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Cardiologie interventionnelle

Publié le 29 sep 2015Lecture 8 min

Angioplastie coronaire ambulatoire, une stratégie d’avenir

M. BOUKANTAR, E. TEIGER, CHU Henri Mondor, Créteil

Cet article présente un historique de l’angioplastie coronaire ambulatoire, puis évalue ses avantages en termes de prise en charge, d’organisation des soins et de bénéfice-risque par rapport à l’hospitalisation conventionnelle.  

Historique   La première étude portant sur l’angioplastie coronaire (ATL) ambulatoire a été publiée en 1994, à l’ère de l’angioplastie au ballon. Poussés par l’augmentation exponentielle de l’activité d’angioplastie coronaire, G.J. Laarman et al. ont montré la faisabilité et la sécurité d’une stratégie ambulatoire chez des patients bénéficiant avec succès d’une ATL coronaire au ballon(1). Cette première étude insistait déjà sur l’importance de la sélection des patients. Profitant de la généralisation de l’implantation des endoprothèses coronaires, de la miniaturisation du matériel d’angioplastie, ainsi que des progrès pharmacologiques dans l’antiagrégation plaquettaire, plusieurs études concernant l’ATL ambulatoire ont été menées par la suite. À partir de 2006, les études randomisées (études EASY et EPOS) ont succédé aux registres observationnels, permettant de confirmer la sécurité de la prise en charge ambulatoire, d’affiner les critères de sélection des patients pouvant en bénéficier et de valider la nécessité d’une période de surveillance de 4 à 6 heures après la procédure. En 2009, le concept d’angioplastie ambulatoire a été intégré aux recommandations américaines sur la revascularisation myocardique(2).   Rationnel   Le développement d’une stratégie d’ATL ambulatoire repose sur la maîtrise des risques potentiels inhérents à cette procédure et sur la preuve d’avantages apportés par cette prise en charge. Les principaux écueils limitant la diffusion de ce type de stratégie chez les praticiens sont le spectre des complications de l’ATL que sont les thromboses de stent aiguës et les complications au point de ponction. Or, dans une métaanalyse de 2013 portant sur 7 essais randomisés (2 738 patients) et 30 études observationnelles (10 065 patients), le risque de décès ou d’infarctus du myocarde à 30 jours était largement inférieur à 1 % et superposable à celui associé à une prise en charge hospitalière conventionnelle, aucun décès ne survenant dans les 24 premières heures. Le risque en rapport avec la thrombose subaiguë est maximal à partir de J5, et n’est donc pas réduit par la nuit de surveillance hospitalière(3). Aussi, les études portant sur les thromboses aiguës de stent ont bien montré que le risque était quasi « procédure-dépendant ». Ainsi, cette complication est prévenue par l’obtention d’un résultat angiographique et clinique optimal. Par ailleurs, seules de rares complications hémorragiques mineures étaient rapportées, reflet de la généralisation de l’abord radial. Dans notre expérience, les ré-hospitalisations dans les 24 heures sont exceptionnelles(4). Les avantages de la stratégie ambulatoire sont de plusieurs types. L’absence d’hospitalisation est plébiscitée par les patients, avec un taux de satisfaction très élevé. Aussi, il existe un bénéfice médico-économique, le coût d’une hospitalisation de jour (HDJ) étant inférieur à celui d’une hospitalisation conventionnelle. De plus, les lits non utilisés par les patients d’HDJ permettent d’augmenter l’offre de soins hospitaliers. Enfin, ce type de stratégie impose un renforcement de la collaboration hôpital-ville dans un même réseau de soin.   Notre expérience   Contrairement aux schémas décrits dans la plupart des études où l’on parle de « same day discharge » ou de «  outpatient PCI » (patients hospitalisés depuis la veille au moins et sortant le jour de leur ATL), nous réalisons dans notre service de véritables coronarographies et ATL ambulatoires, l’ensemble de la prise en charge du patient étant réalisée en une seule et même journée.   Une organisation optimale La mise en place de ce type de stratégie a nécessité des efforts importants sur le plan organisationnel et sur le plan du renforcement du lien ville-hôpital. Sur le plan structurel, une unité d’HDJ a été créée pour accueillir les patients avant leurs examens. Dans cette unité de huit lits qui gère également l’ambulatoire de rythmologie, deux infirmières spécialement formées participent à la prise en charge des patients et à la programmation des examens, aidées en cela par une secrétaire hospitalière (prise de rendez-vous, contact des patients, etc.). Les patients sont adressés en HDJ par les cardiologues du service ou, le plus souvent, par les confrères libéraux du secteur. Ainsi, le succès de la prise en charge ambulatoire nécessite l’implication de nos correspondants qui ont par conséquent bénéficié d’un important effort d’éducation sur les spécificités de la prise en charge ambulatoire, permettant d’optimiser la sélection des patients adressées en HDJ en excluant tous ceux présentant une contreindication évidente à la prise en charge ambulatoire (âge physiologique élevé, isolement social, insuffisance rénale sévère, etc.).   