Coronaires
Publié le 04 juin 2015Lecture 7 min
Les stents actifs dans les syndromes coronariens aigus avec sus-décalage persistant du segment ST
H. LE BRETON, Service de cardiologie et maladies vasculaires, Unité d’hémodynamique et de cardiologie interventionnelle, Centre cardio-pneumologique, CHU Pontchaillou, Rennes
Le pronostic de l’infarctus du myocarde avec sus-décalage persistant du segment ST (IDM ST+) a été amélioré de façon spectaculaire grâce à une prise en charge et à une reperfusion précoces et à l’optimisation du traitement pharmacologique. En France, la reperfusion est obtenue le plus souvent par une angioplastie primaire associée à la mise en place d’un stent, qu’elle soit ou non précédée d’une thrombo-aspiration et/ou d’une prédilatation au ballon. Une recanalisation de l’artère responsable de l’infarctus avec un flux angiographique jugé normal TIMI 3 est ainsi obtenue dans plus de 90% des cas.
Plusieurs questions se posent au cardiologue interventionnel qui réalise une angioplastie primaire : quel(s) bénéfice(s) attendre de l’implantation d’un stent actif et chez quels patients ? Le stent actif dans le contexte de l’angioplastie primaire est-il associé à un risque augmenté de thrombose précoce ou tardive ? Quand doit-on privilégier un stent non actif ? Quelle devra être la durée de la bithérapie antiagrégante plaquettaire ? Quels seront les résultats à distance ?
Quel(s) bénéfice(s) attendre de l’implantation d’un stent actif et chez quels patients ?
Deux études publiées en 2006 ont comparé des stents actifs de première génération aux stents non actifs, l’étude TYPHOON avec le stent au sirolimus Cypher ou Cypher Select (Cordis, Johnson & Johnson) et l’étude PASSION avec le stent au paclitaxel Taxus Express 2 (Boston Scientific)(1,2). Depuis, d’autres études ont été publiées ainsi qu’une métaanalyse de 13 essais randomisés avec un suivi moyen jusqu’à 24 mois(3). Dans cette dernière méta-analyse, le taux de nouveaux gestes de revascularisation du vaisseau cible était de 5,3% dans le groupe stents actifs (241/4 515), alors qu’il était de 11,5% (328/2 837) dans le groupe stents non actifs, soit une réduction du risque de 56%. Le nombre de patients à traiter avec un stent actif pour prévenir un nouveau geste de revascularisation du vaisseau cible était de 14. Plus le risque de resténose intrastent non actif était élevé, plus le bénéfice du stent actif était important.
Si le bénéfice du stent actif sur la resténose est documenté, l’utilisation d’un stent actif a-t-elle un impact sur le risque d’événements cardiovasculaires majeurs, décès ou infarctus du myocarde. Cette même métaanalyse n’a pas mis en évidence de différence significative, tant sur le critère mortalité (3,7% dans le groupe stents actifs versus 4,3% dans le groupe stents non actifs) que sur le critère infarctus du myocarde (3,4% dans le groupe stents actifs versus 3,8% dans le groupe stents non actifs). Il faut cependant noter que ce taux de mortalité rapporté à 12-24 mois apparaît faible, témoignant d’une population sélectionnée à « bas risque », cela rendant difficile l’extrapolation des résultats à une population à risque plus élevé. L’intérêt des registres est d’étudier les résultats des stents actifs sur une population moins sélectionnée. Si le registre GRACE (Global Registry of Acute Coronary Events)(4) avait rapporté une augmentation significative de la mortalité avec l’utilisation des stents actifs, d’autres registres ont observé une réduction de la mortalité à 1 ou 2 ans. Une métaanalyse de ces registres objective une réduction significative de 32% de la mortalité à 1 an avec les stents actifs, cette réduction n’étant plus significative à 2 ans(3).
L’implantation d’un stent actif est-elle associée à un risque de thrombose de stent augmenté ?
