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Cardiologie générale

Publié le 14 jan 2015Lecture 10 min

Hypotension orthostatique : quel bilan réaliser ?

C. KOUAKAM, Pôle cardiovasculaire et pulmonaire, Hôpital Cardiologique, CHU de Lille

L’hypotension orthostatique (HTO) est un trouble de la régulation de la pression artérielle défini par une baisse de la pression artérielle (PA) systolique ≥ 20 mmHg dans les 3 minutes suivant le passage de la position couchée à la position debout(1), du fait de la défaillance de l’un et/ou l’autre des deux principaux mécanismes d’adaptation, à savoir une réduction du volume sanguin efficace et une altération du baroréflexe. Un certain nombre de patients peuvent cependant manifester une telle intolérance bien au-delà de 3 minutes(2). L’HTO est un problème de santé publique qui touche environ 1 % de la population. Sa prévalence augmente avec l’âge, ≥ 20 % chez la personne âgée(3). Outre la morbidité liée aux syncopes et aux chutes, l’HTO est un facteur de risque de déclin cognitif(4), et de morbi-mortalité cérébrovasculaire(5,6).

L’HTO est probablement sous-diagnostiquée car la tension est généralement mesurée en position assise, alors que l’HTO se manifeste le plus souvent en position debout. Ensuite, la tension artérielle a tendance à être plus élevée dans le cabinet du médecin. Enfin, les symptômes initiaux passent souvent inaperçus ou sont négligés. Bien que sa prévalence soit élevée dans la population âgée du fait du vieillissement physiologique, l’HTO se rencontre surtout au cours des dysautonomies primitives ou secondaires par atteinte du système nerveux autonome (SNA)(3,4). L’identification de la cause et l’évaluation du retentissement fonctionnel guident la prise en charge. Le bilan cardiologique, orienté par les données de l’examen clinique, repose principalement sur les tests non invasifs d’exploration du SNA basés sur l’étude des variations spontanées ou provoquées de la PA et la fréquence cardiaque (FC)(7).   Que ne doit pas ignorer le cardiologue des mécanismes de régulation de la pression artérielle ?   La constance de la PA résulte de la permanente adaptation du débit cardiaque, du diamètre vasculaire et du volume circulant aux besoins de l’organisme. Le passage de la position couchée à la position debout entraîne des modifications physiologiques de la répartition du sang sous l’influence de la gravité qui tendent à diminuer la PA et le volume circulant dans la partie supérieure du corps. L’organisme s’adapte en mettant en œuvre des mécanismes visant à maintenir un débit suffisant de la partie supérieure du corps, notamment au niveau des circulations cérébrale et coronaire. Cette régulation est sous la dépendance de systèmes complexes nerveux et endocriniens : le débit cardiaque, les résistances périphériques (système résistif artériolaire) et la volémie (système capacitif veineux) en sont les déterminants principaux. La composante du SNA constituant le baroréflexe, véritable poste avancé du système nerveux central, joue de loin le rôle le plus important (figure 1)(3). Sa situation à la sortie du cœur et à l’entrée du cerveau souligne la primauté de la régulation intracarotidienne. Elle est mise en jeu en quelques secondes, assurant ainsi une régulation quasi instantanée. C’est un système essentiel car autorégulé (feed-back négatif), stimulé en permanence mais ne pouvant agir à long terme. Les mécanismes endocriniens ont pour leur part moins d’importance dans la régulation immédiate et font surtout appel au système rénine-angiotensine-aldostérone et à l’hormone antidiurétique (vasopressine) et des facteurs « humoraux » moins connus (bradykinine, prostaglandines…). Figure 1. Fonctionnement de l’arc baroréflexe. Les barorécepteurs aortiques et carotidiens perçoivent toute diminution de la PA et vont exercer un effet inhibiteur sur le centre bulbaire cardiovasculaire [1] avec pour conséquences : – l’inhibition partielle du noyau viscéro-moteur dorsal du pneumogastrique [2], point de départ des fibres parasympathiques du nerf vague [4] aboutissant au nœud sinusal [5]. L’inhibition du parasympathique cardiaque entraîne donc une tachycardie ; – l’activation du centre vasomoteur bulbaire [3] qui stimule, via la corne latérale de la moelle [6], les surrénales [7] libérant de l’adrénaline [A], et les chaînes ganglionnaires sympathiques libérant de la noradrénaline [NA] par la fibre post-ganglionnaire. Tachycardie et libération de catécholamines vasoconstrictrices aboutissent à une augmentation réflexe de la PA. Comment orienter le bilan d’une HTO ?   