Publié le 14 nov 2015Lecture 4 min
État des lieux de la prise en charge thérapeutique de la maladie thromboembolique veineuse
C. FABER
La prise en charge préventive et curative de la maladie thromboembolique veineuse — thrombose veineuse profonde et embolie pulmonaire — repose sur les traitements anticoagulants. Cet arsenal thérapeutique s’est enrichi récemment des anticoagulants oraux directs (AOD) dont l’entrée dans les dernières recommandations de la Société européenne de cardiologie sur le diagnostic et la prise en charge de l’embolie pulmonaire aiguë(1) a été un événement marquant de l’année 2014.
Du fait de sa morbidité et de sa mortalité importantes, la maladie thromboembolique veineuse (MTEV) est considérée comme un enjeu majeur de santé publique(2). C’est la troisième maladie cardiovasculaire la plus fréquente : selon les estimations, son incidence annuelle globale va de 100 à 200 cas pour 100 000 habitants(1). Plusieurs facteurs expliquent la difficulté d’obtenir des données précises sur l’épidémiologie de la MTEV. Outre son caractère souvent asymptomatique, la MTEV peut se manifester d’emblée par une embolie pulmonaire (EP) fatale dont l’incidence est sous-estimée en raison de l’absence d’examen post mortem systématique(3).
La MTEV reste fréquente en France
Une étude relativement ancienne menée dans l’Union européenne a recensé sur une année plus d’un million d’événements thrombo emboliques veineux ou de décès par MTEV dans 6 pays sur une population totale de 454,4 millions d’habitants(3). Seulement 7 % des 370 012 patients décédés avaient eu un diagnostic ante mortem de leur maladie, 34 % avaient présenté une EP fatale et 59 % n’avaient pas eu de diagnostic d’EP au cours de leur vie(3). En France, on dispose de données plus récentes (2010) émanant d’une étude sur la MTEV hospitalisée(2). Elle montre que la MTEV reste une pathologie fréquente, avec une incidence annuelle de 85,5 cas pour 100 000 si on la considère uniquement comme diagnostic principal et plus du double (186,6 cas pour 100 000) chez les patients hospitalisés à la fois pour un diagnostic principal et un diagnostic associé de MTEV. Elle confirme également l’augmentation de son incidence avec l’âge. Le taux d’hospitalisation pour MTEV passe, en effet, de 15 pour 100 000 dans la tranche d’âge des 15-19 ans à 110 chez les 45-49 ans et 1 200 pour 100 000 au-delà de 85 ans, ce sans différence en fonction du sexe. D’une manière générale, on estime qu’après l’âge de 40 ans, le risque double à chaque décennie de vie(1). En ce qui concerne la mortalité par MTEV, l’étude française fait état d’un taux brut de 8,1 décès pour 100 000 quand elle en est la cause initiale et 22,9 pour 100 000 en causes multiples. Au total, en 2010 en France, la MTEV a été impliquée dans 14 843 décès de toutes causes, plus souvent chez les femmes (n = 8 393 décès) que chez les hommes (n = 6 450)(2).
Récidives et complications
Quand elle n’est pas fatale, l’EP aiguë expose à un risque de récidive (thrombose veineuse profonde [TVP] ou EP) et de développement de complications comme l’hypertension pulmonaire postembolique chronique (HTPPE) qui est rare, mais s’accompagne d’une forte morbimortalité(4-6). L’incidence de l’HTPPE est de 0,5 % à 2 % et, d’après les données d’un registre dédié, on retrouve une histoire d’EP aiguë chez 74,8 % des patients atteints et des antécédents de TVP dans 56,1 % des cas(5,6). Quant à la TVP, dont on sait qu’elle est souvent associée à un EP, plus de 50 % des patients développent dans l’année qui suit un syndrome post-thrombotique responsable d’une altération non négligeable de la qualité de vie(4). En plus de son coût médical, la MTEV génère un coût financier important. D’après une analyse récente réalisée en Allemagne, le coût du traitement de l’EP aiguë durant la première année après l’événement s’élève à plus de 20 000 euros(7).
L’anticoagulation selon les recommandations européennes
Les progrès réalisés dans la prise en charge de l’EP ont conduit la Société européenne de cardiologie à réactualiser ses recommandations en 2014(1). À la phase aiguë de l’EP, le traitement anticoagulant est recommandé pour prévenir les décès précoces et les récidives d’événements thromboemboliques veineux mortelles ou non mortelles. Chez les patients ayant un EP à haut risque (signes cliniques de choc ou d’instabilité hémodynamique) ou à risque intermédiaire (déterminé par le score PESI ou PESI simplifié), il est recommandé de l’administrer immédiatement, dans l’attente de la confirmation du diagnostic. Si les patients sont à bas risque, une sortie précoce de l’hôpital ou un traitement ambulatoire peut être envisagé. Pour l’anticoagulation orale, les AOD ont désormais une place officielle dans la stratégie thérapeutique de l’EP comme alternative aux anti-vitamine K (AVK), les deux classes thérapeutiques ayant le même niveau de preuve (recommandation de grade I B). Parmi les trois AOD approuvés dans cette indication, deux peuvent être utilisés en traitement initial de l’EP, à savoir l’apixaban (Eliquis®) à la posologie de 10 mg deux fois par jour pendant 7 jours, puis 5 mg deux fois par jour(8), et le rivaroxaban (Xarelto®) à raison de 15 mg deux fois par jour pendant 3 semaines, puis 20 mg en une prise(9). Pour la prévention de la récidive de TVP et d’EP, les doses recommandées pour ces deux AOD sont de, respectivement, 2,5 mg deux fois par jour à l’issue de 6 mois de traitement, et 20 mg en une prise après 21 jours. Les experts européens soulignent l’efficacité et la sécurité des AOD, en particulier en termes d’hémorragies majeures, en précisant qu’ils sont probablement plus sûrs que le traitement standard par AVK. Enfin, le traitement anticoagulant doit être poursuivi pendant au moins 3 mois et la durée du traitement global sera personnalisée après une évaluation rigoureuse de son bénéfice par rapport au risque d’hémorragie.
*Non nécessaire chez les patients avec hypotension ou choc.
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