Si l’utilisation d’un stent actif permet de réduire le risque de resténose et de nouveaux gestes de revascularisation du vaisseau cible, la question d’un risque augmenté de thrombose de stent a été soulevée, en particulier du fait d’un retard à la réendothélialisation du stent et à la cicatrisation de la paroi, comme documenté par les études anatomopathologiques de Renu Virmani et de son équipe(5). Ce « sur-risque » de thrombose n’est pas confirmé par la métaanalyse de Brar et coll. portant sur 13 essais randomisés qui rapporte un taux de thromboses de stent au cours de la première année de 2,7% dans le groupe stents actifs versus 2,6% dans le groupe stents non actifs. Parmi les 4 essais rapportant un suivi au-delà de la première année, aucune différence sur le risque de thrombose tardive n’a été documentée. Dangas GD, et al., ont aussi étudié la fréquence de la thrombose de stent chez les 3 226 patients traités par angioplastie primaire et stentés, inclus dans l’étude HORIZONS-AMI(6). Parmi eux, 3 006 patients ont été randomisés en 2 groupes : un groupe de 2 257 patients stentés avec un stent actif Taxus Express 2 au paclitaxel et un groupe de 749 patients stentés avec un stent non actif. Le taux des thromboses certaines ou probables a été le même dans les 2 groupes (4,4%) pour un suivi de 2 ans.
Quand dois-je privilégier un stent non actif ?
Un stent non actif devra être privilégié par le cardiologue interventionnel dans toutes les situations pouvant conduire à un arrêt prématuré du traitement antiagrégant plaquettaire au cours de la première année et tout particulièrement au cours des 6 premiers mois : non-compliance du patient au traitement, chirurgie non cardiaque qu’il n’est pas possible de différer, risque hémorragique particulier (traitement anticoagulant au long cours, affection hématologique ou autre associée à un risque hémorragique). Il faut savoir dans ces situations ou dans des situations où une évaluation rigoureuse n’est pas envisageable (patient intubé, patient en choc, patient sédaté, patient ininterrogeable...) choisir d’implanter un stent non actif, une resténose intrastent pouvant être traitée par une nouvelle angioplastie et l’implantation secondaire d’un stent actif.
Quel traitement antiplaquettaire oral prescrire ?
Les dernières recommandations européennes préconisent dans l’infarctus ST + une bithérapie antiagrégante plaquettaire(7) :
L’aspirine en dose de charge per os (150 à 300 mg) ou par voie intraveineuse (250 à 500 mg), suivie d’une dose d’entretien de 75 à 100 mg/j.
Le prasugrel en dose de charge de 60 mg per os, suivie d’une dose de 10 mg/j. Le ticagrelor (180 mg en dose de charge, suivie d’une dose d’entretien de 90 mg 2 fois/j) pourra être une alternative au prasugrel, mais cette molécule n’est pas à ce jour commercialisée en France. L’utilisation du prasugrel et celle du ticagrelor sont associées à une réduction du risque de thrombose de stent comparée à celle du clopidogrel(8,9). Le clopidogrel en dose de charge de 600 mg suivie d’une dose d’entretien de 75 mg/j reste utilisé chez les patients pour lesquels il existe une contre-indication au prasugrel (antécédent d’accident vasculaire cérébral, risque hémorragique jugé élevé sous prasugrel). La dose d’entretien du clopidogrel peut être augmentée à 150 mg/j pendant 1 à 2 semaines si on se réfère aux résultats de l’étude CURRENT-OASIS 7(10).
Cette étude a comparé chez des patients hospitalisés pour un SCA avec une stratégie interventionnelle proposée (coronarographie programmée dans les 72 heures suivant l’admission) de fortes doses de clopidogrel (dose de charge de 600 mg, suivie d’une dose d’entretien de 150 mg/j pendant 7 jours, puis 75 mg/j) au protocole standard (dose de charge de 300 mg, suivie d’une dose d’entretien de 75 mg/j). Le critère principal de l’étude était un critère combiné (décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral) évalué à 30 jours. Aucune différence significative n’a été observée sur l’ensemble de la population étudiée (4,2% versus 4,4% ; p = 0,30). Seule l’analyse de sous-groupe chez les patients qui ont été dilatés a permis de mettre en évidence une différence significative (3,9% versus 4,5% ; p = 0,04) en faveur de plus fortes doses initiales de clopidogrel. Dans ce même sous-groupe des patients dilatés, une réduction significative du taux de thromboses de stent sous fortes doses de clopidogrel a été mise en évidence (1,6% versus 2,3% ; p < 0,001).