Quelles explorations réaliser par le cardiologue lors du bilan initial ? Le diagnostic d’HTO est facile dans la majorité des cas, et la cause aisément retrouvée par l’interrogatoire, l’analyse de l’ordonnance, l’examen clinique, et quelques examens simples comme l’ECG et le bilan biologique de routine. Dans les formes graves ou de mécanisme moins évident, des examens complémentaires pourront être réalisés par le cardiologue qui devra dans l’idéal disposer d’une table basculante, d’un système non invasif d’analyse battement par battement de la PA et de la FC, d’un Holter ECG et accessoirement d’un moniteur respiratoire. De par la multiplicité et la complexité des mécanismes régulateurs, le challenge pour le cardiologue sera de déterminer s’il y a ou non atteinte du SNA. En effet, du point de vue nosologique, l’HTO est classée en formes neurogène (dysautonomie) et non neurogène qui tous les deux peuvent être responsables d’une diminution de la circulation cérébrale. Mais si les dysautonomies sont la conséquence d’une défaillance de la régulation d’origine neurologique avec un système cardiovasculaire a priori intact, les formes non neurogènes reposent sur un trouble de type essentiellement hémodynamique. Le diagnostic d’HTO idiopathique ne pourra être retenu qu’au terme d’un bilan approfondi.   • Étape 1 : confirmation du diagnostic par le test d’HTO et évaluation du retentissement fonctionnel Lorsque la description clinique est évocatrice (tableau 1), le diagnostic d’HTO doit être confirmé dès la première consultation, selon une méthodologie rigoureuse de mesure, au repos pendant au moins 5 minutes, puis, après un lever rapide (immédiatement, à 1 puis à 3 minutes). Le diagnostic est positif si la PA systolique chute de plus de 20 mmHg et/ou la PA diastolique de plus de 10 mmHg dans les 3 minutes suivant le lever (qu’il y ait ou non des signes cliniques). La recherche d’HTO négative selon cette méthode ne permet cependant pas d’éliminer formellement le diagnostic, et il faut savoir répéter les mesures au cours de la même consultation, ou lors d’une autre consultation. L’automesure au domicile et la MAPA permettent de mesurer la PA en dehors de la présence du médecin, dans des conditions plus habituelles qu’au cabinet médical. Elles reposent sur un grand nombre de mesures, améliorant la précision de l’estimation de la PA. Les résultats de ces méthodes ambulatoires peuvent diverger de celles de la consultation, identifiant ainsi l’hypertension blouse-blanche et l’hypertension masquée. Par ailleurs, la MAPA permet de dépister les patients dont la PA ne diminue pas la nuit (sujets non dippers) qui seraient à plus grand risque cardiovasculaire. L’évaluation du retentissement fonctionnel, que le diagnostic soit ou non établi dès ce stade, est importante car l’HTO peut être asymptomatique de découverte fortuite et il faut s’attacher à prévenir les éventuelles conséquences, ou s’accompagner de troubles cliniques plus ou moins intenses (tableau 2)(3). • Étape 2 : utilité diagnostique du test d’inclinaison (tilt-test) De par sa simplicité, le test d’inclinaison s’impose comme le test cardiovasculaire le plus adapté pour reproduire les symptômes cliniques d’inadaptation posturaux de la PA, notamment chez les sujets suspects d’HTO retardée, ou en cas d’impossibilité de réaliser le test habituel (troubles moteurs…). Sa méthodologie est validée depuis une vingtaine d’années