publiés sur la FFR. Deux études princeps sont à retenir : L’étude DEFER(6), tout d’abord, qui a montré que chez les coronariens stables l’absence de revascularisation des sténoses non fonctionnelles (avec une FFR > 0,75) était associée à un excellent pronostic à long terme. Chez ces patients, le risque de décès de cause cardiovasculaire ou d’infarctus du myocarde est inférieur à 1% par an. L’angioplastie d’une sténose intermédiaire non fonctionnelle chez ces patients est donc inutile. L’étude multicentrique randomisée Fractional Flow Reserve versus Angiography for Multivessel Evaluation (FAME)(7), réalisée chez 1 000 patients ayant des lésions sur plusieurs vaisseaux, a comparé l’angioplastie conventionnelle à l’angioplastie guidée par les résultats de la FFR.     À 1 an, l’angioplastie guidée par la FFR a montré sa supériorité puisqu’elle a permis de réduire les décès, les infarctus du myocarde et le recours à une nouvelle revascularisation (angioplastie ou pontages) d’environ 30%, et cela sans compter l’impact économique (réduction des coûts de l’ordre de 30%). Les résultats de cette étude à 2 ans sont comparables.   Enfin, la supériorité de l’angioplastie guidée par la FFR par rapport au traitement médical optimal chez les patients pluritronculaires devrait être démontrée par l’étude FAME 2 qui vient de débuter.   Place de la FFR dans les recommandations européennes ?   La Société européenne de cardiologie (ESC) recommande fortement l’utilisation de la FFR pour détecter l’ischémie myocardique, notamment en l’absence de test d’ischémie préalable (classe IA). Le seuil retenu est de 0,80.    Ce qu’il faut retenir   La FFR est un rapport de flux entre une artère sténosée et la même artère en l’absence de sténose au cours d’une épreuve d’hyperhémie (vasodilatation maximale). En pratique, la FFR peut être obtenue par le rapport entre la pression distale moyenne (Pd) et la pression aortique moyenne (Pa) au cours d’une hyperhémie maximale. Une FFR ≤ 0,80 traduit une lésion significative. La FFR permet notamment d’évaluer les lésions intermédiaires, les lésions complexes (tronc commun, bifurcations, pontages...) et de déterminer la meilleure stratégie de revascularisation chez les patients pluritronculaires. L’utilisation de la FFR est fortement recommandée par les sociétés savantes pour détecter l’ischémie myocardique (classe IA). Enfin, jusqu’à présent toutes les études ayant comparé l’angioplastie conventionnelle à l’angioplastie guidée par la FFR montrent une supériorité de cette dernière approche en termes d’événements cardiovasculaires et économiques.

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