Quelle doit être la durée de l’association de deux antiagrégants plaquettaires ?
La bithérapie antiagrégante plaquettaire doit être maintenue pendant 1 an au décours de tout syndrome coronarien aigu, qu’une angioplastie coronarienne ait été ou non réalisée, selon les recommandations européennes(7). De plus, quelle que soit la situation clinique, l’implantation d’un stent actif justifie le maintien d’une bithérapie pendant 6 mois à 1 an. Il y a donc « deux indications » à maintenir une bithérapie antiagrégante pendant 1 an chez un patient reperfusé par angioplastie primaire avec mise en place d’un stent actif à la phase aiguë d’un IDM ST+. Au-delà de 1 an, la preuve du bénéfice du maintien de la bithérapie n’a pas été documentée. Des études sont en cours, telles les études OPTIDUAL et ITALIC menées en France, pour tenter de répondre à la question de la durée optimale de l’association au décours de l’implantation d’un stent actif.
Quels sont les résultats à distance ?
Les résultats à « moyen terme » (3 à 4 ans) des études ayant comparé les stents actifs au sirolimus aux stents non actifs ont été publiés (tableau). Dans l’étude SESAMI(11), le taux d’événements cardiovasculaires majeurs (décès, infarctus du myocarde, pontage, nouvelle revascularisation de la lésion cible) à 3 ans est significativement réduit dans le groupe stents actifs au sirolimus comparé au groupe stents non actifs (12,7% versus 21% ; p = 0,034). Ce bénéfice est principalement lié à la réduction du taux de nouveaux gestes de revascularisation de la lésion cible et est obtenu dès la première année. Cette réduction du taux de nouveaux gestes de revascularisation est retrouvée de la même façon dans les études TYPHOON à 4 ans et MISSION à 3 ans(12,13). Dans cette dernière étude, la différence observée à 3 ans n’atteint plus le seuil de significativité (p = 0,06).
Dans l’étude PASSION, qui a comparé le stent actif au paclitaxel au stent non actif, il n’y a pas de différence significative sur le taux de nouveaux gestes de revascularisation de la lésion cible observé à 5 ans (7,7% versus 10,5% ; p = 0,21)(14). Cette absence de différence peut être liée à une puissance insuffisante de l’étude, à une efficacité moindre du stent au paclitaxel, à la méthodologie de l’étude (absence de contrôle angiographique systématique), à un taux de resténose faible observé dans le groupe contrôle.
Ce qu’il faut retenir
Le choix d’un stent actif au cours de l’angioplastie primaire à la phase aiguë d’un infarctus du myocarde ST+ par rapport à un stent non actif :
Permet de réduire de façon significative le risque de resténose et le risque de nouveaux gestes de revascularisation de la lésion cible.
Doit être réservé, comme dans l’angioplastie programmée, aux patients et lésions à risque élevé de resténose (diabétiques, lésions longues > 15 mm, artères de petit calibre).
Ne réduit pas le risque d’événements cardiovasculaires majeurs (décès, infarctus du myocarde).
N’est pas associé à un risque de thrombose de stent plus élevé (risque proche de 2 à 3% à 1 an comme pour les stents non actifs).
Nécessite, comme dans l’angioplastie programmée, une évaluation du risque hémorragique, du risque de chirurgie non cardiaque dans les mois suivant l’implantation, de la compliance au traitement, évaluation parfois difficile à réaliser dans le contexte de l’angioplastie primaire.
Nécessite l’association aspirine-thiénopyridine (clopidogrel ou prasugrel) pendant 1 an, association justifiée à la fois par le syndrome coronarien aigu et le choix d’un stent actif (qui justifie au moins 6 mois d’association).
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