et son protocole bien standardisé(8). L’orthostatisme passif conduit à une redistribution d’environ 500 à 1 000 ml de sang de la partie supérieure du corps vers les membres inférieurs, responsable d’une diminution du débit cardiaque. L’incapacité des systèmes de régulation à moduler les résistances engendrera la réponse pathologique à l’origine de l’HTO (figure 2). Figure 2. Méthodologie du test d’inclinaison dérivée des concepts physiopathologiques présumés à l’origine de l’HTO et des syncopes vasovagales. Les tests d’HTO et d’inclinaison permettent non seulement de confirmer le diagnostic mais aussi de préciser les mécanismes physiopathologiques. En effet, le SNA a le rôle prépondérant et, en présence d’une HTO toute question est de savoir s’il existe ou non une atteinte fonctionnelle ou organique de l’arc baroréflexe. En pratique, le plus simple est de mesurer la FC lors de la chute de la PA. Schématiquement, on distingue : - l’HTO non neurogène (figure 3a) : sympathicotonique (ou hyperadrénergique) avec tachycardie significative (FC ≥ 15 bpm) quelle qu’en soit l’origine en particulier les iatrogénies médicamenteuses, les hypovolémies par déshydratation quelle qu’en soit l’origine, le déconditionnement (alitement prolongé…), l’insuffisance cardiaque, les arythmies cardiaques (fibrillation atriale), les endocrinopathies, etc. - l’HTO neurogène (figure 3b) : asympathicotonique (hypoadrénergique) avec chute significative de la PA sans accélération appropriée de la FC, par lésion organique ou fonctionnelle de l’arc réflexe (ex. maladie de Parkinson et syndromes parkinsoniens associés où la prévalence de l’HTO dépasse les 50 %), ou par prise de médicaments tels les hypotenseurs centraux ou les antidépresseurs. On parle alors de dysautonomie ou de dystonie neurovégétative. Les causes en sont multiples(3). Figure 3. Profil hémodynamique d’une HTO non neurogène sympathicotonique (A) et neurogène asympathicotonique (B) obtenu lors du test d’inclinaison. PA : pression artérielle ; FC : fréquence cardiaque ; VES : volume d’éjection systolique ; DC : débit cardiaque ; RPT : résistance périphérique totale. • Étape 3 : les autres tests cardiovasculaires d’exploration du SNA L’objectif à ce stade est de rechercher s’il y a ou non atteinte du SNA afin d’orienter le patient vers le neurologue. Le cardiologue peut, dans les cas litigieux, avoir recours à certains tests qui lui sont familiers et qui peuvent permettre, par le biais de l’étude de la régulation cardiovasculaire, une analyse un peu plus précise de l’intégrité du SNA. En apparence simples, ces tests soulèvent de nombreux problèmes de méthodologie et d’interprétation et sont influencés par l’âge, les comorbidités (diabète, hypertension artérielle, coronaropathies, etc.) et les traitements associés. Arythmie respiratoire (test cardiovagal) Durant l’inspiration, la décharge vagale est normalement inhibée et la FC augmente, alors que l’inhibition est levée lors de l’expiration et la FC diminue. L’arythmie sinusale respiratoire qui en résulte est exagérée lors des mouvements ventilatoires amples. Ce test, aussi appelé test cardiovagal parce que ces réponses sont médiées par le nerf vagal, évalue la différence entre FC maximale et minimale. Il est effectué en position couchée et commence par une période de repos qui permet d’acquérir les paramètres à l’état de base. S’en suit une phase d’inspiration profonde pendant 5 secondes puis d’expiration pendant 5 secondes. Ce cycle de 10 secondes est répété 6 fois, en évitant toute hyperventilation. L’arythmie respiratoire est mesurée en calculant la moyenne des différences de FC sur les cinq cycles les plus représentatifs (figure 4). Cette arythmie est diminuée ou absente en cas de défaillance du SNA. Les valeurs normales des différences de FC en fonction de l’âge sont résumées dans le tableau 3. Figure 4. Exemple de tracé ECG de variabilité sinusale respiratoire obtenu durant les phases d’inspiration et d’expiration profondes pendant un test