Une prise en charge protocolisée Afin d’optimiser le circuit d’hospitalisation, l’ensemble de la prise en charge d’un patient d’HDJ est protocolisée, de son accueil jusqu’aux motifs justifiant une nuit d’hospitalisation pour surveillance (figure 1). Cette protocolisation permet une gestion plus fluide des patients et une standardisation des pratiques entre les praticiens. Aussi, les patients d’HDJ sont priorisés dans le programme du laboratoire de cardiologie interventionnelle afin que les procédures soient réalisées avant 13 h, laissant la possibilité d’une surveillance de 4 heures au décours de l’examen. En plus d’une organisation bien huilée, une réactivité sans faille et une grande flexibilité sont requises pour répondre à la demande de nos correspondants et raccourcir les délais d’attente qui se limitent en général à quelques jours. Figure 1. Arbre décisionnel du patient admis en HDJ. Dans la pratique Les patients sont adressés en HDJ soit pour une angioplastie programmée, soit pour une coronarographie d’évaluation suite à un angor ou un test d’ischémie positif. À jeun depuis la veille au soir, les patients sont admis à la première heure dans l’unité d’HDJ. Ils se présentent munis d’un bilan biologique réalisé les jours précédents, du courrier de leur cardiologue traitant, et éventuellement de résultats d’autres examens (test d’ischémie, échographie cardiaque, etc.). Ils sont installés par l’infirmière puis perfusés par du sérum physiologique afin de prévenir la néphropathie aux produits de contraste. Ils sont ensuite vus par le médecin pour ne pas méconnaître une contreindication imprévue à l’examen (anomalie biologique, événement clinique intercurrent, etc.). Une charge en antiagrégant plaquettaire est prescrite pour les patients non traités auparavant. Les coronarographies sont réalisées le matin en première position sur le programme de la salle de cathétérisme afin d’autoriser une période de surveillance d’au moins 4 heures au décours de la procédure. L’abord de choix est un abord radial avec pansement compressif final, à retirer par le patient lui-même au bout de 24 heures. En cas d’abord fémoral, un système de fermeture percutané type Angio-Seal™ ou Proglide® est systématiquement utilisé pour ne pas empêcher la sortie du malade. En fonction du résultat de la coronarographie, une angioplastie est réalisée ad hoc ou dans un second temps, selon les recommandations sur la revascularisation myocardique éditée par l’ESC en 2014(5).   Selon le résultat de la procédure, une première orientation est donnée par l’opérateur En effet, en cas de résultat non optimal (perte d’une branche, douleur thoracique) ou de procédures très complexes (Rotablator®, ATL tronc commun), l’opérateur peut décider de différer la sortie du patient au lendemain. De facto, tous les autres patients sont considérés comme ambulatoires. Il en est de même pour les coronarographies diagnostiques qui sont toutes ambulatoires. Les patients sont ensuite surveillés 4 heures dans l’unité d’HDJ, avec notamment un ECG réalisé à la remontée et avant la sortie. Une visite finale du médecin accompagnée d’un ECG valide ou non la sortie à domicile. Cette visite permet de fournir au patient une information adéquate sur sa maladie, ainsi qu’une nouvelle ordonnance si nécessaire, accompagnée du compte rendu de la procédure.   Favoriser la relation hôpital-ville Le cardiologue du patient est informé du résultat de la procédure en temps réel par le cardiologue interventionnel opérateur, et consigne est donnée aux patients de revoir leur cardiologue traitant dans les 15 jours, ce qui permet d’optimiser la relation hôpital-ville. Un bilan biologique est prélevé en laboratoire de ville le lendemain de l’angioplastie et est faxé en HDJ, le patient étant recontacté par téléphone pour s’assurer de l’absence d’événements. L’activité d’HDJ coronaire a débuté dans notre centre en 2005, portée par une équipe médicale et paramédicale bien structurée et par la forte implication des cardiologues de ville du secteur. Sur les plus de 2 000 coronarographies annuellement réalisées dans notre centre, ce sont actuellement plus de 600 coronarographies qui sont effectuées dans le cadre d’une HDJ (figure 2). Parmi ces 600 procédures, on dénombre annuellement plus de 200 ATL ambulatoires, avec un taux d’ATL ambulatoire stabilisé autour de 55 % (figures 3 et 4). Les facteurs limitant l’ambulation sont principalement la complexité des procédures (Rotablator®, perte d’une branche) et les motifs organisationnels. Les patients et les cardiologues correspondants plébiscitent ce type de prise en charge dont l’indication est amenée à s’étendre.   Figure 2. Activité de l’hospitalisation de jour : nombre de coronarographies. Figure 3. Activité de l'hospitalisation de jour : nombre d’angioplasties (ATL). Figure 4. Évolution du taux d’angioplasties ambulatoires en HDJ. Conclusion    Le principe d’une hospitalisation conventionnelle systématique au décours d’une ATL n’est pas justifié chez tous les patients. Les progrès technologiques et pharmacologiques ont rendu possible la sortie des patients le jour même de leur angioplastie sans risque démontré à ce jour. La mise en place de l’ATL ambulatoire impose une sélection rigoureuse des patients basée sur leurs caractéristiques cliniques et sur le résultat de la procédure qui doit être optimal. Une structure dédiée de type hôpital de jour constitue un relais indispensable entre la salle de cathétérisme et la prise en charge extrahospitalière du malade. La prise en charge ambulatoire se développe dans toutes les spécialités chirurgicales et il semble logique que cette voie soit empruntée par la cardiologie interventionnelle.  "Publié dans Cath'Lab" 

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