cardiovagal. Orthostatisme (test de lever actif) Lors du passage de la position allongée à la position debout, la PA et la FC évoluent en deux phases. Dans la phase immédiate (jusqu’à la 15e seconde), la PA diminue et la FC s’accélère. Dans la deuxième phase (au-delà de la 20e seconde), on observe un rebond de la PA et une diminution de la FC. Le rapport 30/15 (intervalle RR du 30e complexe QRS/intervalle RR du 15e complexe QRS) est un indice de la réactivité vagale cardiaque dont l’intérêt est souligné dans les recommandations 2007 de la HAS. Variabilité de la fréquence cardiaque L’activité du SNA peut, en raison de sa capacité à rapidement moduler la PA et la FC, être étudiée par l’analyse de la variabilité de ces paramètres. Il existe classiquement deux méthodes d’étude de variabilité de la FC. La première consiste à la mesurer dans des conditions contrôlées « de laboratoire » à l’aide d’enregistrements ECG de courte durée, et la seconde, plus familière en cardiologie, à la mesurer à partir d’enregistrements ECG de longue durée (Holter de 24 heures) dans les « conditions de vie réelles ». Ces différentes variabilités peuvent être évaluées par 2 types d’indices statistiques(9) : soit le calcul des paramètres dans le domaine temporel, soit l’analyse spectrale dans le domaine fréquentiel. Dans le domaine temporel, chaque complexe QRS est détecté, déterminant ainsi la FC instantanée ou l’intervalle entre 2 complexes QRS normaux (NN pour « Normal-to- Normal-interval »). Il est possible de calculer la FC moyenne, les intervalles NN maximal et minimal, la différence entre les deux… Divers paramètres statistiques peuvent en outre être calculés à partir de l’intervalle RR ou la différence entre des intervalles RR adjacents. Quant à l’analyse spectrale, elle permet d’étudier la variabilité en fonction de ses oscillations, en décomposant la FC en ses composantes constitutionnelles de fréquence et en quantifiant la puissance relative de chacune de ces différentes oscillations. Outre l’évaluation globale de la variabilité, elle offre ainsi l’avantage d’évaluer les oscillations spécifiquement sous influence des tonus sympathique et parasympathique. Différentes méthodes mathématiques sont utilisées, notamment la transformée de Fourier. Les composantes spectrales de basse fréquence (entre 0,03 et 0,15 Hz) et de fréquence élevée (entre 0,18 et 0,4 Hz) sont particulièrement influencées par le SNA. Les hautes fréquences (ou HF) sont modulées par le tonus parasympathique, et les oscillations plus lentes (basses fréquences ou LF) sont sous l’influence prédominante du tonus sympathique. L’équilibre sympathovagal est évalué par le rapport LF/HF. L’analyse de la variabilité de la FC reste confidentielle et du domaine de la recherche dans l’HTO.   • Étape 4 : Autres tests d’explorations du SNA À ce stade ultime, le diagnostic d’HTO neurogène est établi et le patient confié à des laboratoires spécialisés pour réaliser des tests appropriés qui permettront de préciser la localisation, l’extension et l’intensité de l’atteinte du SNA. Nous ne ferons que citer la manœuvre de Valsalva, le test de préhension (hand grip test), le test de stimulus thermique (cold pressor test), le dosage des catécholamines plasmatiques, le test à la clonidine ou la scintigraphie cardiaque à la méta-iodo-benzylguanidine (MIBG).   En pratique   L’HTO est une pathologie fréquente trop souvent négligée, en particulier chez le sujet âgé. Le diagnostic est simple et repose sur la mesure standardisée de la PA, et le bilan étiologique le plus souvent facile. Si les causes iatrogène et fonctionnelle sont les plus fréquentes, certaines étiologies plus rares ne doivent pas être sous-estimées. Seule une connaissance précise des mécanismes et du contexte étiologique peut permettre d’assurer une attitude cohérente et adaptée à chaque cas rencontré.  L’auteur ne déclare aucun conflit d’intérêts en lien avec la publication de cet article.

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